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Rwanda : Félicien Kabuga renvoyé devant la justice internationale

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Jeudi, 1 octobre 2020

Rwanda : Félicien Kabuga renvoyé devant la justice internationale

Depuis 1997, il figurait parmi les fugitifs les plus recherchés de la planète. Félicien Kabuga, ancien prospère homme d'affaires rwandais, a été arrêté à Asnières-sur-Seine, en région parisienne, le 16 mai dernier, après plus de vingt ans de cavale.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) l'accuse des plus lourdes responsabilités au sein de la tragédie rwandaise en ses qualités de président du comité d'initiative de la Radiotélévision libre des mille collines (RTLM) depuis avril 1993, de président du Fonds de défense nationale créé en avril 1994, ayant servi à la création des milices hutues Interahamwe, principaux bras armés du génocide de 1994 qui fit, selon l'ONU, 800 000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsie. Pour résumer : Félicien Kabuga est accusé d'avoir été l'un des grands argentiers du génocide au Rwanda.

Il est également soupçonné d'avoir contribué en 1993 à l'achat massif de machettes qui seront distribuées aux miliciens en avril 1994, une accusation qui appuie la thèse d'une planification du génocide, jamais tranchée par la justice internationale au grand dam de Kigali.

Ce mercredi 30 septembre, le vent vient de tourner pour l'homme désormais âgé de 87 ans. La Cour de cassation a rejeté son pourvoi, validant ainsi définitivement sa remise à la justice internationale.

Dernier recours

La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a confirmé la décision rendue en juin par la cour d'appel de Paris qui « a pu valablement considérer qu'il n'y avait pas d'obstacle juridique ou médical à l'exécution du mandat d'arrêt » visant à transférer Félicien Kabuga à Arusha (Tanzanie), siège du tribunal de l'ONU qui doit le juger pour génocide et crimes contre l'humanité, a-t-elle expliqué dans un communiqué.

Elle a aussi rejeté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui faisait valoir que la loi française était « inconstitutionnelle dès lors qu'elle ne prévoit pas que la chambre de l'instruction saisie d'une demande d'arrestation aux fins de remise formée par le Mécanisme international contrôle le respect des droits fondamentaux de la personne réclamée ». L'ancien président de la tristement célèbre Radio télévision libre des mille collines (RTLM), qui diffusa des appels aux meurtres des Tutsis, conteste l'intégralité des sept chefs d'inculpation qui le visent.

Devant la Cour de cassation, le 2 septembre, son avocat, Me Louis Boré, a d'abord soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, faisant valoir que la loi française applicable limitait « de façon excessive » les prérogatives du juge au regard des droits fondamentaux du suspect, réclamé par la justice internationale, ce qui violerait la Constitution.

Cette loi n'impose à la justice que de s'assurer de la validité des mandats d'arrêt et de vérifier l'identité de la personne arrêtée avant de la remettre au MTPI, sans se pencher sur les conditions de son transfert et de sa détention. L'avocat a ensuite invoqué l'état de santé de Félicien Kabuga.

Il a souligné que son client, qui souffrirait de diabète et d'hypertension, était aussi atteint de leucoaraïose, une pathologie incurable lui faisant perdre progressivement ses fonctions motrices et cognitives.

Cette affection, a-t-il plaidé, ne permet pas de « le transférer dans des conditions sanitaires satisfaisantes » à Arusha, où il doit en principe comparaître.

L'argument de l'état de santé

Dans son arrêt du 3 juin, la cour d'appel de Paris s'était appuyée sur un certificat médical établi par le médecin pénitentiaire qui certifiait que Félicien Kabuga devait être transporté « par ambulance lors des extractions » mais qui n'établissait pas, selon la cour, d'incompatibilité de son état de santé avec la détention ni de contre-indication sur un transfert.

Selon Me Boré, « à aucun moment le médecin ne s'est interrogé sur le transfert entre Paris et Arusha », rapporte l'AFP.

Quelques jours avant la décision de la Cour de cassation, Félicien Kabuga a été extrait, en fin de semaine dernière, de sa prison pour « raisons médicales », ont indiqué des sources concordantes à l'AFP.

« Nous sommes confiants », avait déclaré à l'AFP le procureur du MTPI, Serge Brammertz, joint alors qu'il était à Kigali le 3 septembre. Il a rappelé qu'en l'état le MTPI était la seule juridiction compétente pour juger le fugitif, alors que des victimes rwandaises ont émis le souhait de le voir juger au Rwanda, « à moins que le Conseil de sécurité (de l'ONU) n'en décide autrement ».

La France a désormais un mois pour remettre Félicien Kabuga au Mécanisme pour les tribunaux internationaux (MTPI), la structure chargée d'achever les travaux du Tribunal international pour le Rwanda (TPIR).

Le Point Afrique