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Richard Banégas : " En Côte d'Ivoire, le ver est depuis longtemps dans le fruit "

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Mardi, 13 octobre 2020

Richard Banégas : " En Côte d'Ivoire, le ver est depuis longtemps dans le fruit "

Au-delà de la question du troisième mandat, le chercheur et professeur à Sciences Po analyse pour Le Point Afrique la trajectoire du pays, ses mouvements de fond et ses ruptures.

Que nous réserve la Côte d'Ivoire d'ici le 31 octobre ? La question mérite d'être posée alors que l'opposition est vent debout depuis l'annonce, le 6 août, de la candidature d'Alassane Ouattara à un troisième mandat. Il faut dire que le 5 mars, le président, âgé de 78 ans, avait annoncé qu'il ne se représenterait pas, afin de « transférer le pouvoir à une nouvelle génération ».

Une décision applaudie partout en Afrique, notamment par la jeunesse. Du côté du partenaire privilégié de la Côte d'Ivoire, la France, Emmanuel Macron avait même « salué cette décision historique d'un homme de parole et d'un homme d'État ».

Huit mois plus tard, le ton a changé. Les opposants au président ivoirien en appellent désormais à l'ONU. Et les chancelleries s'inquiètent. « Les protagonistes de la crise de 2010 sont toujours là », rappelle Richard Banégas, professeur de sciences politiques à Sciences Po. À 86 ans, l'ancien chef d'État ivoirien Henri Konan Bédié se présente pour le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Et de son côté, l'ex-président Laurent Gbagbo tente par tous les moyens de peser dans le jeu politique. Le chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) juge que la situation actuelle en Côte d'Ivoire est le résultat de plusieurs poisons et s'inscrit dans une certaine continuité. Décryptage.

Le Point Afrique : À votre avis, l'élection présidentielle prévue le 31 octobre en Côte d'Ivoire aura-t-elle lieu ?

Richard Banégas : Il semble qu'il y ait beaucoup de pression pour que l'élection soit effectivement reportée, vu les circonstances et la tension qui existent actuellement autour du scrutin. De son côté, le gouvernement semble camper sur sa position pour que le vote se tienne à la date prévue. Et si les choses devaient se décanter, ça sera sans doute, malheureusement, au dernier moment.

Existe-t-il des dispositifs légaux qui permettent de surseoir au vote ?

Il y a évidemment des dispositions, comme dans tout code électoral et dans la Constitution, en Côte d'Ivoire comme ailleurs, qui prévoient, en cas de tension dans le pays, de guerre ou d'autres empêchements politiques, économiques ou même climatiques, de reporter un scrutin. C'est d'ailleurs ce que le gouvernement de Laurent Gbagbo avait fait entre 2000 et 2010. Une élection présidentielle devait se tenir en 2005, elle n'a jamais été organisée, et Gbagbo a effectué deux mandats au lieu d'un finalement, prétextant que les conditions n'étaient pas réunies puisqu'à l'époque, le pays était en guerre, coupé en deux avec le Nord tenu par la rébellion. Aujourd'hui, la situation est radicalement différente puisque le pays est réunifié, les motifs qui avaient présidé à cette décision en 2005 ne sont plus valables. Le principal problème est celui de l'absence de concurrence politique, et cela pourrait éventuellement motiver un report du scrutin.

Richard Banégas mène depuis trente ans des travaux sur les enjeux de citoyenneté, de violence et de mobilisation des jeunes en Afrique de l’Ouest et notamment en Côte d’Ivoire. © DR


Faut-il craindre une crise avant, pendant ou après l'élection ?

Il est clair que la situation actuelle est extrêmement tendue dans le pays. Il y a beaucoup de facteurs qui pourraient laisser penser qu'on va se retrouver dans une situation analogue à celle connue après l'élection de 2010, qui a été suivie d'affrontements extrêmement violents.

