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Joséphine Baker au Panthéon, la réponse de Macron aux extrêmes

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Mercredi, 24 novembre 2021

Joséphine Baker au Panthéon, la réponse de Macron aux extrêmes

C’est le 30 novembre que l’artiste franco-américaine Joséphine Baker (1906-1975), figure éminente de la Résistance et de la lutte antiraciste, entrera au Panthéon. Une manière, pour Emmanuel Macron, de lancer un message aux extrêmes.

En décidant de « panthéoniser » Joséphine Baker, Emmanuel Macron lance un message anti-raciste et célèbre aussi une apôtre du vivre-ensemble, comme une réponse aux extrêmes de gauche comme de droite.

Symbole à la fois mémoriel et politique, cette panthéonisation consensuelle coche toutes les cases de la « réconciliation » que prône le chef de l’État : Américaine qui a choisi la France, militante contre toutes les discriminations et engagée dans la Résistance.

Hollande avait refusé

C’est l’écrivain Régis Debray qui, en décembre 2013, avait lancé l’idée : « Et si Joséphine Baker entrait au Panthéon ? », écrivait-il dans Le Monde. Des Folies Bergère au suprême sanctuaire ? De la ceinture de bananes à la couronne de lauriers ? Profanation ! Le Front national accusera. Le burgrave gémira. La vertu hoquettera ».

À force de se dire que ça aurait de la gueule, on a décidé de le faire

François Hollande avait refusé cette proposition audacieuse « il jugeait l’idée farfelue », s’amuse un proche de son successeur. Mais cela fait plus de dix-huit mois que l’idée cheminait à l’Élysée, poussée par la famille qui a fait le siège des conseillers. « À force de se dire que ça aurait de la gueule, on a décidé de le faire », explique l’un d’entre eux.

Le « comité Joséphine » qui défendait sa panthéonisation a été reçu à l’Élysée, en mai dernier. Emmanuel Macron se convainc et, le 21 juillet, annonce sa décision aux membres du comité de soutien qu’il reçoit au Palais. Parmi eux, raconte Le Parisien, le romancier Pascal Bruckner, le chanteur Laurent Voulzy, l’entrepreneure Jennifer Guesdon, l’essayiste Laurent Kupferman - qui a lancé la pétition « Osez Joséphine » - et Brian Bouillon-Baker, un des fils adoptifs de Joséphine Baker.

« Nous rendons hommage à son engagement pour les valeurs républicaines », explique l’entourage du Président, en rappelant qu’elle avait dit de la France : « Ici, on me prend pour une personne et on ne me regarde pas comme une couleur ».

Au point, rappellent les conseillers de l’Élysée, que, lorsqu’elle accompagne la marche de Martin Luther King pour les droits civiques à Washington en 1963, elle porte son uniforme de l’armée française, avec ses décorations. Et lance : « En France, je n’ai jamais eu peur ».

« C’est un message de fraternité universelle. Un choix de l’imaginaire qui entraîne, contre un identitaire qui enchaîne », lance un conseiller de l’Élysée, une allusion à la montée des discours politiques identitaires. Mère adoptive d’une « tribu arc-en-ciel » de douze enfants de toutes origines, elle incarne cet idéal même dans sa vie privée.

Le Président casse les codes

C’est la troisième « panthéonisation » décidée par Emmanuel Macron, qui a déjà fait entrer dans la nécropole laïque Simone Veil en 2018, puis, en 2020, l’écrivain Maurice Genevoix et « Ceux de 14 » tombés pendant la Grande Guerre.

Avec Joséphine Baker, il casse les codes en élargissant le profil un peu figé des « panthéonisés », pour la plupart hommes d’État, héros de guerre ou écrivains.

Mais ce choix inattendu a réussi à faire finalement consensus dans toute la classe politique, unanime à saluer l’artiste engagée pour la France, de Marine Le Pen (RN) à Anne Hidalgo (PS) et Fabien Roussel (PCF). Un exemple qui va dans le sens du « dépassement » politique et de la « réconciliation des mémoires » revendiqués par Emmanuel Macron, à cinq mois de la présidentielle.

Les panthéonisations refusées révèlent aussi, en creux, d’autres choix politiques. Et le désir de ne pas susciter de polémiques. Le chef de l’État a ainsi écarté l’idée d’y faire entrer l’avocate féministe Gisèle Halimi, militante pour l’avortement et contre la guerre d’Algérie, dont l’entrée au Panthéon était réclamée par des associations féministes ou la Ville de Paris.

Ce sera, finalement, un hommage national aux Invalides, en 2022, a annoncé le président de la République, cet été. Celle qui avait dénoncé les tortures pratiquées pendant la guerre d’Algérie et été l’avocate de militants du FLN a été jugée trop clivante, selon son entourage.

Aprnews avec Letelegramme