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APRNEWS: Les Tunisiens privés de thon, un plat national

Mercredi, 5 juillet 2023

APRNEWS: Les Tunisiens privés de thon, un plat national

APRNEWS-L’inflation rend difficile l’accès à l’ingrédient de base de l’alimentation tunisienne qu’est le thon

APRNEWS- Les Tunisiens mettent du thon en conserve dans les salades, les sandwiches, les ragoûts ou le mélangent avec des pâtes. Ils fourrent du thon dans des briks à l’œuf, dans la salade de pommes de terre, dans la slata méchouia (salade hachée de tomates, ail et poivrons grillés), ou avec un œuf dur en quartiers et une olive ou deux.

La pizza est ornée de thon en conserve et le fameux sandwich tunisien ne se conçoit pas sans thon.

Le thon plébiscité

Le thon est un indicateur clé de la cuisine tunisienne et dans les familles on se dispute sur la meilleure marque de conserves de thon. Le thon al Manar à l’huile d’olive est-il supérieur ou inférieur au thon La Goulette à l’huile d’olive ?

Avant l’invention de la conserve, seuls les Tunisiens qui vivaient le long de la côte pouvaient manger du thon frais qu’ils conservaient avec du sel et de l’huile d’olive et en le séchant au soleil. Aujourd’hui, au moins une demi-douzaine de conserveries industrielles en Tunisie produisent des boîtes de thon qui ont tantôt la taille d’un palet de hockey, tantôt celle d’une colonne de 6 kilos.

Personne ne peut dire avec certitude pourquoi le thon est devenu un ingrédient de base de la cuisine tunisienne. L’explication la plus évidente est que les thons sont nombreux au large de la Tunisie et que les femelles aiment y déposer leurs oeufs. Malgré une flotte thonière conséquente, la population tunisienne (12 millions d’habitants) consomme des conserves d’un thon importé de l’étranger.

Chaque année, pendant la saison de pêche au thon, des pêcheurs du pourtour méditerranéen — tunisiens, égyptiens, grecs — convergent vers la Tunisie, pour la pêche.

Les Japonais font main basse

Mais comme le veut la mondialisation, maigres sont les prises qui vont aux Tunisiens. Le thon rouge va généralement aux Japonais qui payent des sommes élevées – 110 dollars le kilo pour le ventre et jusqu’à environ 36 dollars le kilo pour le reste du poisson-. La majeure partie du thon tunisien est exportée pour les devises qu’il peut rapporter.

La Tunisie a exporté pour 58 millions de dollars de poissons de pisciculture en 2021,selon 

l’Observatoire de la complexité économique, dont plus des deux tiers ont été vendus au Japon. Le reste a été réparti entre l’Espagne et Malte.

Les acheteurs japonais, arrivés à la fin des années 1980, ont changé le marché. Le thon tunisien qui alimentait le marché intérieur tunisien et l’Europe s’est raréfié. Le thon rouge en conserve qui était aussi disponible à bon marché a disparu. Les acheteurs japonais ont proposé des prix qu’aucun pêcheur n’a refusé.

Depuis plusieurs décennies, les Tunisiens doivent se contenter de conserves de thon importé de mauvaise qualité, les plus beaux spécimens péchés localement étant réservés à l’exportation. Les jeunes générations n’ont jamais gouté le thon rouge qui s’étalait autrefois sur les étal à des prix abordables.

Le thon hors de prix

Mais aujourd’hui, la situation est pire encore : l’inflation, la mauvaise gestion économique ont fait tellement grimper les prix que les Tunisiens peinent aujourd’hui à payer leur dose habituelle de thon. Non seulement, le thon en boite est de mauvaise qualité, mais il est hors de prix.

A l’approche du Ramadan, des stratégies de stockage de conserve de thon voient le jour. Les familles courent les magasins et achètent des boites en avance pour les consommer le soir, à la rupture du jeune. La consommation des tunisiens en thon augmente de 111% durant le mois de ramadan, par rapport aux autres mois “. 

Mais nombreuses sont aussi les familles tunisiennes qui apprennent à faire sans thon.

Le thon rouge qui était menacé d’extinction en raison d’une surconsommation est depuis 2007 une espère protégée. Mais l’envolée des prix et la raréfaction de la consommation populaire pourrait se révéler une protection plus efficace que toutes les politiques de quotas