Les facteurs qui pourraient laisser craindre ce genre d'explosion sont nombreux. L'un des enjeux sur lesquels il faut insister, c'est l'absence de renouvellement générationnel. La question du troisième mandat qui est au cœur de la résistance politique et des oppositions masque aussi des tensions générationnelles qui sont extrêmement fortes et qui se traduisent concrètement dans le pays par des attitudes contradictoires. Cette problématique du troisième mandat n'est d'ailleurs pas spécifique à la Côte d'Ivoire – on l'a vue au Burkina Faso, où elle a conduit à la chute de l'ex-président Blaise Compaoré en 2014, c'est la même chose en Guinée actuellement. En Côte d'Ivoire, on a des candidats déclarés à la présidentielle de 78 ans pour Alassane Ouattara et 86 ans pour Henri Konan Bédié, quant à Laurent Gbagbo, il essaie à son corps défendant de revenir dans le jeu par tous les moyens. Tout ça donne le sentiment qu'on prend les mêmes et qu'on recommence, alors que depuis 20-30 ans, la société ivoirienne a radicalement changé, y compris dans ses fondements démographiques.

Une nouvelle génération politique a pourtant émergé durant ces années de crise et dans le contexte de guerre : Guillaume Soro à la tête de la rébellion ou Charles Blé Goudé pour les Jeunes Patriotes pro-Gbagbo en sont les figures principales. Qu'ils se soient imposés par les armes ou par la force de leurs discours, les hommes de cette génération sont parvenus parfois à effacer les quadragénaires-quinquagénaires formés sous Houphouët et Bédié. C'est la « génération Fesci », issue des rangs de la puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire. Ils pensaient qu'en 2020 leur tour était arrivé, mais encore une fois, ils se voient marginalisés, ils sont pris dans un jeu politique qui demeure extrêmement verrouillé par les partis politiques et par ce qu'on appelle la « korocratie », c'est-à-dire le pouvoir des anciens en malinké.

Le risque d'un affrontement armé existe-t-il ?

La question sécuritaire est ici centrale. L'armée ivoirienne est aujourd'hui la somme de différents corps qui se sont agrégés après la rébellion. Les anciens rebelles qui étaient à la tête des régions du Nord, qu'on appelle les commandants de zone, les « comzones », sont devenus les hommes forts de l'armée ivoirienne et des forces de sécurité. Ils ont été centraux dans l'accès au pouvoir d'Alassane Ouattara, qui leur doit évidemment sa position. Cette relation demeure extrêmement compliquée. On ne sait pas si, en cas de troubles, l'appareil de sécurité obéirait au doigt et à l'œil au gouvernement, car les réseaux de loyauté entre le politique et le militaire sont mouvants, obéissant à des réseaux de patronage interpersonnels qui échappent pour partie à la hiérarchie officielle. Il reste malgré tout probable que les forces de sécurité, dans leur grande majorité, demeureront fidèles au pouvoir, car ces anciens « comzones », qui tiennent l'armée, auraient aussi beaucoup à perdre si Ouattara perdait le pouvoir.

En 2010, tous ces acteurs : les comzones, les milices, les jeunes patriotes étaient visibles dans l'espace public, aujourd'hui qu'en est-il ?

Ils le sont évidemment beaucoup moins. Les milices patriotiques qui soutenaient Gbagbo ont évidemment disparu du paysage. Mais il y a beaucoup d'inconnues sécuritaires dans ce moment que vit la Côte d'Ivoire. Ces dernières années, il y a eu des mutineries à répétition au sein de l'armée de la part de ceux qui avaient été intégrés dans l'armée en 2011 et réclamaient une augmentation des soldes, mais aussi de la part des démobilisés, qui constituent un réservoir de violence. Les mutineries de 2017 et 2018 ont signifié la fragilité intrinsèque de ce pouvoir qui repose sur la dette de guerre. Une dette de guerre qui n'a jamais véritablement été soldée.

Comment la population peut-elle réagir ?

