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APRNEWS: Réponse au « défenseur de Guikahué »

APRNEWS -
Vendredi, 27 octobre 2023

APRNEWS: Réponse au « défenseur de Guikahué »

APRNEWS - J’ai lu avec un intérêt amusé vos écrits qui, a priori, me sont apparus comme portés par un désir de rectification ou une volonté de mise au point. Mais, il s’agissait, en réalité, d’un pamphlet inutilement insultant. J’aurais pu ne même pas répondre, car votre papier qui présente le défaut de ne pas être signé ressemble plus à un tract qu’à autre chose.

APRNEWS - Toutefois, puisqu’il porte la mystérieuse mention « défense de Guikahué », j’ai considéré que celle-ci pouvait, rien que pour l’intelligence du débat, être assimilée à une signature. Autrement dit, les choses auraient été plus faciles si vous n’aviez pas hésité à assumer vos convictions. Vous avez plutôttrouvé refuge derrière une pseudo signature généralisante qui empêche votre identification avec précision. Bref !

Je pense, très honnêtement, que vous m’avez lu uniquement avec les yeux du corps. Je vous aurais aussi conseillé deparcourir mon article avec ceux de l’esprit. Ceux-là sont plus adaptés pour les œuvres intellectuelles.

Votre contribution écrite, une litanie de « textes législatifs et règlementaires étatiques », n’a pas suffisamment cavalcadé dans le champ des possibles pour dénicher l’Arrêt de Tia Koné qui invalidait la candidature d’Emile constant Bombet à l’élection présidentielle de l’année 2000. Cette situation qu’ilfaut désormais convenir d’appeler la jurisprudence Bombet,néantise tout votre argumentaire. Il fallait s’y référer, vous n’en avez probablement pas perçu la pertinence. Revisitez l’Arrêt et vous comprendrez que votre attachement naif à la loivous a fait perdre de vue « qu’à côté des textes, il y a le contexte politique». Quel était alors ce contexte ?

L’ordonnance n° 222-428 du 9 juin 2000 donnait comme membres de la chambre constitutionnelle 8 magistrats. Ainsi, le chef de la junte désignait directement ou indirectement les quatre premiers et le huitième membre de la Chambre, mais la nomination des trois membres restants échappait totalement à son contrôle, ce qui donnait à la Chambre constitutionnelle une relative indépendance. A ce stade, le général Guéi était encore quelque peu soucieux de rester fidèle à son engagement initial : lutter contre l’exclusion, arbitrer l’instauration de la démocratie. Lorsque la décision du général d’être candidat et de s’octroyer une victoire électorale va être définitivement arrêtée, une ordonnance modificative n° 2000-475 du 12 juillet 2000 ôte à ladite Chambre constitutionnelle cette relative indépendance. C’est ici qu’entre en jeu le Président Tia Koné.

Les dossiers de candidature d’Emile Constant Bombet, pour ne citer que ceux-ci, ont certes été considérés commesatisfaisant à un certain nombre de conditions exigées par la loi, mais, selon Tia Koné, il demeure que celle se rapportant à la moralité et à la probité ne l’a pas été, puisqu’il ressort des investigations entreprises par la juridiction constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2000-475 du 12 juillet 2000 modifiant l’ordonnance n° 2000-428 du 9 août 2000, que l’intéressé n’est qu’en liberté provisoire, après une brève détention préventive, dans le cadre d’une procédure d’instruction encore pendante, pour faux, usage de faux et détournement de deniers publics. Mêmel’argument tiré de la présomption d’innocence dont bénéficierait tout inculpé avant l’issue de la poursuite dont il fait l’objet ne pouvait, selon la Cour Suprême, prospérer. Elle a estimé que le cadre de la présidentielle de 2000 n’exigeait pas la simple idée de condamnation, mais s’étendait à celle de bonne moralité et de grande probité. Et Tia Koné de scellerdéfinitivement le sort de Bombet : « la morale est au- delà du droit, puisque sa perception embrasse les rayonnages de l’éthique et de la conscience, si bien qu’elle est plus le reflet du subjectif collectif par rapport au comportement, à l’attitude, à la conduite, qu’une simple résultante objective de l’action judiciaire . » Au total la Cour Suprême a voulu faire entendre qu’une personne poursuivie en justice pour un fait reprouvé par la conscience collective pénale ne saurait être considérée comme étant d’une bonne moralité et d’une grande probité, tant que la souillure de la poursuite judiciaire ne se serait pas dissipée par une décision non équivoque de sa non culpabilité. 

On se rappelle qu’aussi en 2020, des candidatures ont été rejetées par le Conseil Constitutionnel. Il faut donc retenir qu’en Afrique, le rejet de  candidatures d’hommes politiques redoutés est une réalité indéniable.

Vous devriez raisonnablement vous inquiéter, vous qui souligniez si bien, dans vos écrits, que « le Professeur Guikahué a été mis sous mandat de dépôt et a séjourné, de ce fait, à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan », ce sinistre lieu où croupissent encore, sans jugement, des hommes politiques. 

Guikahué et le PDCI avait simplement appelé à rejeter l’élection présidentielle d’octobre 2020. Et pourtant, qu’il soit un moyen de pression à des fins idéologique, politique, économique ou sociale, le boycott s’inscrit dans les mouvances contemporaines d’engagements citoyens et militants. Il fait aussi, de longue date, partie des moyens de contestation populaire. Quelle était donc cette faute pénale du PDCI qui a valu au Secrétaire Exécutif en chef du parti son enfermement à la MACA et à la figure tutélaire d’alors, Henri Konan Bédié, ancien président de la République, d’être placé en résidence surveillée ? Là est le contexte à travers lequel il convenait de saisir la substance de mon discours. Que non ! Vous avez opté pour l’injure abordable, qualifiant mes différents points de vue d’élucubrations. 

Cher monsieur, l’invective n’est pas une modalité argumentative, elle ne saurait non plus être un outil de communication politique efficace. Malheureusement, il y a encore des gens qui, comme vous, préfèrent toujours les manifestations violentes et spontanées de la parole éructante symbolisée par l’insulte, à l’idéal démocratique du débat argumenté. J’avais espéré de votre intervention qu’elle fut une dialectique implacable. Dans ces conditions-là nous nous serions accordés. Mais vous avez très peu le souci de la courtoisie de la controverse.

Enfin, Je reprécise bien que Guikahué est bel et bien apte à diriger le parti, mais il ne serait pas réaliste du tout qu’il brigue le poste de candidat du parti au scrutin présidentiel de 2025, en raison de la procédure judiciaire. Le PDCI, s’il veut reconquérir le pouvoir d’Etat, devra se libérer de ses egos surdimensionnés et mettre à sa tête un homme qui, par son entregent, peut contraindre le RHDP à un jeu électoral équilibré. Cela s’appelle avoir le sens du temps, des circonstances et de la situation.

Jean Clotaire Tétiali