APRNEWS - Personne n’a la certitude de la vérité, sauf les protagonistes de la théatralisation, si ç’en est une. L’affaire parait rocambolesque, si bien que chacun y va de son équation personnelle. Alors, passons toute cette histoire au tami de la raison.

Un défi au pouvoir

« Je mets fin à mon exil… », cette déclaration est, a priori, un défi au pouvoir. Alors,comment Soro compte-il mettre en pratique son désir de vivre désormais libre dans son pays ?

Seul un coup d’état réussi, permettrait a Soro de rentrer à Abidjan. Mais, devant le caractère très aléatoire d’une telle solution, il y a fort à parier que l’ex-président de l’Assemblée Nationale ne peut être dans une telle disposition d’esprit. Et puis, Soro a pris les armes par le passé, il connait donc la notion d’équilibre des forces belligérantes. Or, le pouvoir s’est doté, très clairement, d’une armée puissante.  En plus, un parfait combattant compte toujours sur les vertus de la surprise, il n’a aucun intérêt à annoncer son arrivée. D’ailleurs, la réponse apportée à la déclaration de l’exilé est ainsi libellée: « la décision de M. Soro de mettre fin à son exil et de retourner en Côte d’ivoire, est la bienvenue. Nous espérons qu’il fera face à la justice ivoirienne… ». L’hypothèse du défi au pouvoir paraissant très peu plausible, passons à la suivante.

Soro Guillaume veut exister

Il y a quelques jours, il nous a été servi ‘’l’histoire du kidnapping avorté contre Guillaume Soro’’. Les uns y avaient vu la main du pouvoir poursuivant Soro jusque dans ses derniers retranchements. Les autres avaient subodoré un autocoup qui viserait à rappeler Bogota aux souvenirs de l’actualité politique, trop occupée par le PDCI et le ministre Tidjane Thiam. Enfin, pour d’autres encore, le sentiment qu’il est retranché dans les oubliettes et les abîmes de l’histoire politique du pays, aurait poussé Soro à inventer la tententave de kidnapping.Afin de revenir sur la scène médiatique, Soro a bien pu prendre la décision de se rendre aux autorités ivoiriennes et à la justice. Cette attitude plausible servirait grandement sa cause: le garçon apparaitra comme un politicien courageux, son potentiel électoral s’en trouvera renforcé. Et puis, l’humanité, ce sentiment de compassion naturelle envers autrui, pourrait pousser les autorités politiques à être plus clémentes avec leur compagnon d’hier. Le pouvoiraime bien ceux qui font preuve de leur reddition. Au nom de la ‘’magnanimité’’ du Président ilos sont pardonnés. Ains, Guillaume Soro pourrait juste faire six mois de prison et recouvrer la liberté après. Ce serait alors le début d’une vraie carrière politique pour Bogota qui se remet ainsi en selle. 

L’hypothèse d’un accord secret Soro-Ouattara

Soro est, indubitablement une force politique, il est aimé d’une frange de la population qui compte. Nous sommes à la lisière de 2025, le RHDP parait n’avoir aucun joker de la trempe de l’ex- premier ministre. Tiémoko Meyliet Koné, ce très poli monsieur, dont l’âge atteindra76 ans dans deux petites années, n’a ni la fougue, ni l’aura d’un Soro. Finalement, le pouvoir aurait-il pas opté, par la force des choses, pour ce dernier comme son vrai pion pour l’élection présidentielle prochaine. Parce que, visiblement,  l’adversaire potentiel, Tidjane Thiam, est un volcan politique au bord de l’éruption, qui emportera tout sur son passage. Comment contrer ce mouvment national en puissance ! Dans cette hypothèse, il est souhaitable et plus qu’urgent d’entreprendre la reconciliation avec Kigbafori. Est-ce dans cette perspective que l’on donna à l’enfant du Nord, l’assurance d’un retour tranquille au pays? Est-ce de là qu’il tient son inébranlable certitude de rentrer librement chez lui ?

L’hypothèse d’un auto coup d’état.

L'auto-coup d'État est une forme de coup d'État caractérisé la prise de possession despouvoirs d’Etat par un chef d'État en fin de mandat, non renouvellable, jusque-là arrivé et maintenu au pouvoir par des moyens légaux. Il reprend l’ensemble des pouvoirs, c’est moins choquant qu’un vrai coup d’état, pour une durée indéterminée. Ce dernier demeure donc au pouvoir illégalement. Cette manœuvre peut être accompagnée d'une annulation de la constitution de l'État et d'une suspension du système judiciaire. À partir du moment où l'auto-coup d'État est complété et le pouvoir n'est pas ébranlé, le chef de l'État, auparavant chef démocratique ou constitutionnel, devient un chef dictatorial. Il aura ainsi résolu le problème qu’il aurait pu avoir face à un opposant charismatique qui, selon toutes les vraisemblances, le battrait aux élections. Malheureusement, il n'existe cependant pas de consensus général quant à la définition exacte du concept d'auto-coup d'État.

Soro Guillaume veut réellement rentrer, sans calcul politicien

L’hypothèse est tout aussi plausible que les autres. On imagine Guillaume Soro exténué par la rigueur de l’exil ou les complications d’une maladie (que Dieu l’en préserve), au point où l’homme ne voit plus l’absurdité du péril et donc ne veut plus fuir la sentence de « ceux qu’il a aidé hier, et qui lui souhaitent le cimétière comme seul lieu de repos possible ». Soro prend là une décision forte, probablement, au bout d’un long questionnement existentiel.  Envahi par l’envie de voir les siens, sa patrie, sa famille et ceux qu’il chérie, pressé par le désir de contribuer à la reconciliation de ses frères ivopiriens et africains, Bogota s’arme de courage et dit à ses inlassables poursuivants : « je suis là, je ne veux plus courrir, qu’il soit fait selon vos vœux. Moi j’ai la conscience tranquille, devant Dieu et les hommes, je ne suis coupable d’aucun forfait qui mériterait un tel châtiment ». Dieu nous garde !

Jean Clotaire Tétiali