L'opposition compte évidemment des soutiens dans la population, elle a un pouvoir de mobilisation qui n'est pas négligeable. Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire de Bédié, est un vieux parti de notables avec des soutiens extrêmement loyaux notamment dans certaines régions du sud-ouest du pays, mais pas seulement. Le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, plus ancré dans les milieux populaires, peut également compter sur des partisans prêts à s'engager. Malgré tout, il faut mesurer cette force. Le FPI est très divisé et l'on observe que l'appel à la désobéissance civile lancé par Bédié ne suscite pas non plus des vagues de manifestations dans le pays, les gens continuent de vaquer à leurs occupations comme si, a priori, chacun était un peu las de tous ces conflits de pouvoir au sommet.

La société ivoirienne est sans doute lassée de toutes ces querelles politiques qui traversent le pays depuis 30 ans. Les populations ne veulent plus hypothéquer l'avenir, beaucoup se disent qu'ils ont retrouvé une vie à peu près normale. Cette attitude, qui reste à sonder, est l'héritage de la guerre et des violences post-électorales de 2010-2011. Après, évidemment, on peut toujours avoir une crise politique ou une crise militaire sans que la population y participe directement.

Lire aussi Tierno Monénembo : « Nous avons besoin de véritables chefs d'État, pas de chefs de village »

Cette faible mobilisation joue-t-elle en faveur du président Ouattara ?

Oui, sans aucun doute. Quand Alassane Ouattara a pris le pouvoir, il a fait le pari de la paix par la croissance. Il a cherché à dépolitiser en quelque sorte les tensions en faisant le pari d'une reconstruction économique du pays, ce qui a assez largement réussi si l'on en juge au taux de croissance à deux chiffres que le pays a enregistré depuis maintenant près de dix ans. Sauf que cette croissance, qui se voit aux infrastructures, aux bouleversements des habitudes de consommation des Ivoiriens, et même à l'affirmation d'une classe moyenne de plus en plus importante – a laissé sur le carreau énormément de gens. Il y a une très grande frustration vis-à-vis de cette croissance inaccessible qui cantonne les gens au lèche-vitrine de l'« émergence ». Les inégalités ont explosé ces dernières années et elles sont de plus en plus manifestes.

Beaucoup d'observateurs, d'acteurs politiques, d'experts extérieurs évoquent la tenue d'une conférence nationale, ou d'un dialogue inclusif. Comment le pays pourrait-il s'y prendre ? Existe-t-il des dispositions dans la Constitution qui permettent d'aller dans ce sens, ou bien faut-il créer un cadre légal ?

C'est une solution qui a souvent été évoquée. La Côte d'Ivoire, à l'inverse d'autres pays de la sous-région d'Afrique francophone comme le Bénin, le Togo, etc., a fait l'économie de la conférence nationale au moment du passage au multipartisme au début des années 1990. Houphouët-Boigny pensait ainsi garder la main sur cette dynamique.

Il a fallu attendre 2001 pour que la Côte d'Ivoire organise un forum de réconciliation nationale, espérant opérer une catharsis alors que le pays était miné par les tensions autour de l'ivoirité, concept fondé par Henri Konan Bédié. Après le coup d'État du général Robert Gueï et la transition militaire, le pays a ainsi tenté de panser ses plaies, mais ce forum n'a pas tenu ses promesses. Au contraire, il a en quelque sorte mis du sel dans les plaies en cristallisant des problématiques qui étaient jusqu'alors plus ou moins tues. Cette libération de la parole lors du Forum a conduit à l'inverse de l'effet espéré. Aujourd'hui, effectivement, de nombreuses voix s'élèvent pour appeler à une nouvelle conférence nationale ou un forum national, ça peut être une bonne chose puisque la question principale, à savoir : « qui est citoyen et qui ne l'est pas », est une problématique qui a traversé depuis des décennies le champ politique et social ivoirien. Cette question était déjà au cœur de la guerre, la rébellion s'est formée autour de ses revendications identitaires, de la reconnaissance de la citoyenneté, notamment des gens du Nord. Elle a ensuite été mise sous le tapis, car le régime Ouattara a préféré en quelque sorte taire ces enjeux et les traiter par la croissance économique et les nouvelles technologies biométriques. Sauf qu'aujourd'hui, on se retrouve dans une situation de blocage politique qui pourrait raviver ces braises de l'ivoirité.

