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Malaisie: toujours illégal, le suicide augmente dangereusement depuis la pandémie

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Vendredi, 9 juillet 2021

Malaisie: toujours illégal, le suicide augmente dangereusement depuis la pandémie

Le suicide a été plus meurtrier que le coronavirus en 2020 dans ce pays d'Asie du Sud-Est, et ce fléau augmente de manière inquiétante ces derniers mois. Il reste cependant difficile à combattre en Malaisie, où le suicide est puni par la loi.

Alors qu’ils étaient sans emploi et aux abois, dans une économie frappée de plein fouet par la pandémie de Covid-19 et les restrictions draconiennes qu’elle a engendrées, deux hommes de 28 et 41 ans se sont retrouvés à la Une des journaux malaisiens. Pour avoir tenté de mettre fin à leurs jours, ils ont été condamnés à payer une amende et à une peine de prison au nom de l’Article 309 du code pénal national.

Héritée de la colonisation britannique, la Malaisie n’est certes pas le seul pays à avoir conservé cette loi après avoir gagné son indépendance. Mais elle apparait comme un des rares pays qui l’exerce toujours, alors que l’Inde, Singapour ou le Sri Lanka ont dépénalisé les tentatives de suicide. Cette loi semble peu utilisée dans les autres pays qui l’ont toujours dans leur droit.

En Malaisie cependant, 11% des tentatives de suicide seraient, elles, pénalement condamnées, d’après les derniers chiffres officiels disponibles. C’est souvent en invoquant un possible effet dissuasif que ces verdicts sont défendus. Ainsi, c’est en arguant que cela « pouvait servir de leçon » qu’une procureure a décidé de condamner une personne ayant survécu au suicide en août 2020.

Une prise en charge plus complexe

Pour le docteur Andrew Mohanraj président de l’association malaisienne pour la santé mentale, ce genre de décision est en totale opposition avec la réalité du suicide : « Malheureusement, cette loi ne dissuade en rien les passages à l’acte, analyse-t-il, elle dissuade surtout les gens à trouver de l’aide. Or on sait qu’après une première tentative de suicide, il y a de grandes chances de récidives, qui peuvent, elles, être fatales. »

Et si cette loi complique la prise en charge des personnes suicidaires, elle complexifie également l’étude globale du suicide, la compréhension détaillée de ce phénomène, poursuit le docteur Mohanraj : « Les familles ont tendance à cacher cela, en suppliant et demandant de ne pas inscrire suicide comme cause de la mort, mais plutôt noyade, asphyxie ou détresse respiratoire. Il est donc aussi difficile de faire de la prévention contre le suicide, car comment lutter contre quand on n'a même pas de chiffres précis à étudier ? »

Si les données actuelles sont donc déjà alarmantes, le nombre de suicides pourrait être bien plus élevé que ne le laisse penser les chiffres officiels.

Dettes et difficultés financières

Interviewé par la chaîne de télé Astro Awani, Ardy Ayadali, un des responsables de BeFrienders, une des rares ligne d’écoute luttant contre le suicide, notait, quant à lui, une augmentation de 50% des appels entre le premier confinement qu’ont subi les Malaisiens en mars 2020 et l’actuel. « On note également une augmentation d’appels évoquant des inquiétudes financières », ajoute-t-il.

Le directeur général de la santé s’est, lui aussi, inquiété d’une hausse des risques suicidaires liés à la pandémie et à sa crise économique. Pour combattre cela, il a également incité les Malaisiens à faire preuve d’empathie, les personnes dépressives à appeler la ligne d’écoute pour le soutien psychosocial et a condamné le partage de vidéos de suicides sur les réseaux sociaux qui peuvent, assure-t-il, inciter certaines personnes.

L’année dernière enfin, pour réduire le nombre de suicides, les autorités ont interdit la vente de l’ingrédient le plus utilisé pour se tuer : un pesticide fréquemment utilisé dans les plantations d’huile de palme. Mais cela n’a pas empêché un homme endetté d’une soixantaine d'années de mourir après en avoir ingéré, a noté la presse locale en mai.

Aprnews avec Rfi