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APRNEWS : Tidjane Thiam, la cible politique de prédilection

APRNEWS - Tidjane Thiam, la cible politique de prédilection - Par Jean Clotaire Tétiali - Félix Houphouët Boigny
Mardi, 28 novembre 2023

APRNEWS : Tidjane Thiam, la cible politique de prédilection

APRNEWS - Ces deux derniers mois sont particulièrement fastes pour ces gens qui se découvrent subitement une habileté à l’écriture ou qui, désormais, se sentent capables de deux phrases, donc d’une idée. Chacun y va de son stylo, convaincu de ses grands talents d’analyste politique. Tous, s’offrent un sujet de prédilection : la candidature supposée de Tidjane Thiam au fauteuil présidentiel de 225. Des vérités nous sont servies, les unes et les autres, aussi saugrenues que risibles, donc négligeables. Aujourd’hui, l’assaillant n’est pas ordinaire, c’est un écrivain : Jean Claude Djéréké.

APRNEWS -  Passons ses propos au tamis de la raison.

Paraphrasant Félix Houphouët Boigny, le premier président ivoirien, Jean Claude Djéréké reproche à Tidjane Thiam de n’avoir que l’ambition de diriger la Côte d’ivoire : « on peut servir à tous les postes, pourvu qu’on y mette le cœur… ». Djéréké aurait même trouvé plus adéquat que Thiam,  économiste et banquier de formation, ne se limita qu’à la création d’une banque, ce qui aurait constitué la preuve de son amour pour son pays.  

En vérité, ces formules stéréotypées qui servent de tels jugements de routine devraient désormais être manipulées avec précaution.  Sinon, elles exposent l’idée qu’Houphouët-Boigny, médecin de formation, aurait dû ne diriger qu’une clinique médicale ; Bédié, un cabinet d’avocat ; Gbagbo, un département d’histoire au sein d’une université et Alassane Ouattara, probablement un cabinet de consultation financière. 

Et puis, pourquoi Tidjane Thiam, polytechnicien, ingénieur des mines, économiste et banquier de formation, qui plus est, doté d’un cœur, ne pouvait-il pas faire le choix de servir au poste de Président de la République ? Ultime contradiction chez l’analyste du jour !

Non, l’Homme n’est pas réductible à son éducation ! Celle-ci est certes notre identité générique, nous distingue de la stricte animalité, mais elle ne saurait nous déterminer totalement. Autre chose, en nous, nous pousse à l’action, détermine notre volonté. D’où ce postulat, oh combien humaniste, de Tidjane Thiam : « je ne définis pas les gens par leur diplômes, je crois en la dignité de chacun… Je crois dans la nature humaine. Ce qu’il faut, c’est de donner aux gens les moyens d’exprimer leur potentiel …».  

L’ex-ministre ivoirien du plan pose la dignité humaine comme le principe éthique le plus fondamental.  Sa conception de l’homme comme une fin en soi, et non comme un simple moyen dont on pourrait user à son gré, transparait clairement, ici, comme une maxime de vie, un principe de base ne pouvant être mis en discussion.

Ailleurs, dans son pamphlet, Jean Claude Djéréké compare Tidjane Thiam à ces hommes politiques qui, lors de campagnes électorales, ne s’encombrent d’aucun scrupule à promettre des milliards aux populations et un mieux-être jamais égalé : « quant aux histoires de ‘’il est riche et a un carnet d’adresses’’, elles peuvent émouvoir et impressionner que les personnes naïves… » 

Il faut immédiatement déceler, chez Claude Djéréké, une absence lecture et un manque du sens de l’observation, et dire que les personnes qui jouissent de la respectabilité et de l’aura de Thiam, se mettent, en général, loin des fanfaronnades et de l’esbroufe. Autrement dit, un intellectuel de l’expérience économique et financière de Tidjane Thiam, ne prétendrait jamais avoir des milliards à déverser sur des populations sans en expliquer les éléments favorisants ou les mécanismes rationnels intermédiaires de leur production. Le scientifique de haut niveau qu’est l’homme inciterait plutôt les masses populaires au travail ou à des comportements rationnels qui rendraient forte la probabilité d’engranger ces sommes astronomiques. On peut imaginer que Thiam n’hésiterait même pas à les avertir des ratés possibles, en raison de l’existence inéluctable de valeurs d’incertitudes sur toute œuvre humaine, ou de parts insaisissables inhérentes à toute réalisation de l’homme. Voilà ce que ferait, très probablement, je crois, le polytechnicien.

Alors, Jean Claude Djéréké, méfiez-vous des analogies ! Elles fonctionnent parce qu’elles ne sont que des images, mais en vérité, les valeurs qu’elles prétendent comparer sont, en général, strictement différentes. 

Aussi, pour apporter sa belle sonorité à ce grand concert de délation contre le banquier ivoirien, l’ex-étudiant en théologie morale, indexe et avertit : « le pays est différent d’une banque. Pour espérer le diriger, il faut avoir parcouru ses villages et hameaux, avoir un lien fort, souffert et pleuré avec lui… ». Le censeur du jour, n’embouche que la trompette de ceux qui reprochent à Tidjane Thiam d’être resté trop longtemps hors de Côte d’ivoire. Voyons ! La force du lien entre l’ex-patron de Crédit-suisse et les populations ivoiriennes réside justement dans la multiplicité de tous ces soutiens visibles  en sa faveur. 

Enfin, comme il fallait s’y attendre, Jean Claude Djéréké assène ce qu’il croit être le coup de grâce : « l’Afrique a besoin d’hommes et de femmes souverainistes et non de banquiers à la solde de l’Occident… ». 

On ne devrait pas hésiter à dire à notre frère que le souverainisme est un repli archaïque dans ce monde de globalisation croissante, où l’on parle de plus en plus de construction de pôles économiques et politiques. Le nationalisme exacerbé peut engendrer le chauvinisme qui, en soi, est une bêtise, car les Etats ne peuvent être des enceintes adiabatiques, c’est-à-dire blottis contre eux-mêmes. Alors, monsieur Djéréké, libérez-vous de vos illusions, parce que l’identification que le souverainisme établit entre la liberté et la souveraineté n’est qu’une mystification.

Jean Clotaire Tétiali