Comment s'explique, dans l'Histoire, cette propension des hommes politiques ivoiriens à toujours réfléchir aux voies et moyens d'écarter préventivement leurs rivaux plutôt que de véritablement batailler pour conquérir les urnes…

En Côte d'Ivoire, le ver était depuis longtemps dans le fruit. Ce poison de l'ivoirité dont on a parlé, il a été inoculé au début des années 1990 pour des raisons politiciennes par Henri Konan Bédié et son parti pour écarter Alassane Ouattara de la course à la succession après la mort de Houphouët-Boigny. Ce sont les rivalités de pouvoir qui ont présidé à ce débat sur l'ivoirité. Sauf que ce débat a très largement débordé le champ politico-partisan pour percoler dans l'ensemble de la société ivoirienne, qui s'est emparée de cette problématique pour dénoncer un sentiment de dépossession, vécu ou fantasmé, face à l'immigration des ressortissants des pays sahéliens et des Ivoiriens du Nord, perçus comme « étrangers » dans les régions prospères du Sud. Ce penchant autochtoniste était déjà présent dans les années 1930-1940 où, dans les associations naissantes de la société civile, on s'interrogeait déjà sur qui était le véritable Ivoirien.

La Côte d'Ivoire demeure un bassin d'emplois très important pour les populations de toute la sous-région, des pays sahéliens en particulier. La colonisation a organisé physiquement ce déport d'une très grande partie de la population sahélienne vers la Côte d'Ivoire. Et avant même l'indépendance, cette question des contours de la nation a fait débat. Houphouët-Boigny a volontairement occulté cette problématique par sa politique économique libérale d'accueil des étrangers qui pouvaient obtenir des papiers dès lors qu'ils travaillaient en Côte d'Ivoire et soutenaient la politique du régime du parti unique. Mais quand ce pacte a craqué dans les années 1980-1990, les revendications démocratiques et les rivalités politiques ont radicalisé l'ivoirité. Aujourd'hui, les gens ne raisonnent plus dans ces termes, ce n'est plus dicible politiquement. Mais la problématique demeure importante, elle est sous-jacente, on évoque d'autres mots pour dénoncer notamment ce que le président Ouattara lui-même a qualifié de « rattrapage ethnique », à savoir la prise de pouvoir des Nordistes.

C'est comme si on ne reconnaissait pas aux citoyens leur rôle… Est-ce que cela provient du fait que la nature même de la notion de nation ivoirienne ne correspond pas tout à fait à la réalité ?

Malheureusement, le principe démocratique d'inclusion des citoyens ordinaires est souvent très largement oublié. Je ne crois pas que ce soit un trait caractéristique de la Côte d'Ivoire. C'est malheureusement le lot de l'ensemble des régimes qui se veulent démocratiques.

Comment expliquez-vous le silence actuel de la France ?

C'est difficile de l'interpréter. Après tout, c'est un débat qui est d'abord ivoiro-ivoirien. On se souvient que pendant des années, la société ivoirienne a réclamé à cor et à cri, et fort justement, une rupture du cordon ombilical avec l'ancienne puissance coloniale. C'était une des antiennes des soutiens de Laurent Gbagbo à l'époque, dans une relation assez frontale avec Paris. Entre la France et la Côte d'Ivoire, c'est une relation très compliquée, qui est au cœur de l'histoire de la France avec le continent : l'expression de Françafrique a été forgée par Houphouët-Boigny à l'époque pour exprimer son souhait de maintien d'une relation privilégiée. La Côte d'Ivoire a toujours été en quelque sorte une vitrine de la relation franco-africaine. Tout cela a fluctué avec des hauts et des bas, comme on l'a vu notamment pendant la guerre où la France s'est fortement impliquée au début, puis a cherché à se retirer après 2005 pour enfin peser de tout son poids militaire dans l'issue du conflit en faveur d'Alassane Ouattara.

Cela a évidemment changé avec l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara, pensez-vous que Paris puisse intervenir en cas de conflit ?

