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Covid-19 : quand les imprimantes 3D sauvent des vies

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Mardi, 21 avril 2020

Covid-19 : quand les imprimantes 3D sauvent des vies

En paralysant les moyens de production de masse, la pandémie a donné un coup de boost aux procédés artisanaux pour parer à l’urgence de la crise sanitaire. Fabrication de matériel médical, de visières de protection pour le personnel hospitalier, de valves pour respirateur… Ces machines dont on peinait à voir l’utilité se révèlent aujourd’hui précieuses. Presque indispensables.

Face à la pandémie, tous les « makers » de la terre se sont donné la main pour proposer des solutions alternatives.

Avec l’afflux de patients, les hôpitaux utilisent plus de matériel qu’à l’ordinaire. Pour des visières de protection par exemple, des initiatives ont vu le jour à l’échelon local, comme Visière solidaire, mais aussi chez les fabricants spécialisés, Hewlett Packard ou Stratasys. Ces colosses de l’imprimante 3D ont mobilisé leurs réseaux, mêlant ingénieurs et clients comme L’Oréal et Decathlon (pour HP) ou Boeing et Toyota (pour Stratasys).

Les marques assurent les liaisons entre les demandes des hôpitaux et les points de production. Ford, Volkswagen ou Renault fabriquent aussi 100 000 visières par semaine. Michelin produit chaque semaine 7 500 capteurs de débit, des pièces dont Air Liquide a besoin pour fabriquer des respirateurs. En Italie, où le masque Decathlon a connu son premier succès, l’hôpital de Brescia a lancé un appel pour créer des valves.

Le bureau d’études Isinnova a apporté son imprimante 3D et procédé à des essais in situ. Résultat ? « Sans cette solution de secours, le bilan déjà dramatique aurait été pire encore », estime son P-DG, Cristian Fracassi.

Valves imprimées en 3D pour l’hôpital de Chiari, à Brescia, en rupture de stock devant l’afflux des patients à ventiler.
Valves imprimées en 3D pour l’hôpital de Chiari, à Brescia, en rupture de stock devant l’afflux des patients à ventiler.© DR

« Cela servira au-delà de la pandémie car on se dirige vers une médecine sur mesure »

Dr Roman Khonsari, responsable de l’impression de crise pour l’AP-HP

Votre initiative est-elle unique au monde ?
 

Dans le monde, je ne sais pas, mais en Europe, c’est sûr. On a monté ça en 24 heures avec la start-up Bone 3D. Avant même d’avoir le financement, Martin Hirsch a validé l’initiative. Face à cette crise, augmenter le dispositif correspondait à un vrai besoin. On a regardé le nombre d’hôpitaux à l’AP-HP et estimé une production entre 500 et 1 000 pièces par 24 heures. Le fabricant Stratasys disposait de 90 imprimantes possédant la technologie FDM (Fused Deposition Modeling, en gros la thermoplastie). Kering a pris en charge l’achat des imprimantes, la matière première et quatre mois de salaire des cinq ingénieurs qui se relaient 24 heures sur 24 pour faire fonctionner les machines.

Le masque de plongée Decathlon, sur lequel est ajouté un embout 3D, pourrait aider en cas de pénurie de respirateur.
Le masque de plongée Decathlon, sur lequel est ajouté un embout 3D, pourrait aider en cas de pénurie de respirateur.© DR

Quels sont les “objets” que vous pouvez imprimer, et dont vous avez le plus besoin ?
 

On veut produire du dispositif médical à grande échelle avec toutes les garanties réglementaires possibles. Dieu merci, on n’a pas atteint un stade où, manquant de masques d’assistance respiratoire à Paris, on soit obligé de recourir à des dispositifs “bricolés”, comme ce fut le cas en Italie avec les masques Decathlon. On a monté une chaîne de validation pour les cinq ou six nouveaux objets que nous lançons chaque jour. Selon les demandes des hôpitaux, soit on possède un original de l’objet à copier, soit les ingénieurs créent un prototype, qui est envoyé pour validation clinique dans un service sélectionné. Si tout est positif, on lance la production. De la conception du fichier STL à la validation, c’est un circuit de 48 heures. Un tel processus prend normalement trois ans...

Allez-vous imprimer des “valves Decathlon” comme en Italie ?

Il y a eu un effet d’annonce, sympathique mais qui a déclenché un vrai raz-de-marée chez les ingénieurs. Au moins une centaine dans le monde ont travaillé sur des dispositifs adaptables à ce masque. Des groupes industriels énormes s’y sont mis aussi : Dassault, Bic, Safran, Decathlon lui-même dans l’idée de lancer une production industrielle qui probablement… ne va servir à rien. Avec nos ingénieurs, nous avons créé un masque complet, valve incluse, entièrement imprimable en 3D.

Cette initiative ira-t-elle au-delà de la pandémie ?
On va créer quatre groupes hospitaliers avec nos 60 machines. Cela servira pour les médecins car on se dirige vraiment vers une médecine sur mesure. Dans mon travail de chirurgie réparatrice à Necker, quand j’opère des cas compliqués de malformation crânienne, j’ai besoin de dispositifs sur mesure pour m’aider dans mes interventions. Donc ça sera extrêmement utile dans plusieurs disciplines, bien sûr. Sans parler de toutes les pièces cassées dans le fonctionnement normal d’un hôpital. Pouvoir les fabriquer à l’unité revient beaucoup moins cher que les acheter. Et à l’échelle d’un parc hospitalier, cela fait beaucoup d’argent économisé.

Source : Paris match