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APRNEWS: Les navires énergétiques flottants sont-ils la solution de la crise énergétique en Afrique ?

APRNEWS - Les navires énergétiques flottants sont-ils la solution de la crise énergétique en Afrique ?
Lundi, 24 juin 2024

APRNEWS: Les navires énergétiques flottants sont-ils la solution de la crise énergétique en Afrique ?

APRNEWS - Près de 600 millions de personnes en Afrique n'ont pas accès à l'électricité, dans un contexte de crise énergétique qui menace le continent de ramifications sociopolitiques et économiques de grande ampleur.

Alors que la demande d'énergie augmente, certains pays se tournent vers des sources non conventionnelles, comme la société turque Karpowership - une flotte de centrales électriques flottantes qui naviguent vers les pays pour fournir de l'électricité.

Les 40 "bateaux électriques" de cette entreprise basée à Istanbul fournissent plus de 6 000 mégawatts à 14 pays, dont la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, le Sénégal et la Sierra Leone.

Ces navires autonomes utilisent des moteurs multicombustibles, ce qui leur permet de fonctionner au fioul lourd, au gaz naturel liquéfié ou au biocarburant.

Ils peuvent être installés sur des sites côtiers où il existe une sous-station électrique. Il s'agit de "jonctions" où les circuits se connectent les uns aux autres, créant ainsi le réseau autour duquel l'électricité circule à haute tension.

L'électricité est injectée directement dans le réseau de transmission à partir de la sous-station haute tension embarquée.

Le Ghana

Karpowership produit environ un quart de l'énergie consommée au Ghana depuis près de dix ans.

Le pays a souffert d'une série de coupures de courant persistantes, connues sous le nom de "dumsor". L'Electricity Company of Ghana (ECG) doit plus de 1,7 milliard de dollars US (environ 1 037 milliards de francs CFA) aux fournisseurs d'électricité. Son incapacité à rembourser ces dettes a contribué à une crise de l'électricité à l'échelle nationale.

William Boateng, directeur de la communication de l'ECG, a déclaré que la compagnie avait eu recours aux coupures de courant parce que le parlement ghanéen avait refusé d'"honorer les mises en demeure de payer".

"Les déconnexions concernent tout le monde ; quiconque ne paie pas et ne parvient pas à prendre des dispositions sera déconnecté", a déclaré M. Boateng à Reuters.

Karpowership affirme aider le Ghana à résoudre ses problèmes énergétiques.

"Notre réseau au Ghana a fait une différence tangible dans la fréquence des coupures d'électricité, ce qui a eu un impact positif significatif sur les conditions socioéconomiques des communautés locales", a déclaré Zeynep Harezi, directrice commerciale de Karpowership, à la BBC.

"Pour donner un exemple, l'industrie locale de la pêche, qui était extrêmement vulnérable aux coupures d'électricité qui empêchaient le stockage en toute sécurité des prises, en a énormément bénéficié. Cependant, les coupures de courant restent une réalité quotidienne, ce que le gouvernement s'efforce d'éviter", a-t-elle expliqué.

Le Ghana dispose d'importantes sources d'énergie naturelle, dont trois barrages hydroélectriques, qui contribuent à environ un tiers de sa production d'électricité. Il dispose également de réserves de pétrole et de gaz en mer, mais celles-ci n'ont pas encore été pleinement exploitées.

Karpowership indique qu'elle a collaboré avec la compagnie nationale d'électricité du Ghana pour accéder au gaz naturel du pays. On espère ainsi disposer d'une source de production d'électricité plus durable et plus rentable à long terme.

La société utilise également un gazoduc de 11 km de long pour transporter le gaz naturel de son point d'extraction à la centrale électrique, ce qui, selon elle, permettra au Ghana d'économiser environ 20 millions de dollars US (environ 12,2 milliards de francs CFA) par mois.

"Le gazoduc de 11 km s'étend d'Aboadze à la base navale de Sekondi, où notre navire à moteur est amarré", a déclaré Mme Harezi.

