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Jean-Claude Delafosse : "Laurent Dona-Fologo, "Mon cousin""

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Vendredi, 12 février 2021

Jean-Claude Delafosse : "Laurent Dona-Fologo, "Mon cousin""

Je n’ai jamais appelé par leur nom propre ni Laurent Dona-Fologo ni son aîné Gon Coulibaly, le père du feu Premier ministre Amadou Gon.

Nous nous appelions « cousins ». Dona-Fologo parce qu’il était l’illustre fils du nord que tous les Ivoiriens connaissaient. Gon Coulibaly parce qu’il était l’illustre petit-fils de Péléforo Gbon que tous les Ivoiriens connaissaient. Et moi parce que mon père est né à Korhogo, « dans les mains » du plus illustre patriarche du pays sénoufo, dans une de ses chambres. 

Gon Coulibaly n’est plus des nôtres depuis le mois d’août 1990. Depuis vendredi dernier, me voilà orphelin de mon deuxième « cousin », avec la disparition de Laurent Dona-Fologo. 

J’avais beaucoup de fraternité pour un personnage qui était à mes yeux un des compagnons les plus loyaux du président Félix Houphouët-Boigny. C’était d’abord son métier de journaliste qui avait permis à Laurent Dona-Fologo de montrer cette qualité au Président. Le journalisme le mettait quotidiennement en occasion de raconter les initiatives du chef de l’État, d’expliquer ses actes, de commenter sa pensée. Dans ces différents exercices, Dona-Fologo s’était révélé une plume d’une incomparable probité. C’était un reporter talentueux qui savait restituer les faits dans leur plus étroite exactitude. C’était surtout un éditorialiste remarquable dont nous attendions avec impatience la chronique Les propos du lundi. Il s’y montrait si fidèle dans le décryptage de l’information présidentielle qu’il était arrivé aux Ivoiriens de le plaisanter par le sobriquet de « La voix de son maître ». C’est ainsi qu’il avait fini par devenir un homme de confiance du Président. Un de ses rares hommes de confiance ! 

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Dans les relations qu’on pouvait avoir avec le Président, la confiance était la clé de voûte. Sans elle, Laurent Dona-Fologo n’aurait jamais connu le mérite d’être désigné pour conduire en Afrique du Sud, en septembre 1975, la mission historique qui devait casser l’isolement du pays de John Voster et ouvrir la porte aux développements précurseurs de l’accession de Nelson Mandela à la responsabilité suprême. 

C’est la confiance encore qui avait fait son œuvre lorsque le président Houphouët-Boigny était allé jusqu’à remettre entre ses mains, en décembre 1990, les clés du parti, en le désignant secrétaire général du Pdci-Rda avec pour mission de solder la fronde des rénovateurs. 

La fidélité au grand homme se manifestera plus clairement à la disparition de ce dernier, lorsque Laurent Dona-Fologo, poussé par une intrépidité sans égale, ira jusqu’à s’opposer aux velléités d’abandon des dispositions prises par le défunt chef d’État pour sa succession.  

Certes l’air qu’on pouvait respirer à sa porte, ces dernières années, ne diffusait plus beaucoup le parfum du PDCI-RDA. Laurent Dona-Fologo n’en restera pas moins, dans nos mémoires, une figure historique de ce parti. Avec la saignée que le temps a opérée dans les rangs des compagnons de la première heure, ils avaient fini par ne plus être auprès de nous, ces dernières années, qu’une toute petite poignée d’houphouétistes authentiques. Je pense à mon beau-frère Camille Alliali, à mon aîné Jean Konan Banny, et à mon « cousin » Laurent Dona-Fologo. Jean Konan Banny nous a quittés au mois de mai 2018. Voilà que Laurent Dona-Fologo vient de lui emboîter le pas, ce vendredi 5 février 2021.  

Je regretterai lourdement l’absence d’un homme qui, en m’acceptant comme un des siens, me permettait de vivre cette fraternité ivoirienne dans laquelle j’essaie d’investir mon énergie depuis les dix dernières années. Comme nous le savons tous, la Côte d’Ivoire est identifiable à son territoire immuable, délimité par les mêmes pays voisins. Elle est identifiable à ses longs fleuves éternels, prenant sans cesse au nord le flot qu’ils donnent au sud. Elle est surtout identifiable à son tissu social composite, qui est ce qui la fait respirer, bouger, vivre, ce qui la fait se transformer, se développer et devenir ce qu’elle est, ce que nous voyons, ce que nous connaissons. Je remercie Dona-Fologo d’avoir été un révélateur de cette identité mêlée, qui est si spécifique de notre pays. Laurent Dona-Fologo était un Ivoirien dans lequel on ne voyait en fin de compte qu’un frère. Ni un homme du nord, ni un homme d’ailleurs. C’était un praticien du « vivre ensemble », cette manière d’être que notre association Côte d’Ivoire Trait d’Union tente de promouvoir dans notre pays.  

Jean-Claude Delafosse 
Président de l’association CÔTE D’IVOIRE TRAIT D’UNION