La diffusion par une chaîne de télévision ivoirienne d’une émission censée dénoncer le viol, et au cours de laquelle un homme présenté comme un ex-violeur a raconté comment il agressait ses victimes, a soulevé mardi 31 août l’indignation en Côte d'Ivoire.

Dans cette émission diffusée lundi à une heure de grande écoute par La Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI, privée), un homme présenté par l’animateur Yves de M’bella comme un ancien violeur, est invité à expliquer comment il violait ses victimes. Pour mieux illustrer les propos de l’ex-violeur, l’animateur, en riant, met à sa disposition un mannequin qu’il l’aide à allonger au sol et lui demande alors d’expliquer avec force détails comment il s’y prend pour abuser de sa victime.

À la fin de sa "démonstration", l’ex-violeur présumé est invité par Yves de M’bella à donner ses "conseils" à une femme pour ne pas être violée. Une fois terminée, l’émission intitulée La télé d’ici vacances, censée dénoncer le viol, a suscité des réactions outrées sur les réseaux sociaux.

Suspension de l'animateur

Lancée peu après la diffusion de l’émission, une pétition signée mardi à la mi-journée par 30 000 personnes, adressée à la Haute autorité de la communication audiovisuelle, aux ministères de la Communication et de la Jeunesse, a demandé que l’émission soit "carrément annulée et [que] l’équipe qui la présente avec à sa tête Yves de M’bella soit sanctionnée". À l’heure "de la lutte contre les violences faites aux femmes", le texte déplore que "la télévision, dont le rôle est d’éduquer, se fasse complice […] en donnant la parole à un violeur".

Suite à la vive polémique relative à l’édition du 30 août 2021 de l’émission la Télé d'ici en Vacances, la Nouvelle Chaine Ivoirienne a annoncé la suspension de l'animateur Yves de Mbella dans un communiqué ce mardi 31 aout 2021. Comme exigé sur les réseaux sociaux depuis hier, la Direction générale a supprimé les séquences mises en cause bien avant la suspension de l’animateur. « Les séquences d’hier, dont certaines ont été abondamment relayées sur les réseaux sociaux, sont totalement contre les valeurs que nous défendons. Notre historique le montre, nous sommes totalement contre le viol et tous les autres crimes. Nous tenons à préciser qu’à titre de mesures conservatoires, nous avons supprimé depuis hier ces séquences de nos pages Facebook et Instagram, nous avons annulé toutes les rediffusions de cet épisode de La Télé d’ici Vacances et nous avons suspendu l’animateur », put t‑on lire dans le communiqué.

La communauté nationale et internationale choquée

L’indignation ne cesse de grandir depuis la diffusion de cette séquence. « Je condamne fermement ces actes ignobles et ces propos de l’invité et de l’animateur », a réagi la ministre de la Femme, Nassénéba Touré.

De son côté, Denéo Gouehe Gnonsian Désirée, secrétaire générale de la Ligue ivoirienne des droits des femmes (LIDF), demande des sanctions : « J’ai été choquée comme plus d’un. Je ne sais pas si c’est une quête de buzz, je ne sais pas. Mais, honnêtement, je n’ai pas de mot pour qualifier cela. Mais je trouve que c’est totalement déplacé. On espère que la Haute autorité pour la communication de l’audiovisuel pourra au moins, et pour une fois en Côte d’Ivoire, se prononcer et condamner fermement de telles actions qui sont carrément outrageantes et humiliantes pour les femmes ivoiriennes. »

Les sponsors associés à Yves de M'Bella se sont eux aussi désolidarisés de l'animateur en produisant des communiqués de condamnation : MTN Côte d'Ivoire, COMICI.

Enfin les organisations féminines, les sociétés civiles, comme celle de M. François-Dominique Delafosse, SCOOP, ne sont pas restés en marge de cette vague d'indignation à l'endroit de la chaine de télévision.

Les sanctions tombées

Dans la foulée, la justice ivoirienne, sous pression, s'est saisie du Dossier en gardant à vues pour interrogations l'animateur et son invité. Dans la journée, tous deux ont été transféré au Parquet du Tribunal d'Abidjan. Dans la soirée du 1er Septembre 2021, le verdict est tombé pour les deux fautifs : Yves de M'Bella condamné à 12 mois de prison avec sursis plus 2 millions de francs d'amende avec interdiction de sortir du territoire national pendant 2 ans. Tandis que l'invité présumé "ex-violeur" a eu 24 mois de prison ferme avec 500.000fr cfa d'amende.

La redaction Aprnews