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Birmanie : des dizaines de morts en marge de la "journée des forces armées"

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Samedi, 27 mars 2021

Birmanie : des dizaines de morts en marge de la "journée des forces armées"

L'armée birmane s'est adonnée à un important défilé militaire dans la capitale Naypyidaw à l'occasion de la "journée des forcées armées". Dans le reste du pays, de nouvelles manifestations ont été durement réprimées faisant au moins 50 morts. Des "meurtres" immédiatement condamnés par les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Une démonstration de force. À l'occasion de la "journée des forces armées", l'armée birmane a fait défiler samedi 27 mars un impressionnant arsenal dans la capitale Naypyidaw. Dans le même temps, de nouvelles manifestations pro-démocratie ont été durement réprimées dans plusieurs villes du pays, faisant au moins 50 morts. 

Les militants pro-démocratie avaient appelé à une nouvelle série de manifestations, samedi, jour où l'armée organise tous les ans un gigantesque défilé militaire dans la capitale Naypyidaw, devant le chef de l'armée désormais chef de la junte au pouvoir, le général Min Aung Hlaing.

Aux premières heures du jour, des milliers de soldats, des chars, des missiles et des hélicoptères se sont succédé sur une immense esplanade où était réuni un parterre de généraux et leurs invités, parmi lesquels des délégations russe et chinoise. Le général Min Aung Hlaing a de nouveau défendu l'organisation du coup d'État en raison de la fraude électorale présumée lors des élections de novembre, remportées par le parti d'Aung San Suu Kyi, et a juré qu'un "transfert de responsabilité de l'État" se produirait après des élections. 

"Le Tatmadaw [l'armée birmane] recherche l'engagement de toute la nation", a-t-il déclaré dans un discours, ajoutant que les actes de "terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l'État" sont inacceptables. "La démocratie que nous souhaitons serait une démocratie indisciplinée si la loi était violée et n'était pas respectée".

Au moins quatre morts 

Avant l'aube, les forces de sécurité avaient déjà réprimé les manifestants à Rangoun, la capitale économique du pays, tandis qu'un rassemblement d'étudiants à Lashio, dans l'État de Shan, dans le nord-est, a vu la police et les soldats ouvrir le feu sur la foule. "Les gens n'avaient pas commencé à manifester, aucun slogan n'avait été prononcé. L'armée et la police sont arrivées et leur ont tiré dessus à balles réelles sans lancer aucun avertissement", a raconté à l'AFP Mai Kaung Saing, un journaliste local.

Un sauveteur a confirmé qu'au moins trois manifestants étaient morts, corroborant les informations des médias locaux, mais son équipe n'a pas été en mesure de retirer les corps. "Nos sauveteurs ont essayé de les faire sortir lorsqu'ils ont été abattus, mais il y a eu tellement de tirs…", a-t-il déclaré.   

À la mi-journée, des violences avaient éclaté dans plusieurs endroits du pays. À Rangoun, des panaches de fumée se sont élevés au-dessus de la ville, qui est devenue un point chaud pour les troubles ces dernières semaines. Un rassemblement avant l'aube, où les manifestants portaient des casques de vélo et étaient protégés par des barricades de sacs de sable – a dégénéré lorsque les soldats ont commencé à tirer sur des manifestants. "L'un d'eux a reçu une balle dans la tête et est mort à l'hôpital", a déclaré à l'AFP un manifestant sur les lieux, ajoutant que les forces de sécurité parcouraient toujours la zone et tiraient sans discernement.

Contacté par France 24, un expatrié français qui vit depuis plusieurs années à Rangoon confirme avoir entendu samedi près de son lieu de résidence des "tirs nourris", dont l'intensité n'avait jamais été aussi forte depuis le début des mobilisations contre le coup d'État. 

Condamnation des États-Unis, de l'UE et du Royaume-Uni

L'Union européenne et le Royaume-Uni ont condamné samedi les "meurtres" commis par l'armée à l'occasion de la journée des forces armées en Birmanie, où au moins 19 personnes ont trouvé la mort dans la répression de manifestations pro-démocratie.

"Cette soixante-seizième journée des forces armées restera gravée comme un jour de terreur et de déshonneur. Les meurtres de civils non armés, dont des enfants, sont des actes indéfendables", a annoncé l'ambassade de l'UE à Rangoun sur Twitter et Facebook, tandis que l'ambassadeur de du Royaume-Uni a estimé dans un communiqué que "les meurtres extrajudiciaires en disent long sur les priorités de la junte militaire".

L'ambassade américaine en Birmanie a, elle aussi, condamné la junte militaire au pouvoir pour le "meurtre de civils non armés".

"Les forces armées tuent des civils non armés, y compris des enfants, les personnes qu'elle a justement juré de protéger", affirme l'ambassade des États-Unis dans un communiqué publié sur sa page Facebook.

"Ne mourrez pas en vain"

Ei Thinzar Maung, l'une des figures des manifestations anti-coup d'État, a exhorté la population à sortir dans la rue samedi. "Je prie tout le monde d'être en sécurité demain", a-t-elle posté sur les réseaux sociaux. "Nous gagnerons ça !" "Le moment est venu de lutter contre l'oppression militaire", a-t-elle insisté.

Les forces de sécurité ont réprimé avec une force de plus en plus meurtrière les manifestations contre le coup d'État ces dernières semaines, utilisant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des balles réelles pour interrompre les rassemblements.

Vendredi soir, la télévision d'État a diffusé un message appelant les jeunes à cesser de participer à un "mouvement violent". "Apprenez la leçon de ceux qui sont morts après avoir été touchés à la tête et dans le dos… Ne mourez pas en vain", disait le message.

Selon un groupe de défense de prisonniers politiques, 320 personnes ont trouvé la mort dans les troubles depuis le putsch, et plus de 3 000 ont été arrêtées. Vendredi, la tristement célèbre prison d'Insein à Rangoun a libéré 322 personnes détenues à la suite de manifestations, ce qui s'ajoute aux plus de 600 libérées plus tôt dans la semaine.

Le mouvement de protestation a également inclus des grèves générales et un mouvement de désobéissance civile de la part de fonctionnaires, qui ont entravé le bon fonctionnement de l'État. Cela a exaspéré les autorités, qui ont procédé à des arrestations nocturnes de personnes soupçonnées de soutenir le mouvement.

Avec AFP