"Le développement de l'infrastructure du gazoduc par le Ghana était essentiel pour permettre à notre navire d'approvisionner le pays en gaz naturel. Nous reconnaissons la nécessité de développer des infrastructures terrestres à long terme et nous soutiendrons toujours nos partenaires dans cette entreprise", a-t-elle ajouté.

Karpowership affirme que l'utilisation de gaz national liquéfié dans ses centrales électriques constitue une alternative plus propre aux combustibles fossiles et contribue à réduire les émissions de carbone, tout en stabilisant les réseaux électriques et en comblant les déficits d'approvisionnement.

"Nos centrales sont délibérément conçues pour minimiser l'impact environnemental de la production d'électricité. Ils sont compacts, efficaces, bien isolés et dotés d'amortisseurs de vibrations pour gérer les facteurs environnementaux potentiels", a déclaré Mme Harezi.

Durabilité

Toutefois, certains experts en énergie avertissent que l'électricité fournie par le Karpowership pourrait ne pas être une solution durable à long terme, car la location d'un navire de production d'énergie pourrait être plus coûteuse qu'une centrale électrique permanente sur terre.

"Les pays africains se tournent vers cette solution simplement parce qu'elle est rapide et flexible face aux pénuries d'électricité", a déclaré à la BBC Tony Tiyou, le président-directeur général de la société d'énergie verte Renewables in Africa.

"Mais il ne faut pas y voir une solution définitive aux problèmes énergétiques de l'Afrique. Au bout de cinq ans, la solution aux coupures d'électricité sera déjà plus coûteuse qu'une solution permanente. Ce dont nous avons besoin, c'est que les pays africains investissent dans un mélange diversifié d'énergies, y compris les énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydraulique)", a expliqué M. Tiyou.

Karpowership maintient cependant que ses solutions sont moins chères que les autres.

"Il est plus économique de construire des centrales électriques flottantes dans un environnement totalement contrôlé, dans un chantier naval doté des capacités de grutage les plus élevées, que de construire une telle centrale dans de nombreux pays en développement", a signalé Mme Harezi.

Factures d'électricité impayées

Malgré l'impact positif que Karpowership affirme avoir eu au Ghana et dans d'autres pays africains, la société a été contrainte de couper l'approvisionnement en énergie de certains pays en raison de factures impayées.

L'année dernière, la Guinée-Bissau a été plongée dans l'obscurité pendant près de deux jours parce que Karpowership a coupé l'électricité, le pays n'ayant pas payé des factures d'un montant de 15 millions de dollars (environ 9,1 milliards de francs CFA).

La coupure d'électricité a affecté l'approvisionnement en eau, les hôpitaux et les médias, la chaîne publique Rádio Nacional ayant dû cesser d'émettre.

Karpowership a toutefois pu rétablir l'approvisionnement en énergie de la Guinée-Bissau après que le gouvernement a effectué un paiement de 6 millions de dollars US (environ 3, 6 milliards de francs CFA).

La Sierra Leone a également été touchée par les coupures d'électricité, dans sa capitale notamment, Freetown, l'année dernière. Karpowership avait coupé son approvisionnement en électricité en raison d'une dette impayée d'environ 40 millions de dollars US (environ 24,4 milliards de francs CFA).

Le ministre de l'Énergie, Isuf Baldé, a déclaré que le contrat du pays avec Karpowership devait être renégocié, car les coûts avaient presque doublé depuis son entrée en vigueur.

Karpowership maintient son engagement à fournir de l'énergie aux pays africains, le continent restant l'un de ses principaux marchés.

"Nous venons de signer des accords avec les autorités gabonaises pour fournir 150 mégawatts à leur réseau national. Nous pensons pouvoir aider l'Afrique dans sa transition énergétique et élargir l'accès à l'électricité pour ses populations", a déclaré Mme Harezi.

BBC AFRIQUE