L'accès au pouvoir d'Alassane Ouattara a été le retour de la lune de miel entre Paris et Abidjan, avec à la fois des investissements économiques importants, mais politiques aussi, d'une certaine façon, avec un soutien avéré au nouveau régime ivoirien. Peu de choses ont filtré du déjeuner entre les deux présidents Macron et Ouattara à l'Élysée, mais il semble qu'une bonne partie de l'appareil d'État français soit inquiet à l'idée que la Côte d'Ivoire soit à nouveau déstabilisée. Sans doute qu'à Paris on avait anticipé peut-être une passation de pouvoir à une nouvelle génération. J'imagine que c'était le scénario qui était favorisé pour assurer la stabilité. Maintenant que le président Ouattara est revenu sur sa promesse de se retirer, je pense que tout le monde est extrêmement embarrassé.

Quels sont aujourd'hui les intérêts de la France en Côte d'Ivoire ? Ils étaient déjà très importants en 2010…

Les intérêts français en Côte d'Ivoire sont indéniablement plus importants aujourd'hui qu'en 2010, car entre 2000 et 2010, les investissements avaient fortement décru, les intérêts français étaient menacés, dans un contexte de hausse du sentiment anti-français très vif pendant les années Gbagbo. À l'époque, il y avait près de 50 000 Français en Côte d'Ivoire. Bon nombre d'entre eux avaient dû fuir le pays notamment lors de la crise de 2005, lorsque les Jeunes Patriotes étaient lancés dans la rue par les proches de Gbagbo au cri d'« à chacun son petit Français ». De nombreuses entreprises françaises sur place avaient dû fermer. On disait d'eux qu'ils étaient les pieds-noirs en quelque sorte de Côte d'Ivoire.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Depuis le changement de régime, les investissements ont fortement augmenté. Évidemment, la France n'est pas seule dans ce jeu économique en Côte d'Ivoire. Au contraire, Ouattara a très largement diversifié ses relations commerciales avec le reste de la planète, à commencer par la Chine, mais pas seulement. Avec la Turquie, le Maroc est également extrêmement présent en Côte d'Ivoire, y compris dans le secteur des assurances, de la banque, du BTP, là où, justement, la France avait jusqu'alors un quasi-monopole. Il est difficile de résumer les relations entre la France et la Côte d'Ivoire à l'aune des seuls intérêts économiques et politiques. Il y a également des intérêts stratégiques sécuritaires. La menace djihadiste dans le Sahel est dans tous les esprits. Tout le monde craint évidemment qu'après le Burkina Faso, les pays du golfe de Guinée tombent sous la coupe des djihadistes. Les attentats de Grand-Bassam et d'autres à la frontière ont été des signes très forts qui inquiètent.

Finalement, la greffe d'une démocratie à l'occidentale ne prend pas… et pas seulement en Côte d'Ivoire…

Disons qu'il y a des blocages. Aujourd'hui, la question des troisièmes mandats est devenue une nouvelle forme de coup d'État, que je qualifierais de constitutionnel en remplacement des putschs militaires auxquels on était habitués. Ce blocage des dynamiques de démocratisation est compliqué en Afrique de l'Ouest, mais aussi et surtout en Afrique centrale, dont on parle moins. Malgré tout, il y a quand même un ferment d'espoir. Face à cette tentation des régimes autoritaires de se maintenir en place, il y a une société civile et des jeunes en particulier qui se mobilisent très fortement et de manière de plus en plus coordonnée avec des mouvements panafricains, transnationaux, de mobilisation qui se font jour. Prenez la plateforme Tournons la page, particulièrement active dans le monde francophone, qui est un espace extraordinaire de solidarité militante en faveur de l'alternance. Évidemment, ils ne pourront pas le faire seuls. Au Sénégal, au Burkina Faso, ces mouvements citoyens ont réussi parce qu'ils ont fait la jonction avec les vieux partis politiques. En Côte d'Ivoire, aujourd'hui, ce n'est pas le cas en raison de la forte emprise partisane. Les mouvements de la société civile qui se lèvent courageusement pour faire respecter l'état de droit n'ont pas encore réussi à dépasser la marginalité dans laquelle les tiennent les partis politiques.

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