APRNEWS- La décision de liquider le quatrième exportateur ivoirien de cacao inquiète les banques ouest-africaines, qui se sont regroupées pour contester le jugement. Selon les informations de Jeune Afrique Business+, une dizaine d’établissements détient une créance totale de 160 milliards de F CFA (244 millions €) sur Saf Cacao.

Le Conseil café-cacao (CCC), dirigé par l’ingénieur agronome de formation Yves Brahima Koné, n’a pas été tendre avec le groupe ivoirien Société Amer et frères Cacao (Saf Cacao). Le CCC a en effet obtenu le 18 juillet dernier, la liquidation de l’exportateur de cacao ivoirien, dans le cadre d’une procédure en recouvrement d’une dette estimée entre 7 et 8 milliards de F CFA (entre 10,7 millions et 12,2 millions €), représentant le préjudice contractuel de l’instance de gestion des filières café et cacao.  

Les déboires de la société a commencé au cours de la saison 2016-2017, quand Saf Cacao a fait défaut dans l’exécution de contrats auprès du CCC sur plusieurs dizaines de milliers de tonnes de cacao. Et ce, consécutivement à la faillite de son principal client Transmar aux États-Unis.

De plus, la société est également victime de la chute brutale des cours mondiaux du cacao fin 2016.
Les trois actionnaires, Ali Lakiss, le PDG de Saf Cacao, et les frères Adnan Amer et Ahmed Amer, continuent à se battre sauver leur entreprise. La décision de liquidation prise par le juge Alpha Yaya Ouattara, le président de la section de tribunal de la petite ville de Sassandra (sud-ouest de la Côte d’Ivoire) est  lourde de conséquences. Sassandra est la juridiction de siège de Saf Cacao, situé dans le port ivoirien de San Pedro.

Cette procédure judiciaire a affolé les banques et a jeté une incertitude dans le secteur. Saf Cacao détient des engagements de quelque 160 milliards de F CFA (244 millions €). Des lignes autorisées de crédit auprès de onze banques qui tentent de recouvrer leurs fonds.

Selon une bonne source de Jeune Afrique Business+, les engagements du secteur sont répartis entre la panafricaine Afreximbank pour 13,8 milliards de F CFA (21 millions €), la British arab commercial bank (BACB) pour 12,9  milliards de F CFA (19,7 millions €), la Banque atlantique en Côte d’Ivoire (Baci) pour environ 13,1 milliards de FCFA (20 millions €), la Banque internationale pour le commerce et l’industrie (Bicici) pour 7,4 milliards de FCFA (11,3 millions €), la BGFIBank pour 19 milliards de F CFA (29 millions €), la Banque nationale d’investissement (BNI) pour 13 milliards de F CFA (19,8 millions €), Ecobank pour 15,5 milliards de F CFA (23,6 millions €), le groupe NSIA Banque et Diamond Bank  – rachetée par la première en décembre 2017 – pour 38,5 milliards de F CFA (58,7 millions €), la Société générale (SGBCI) pour 12,7 milliards de F CFA (19,4 millions €), la Société ivoirienne de banques (SIB) pour 11,8 milliards de F CFA (18 millions €), et Bridge Bank pour 2,2 milliards de F CFA (3,3 millions €).

Des créances que les banques ne pourront pas recouvrer, car les actifs de Saf Cacao ne couvre pas les créances, toujours selon nos informations. Inquiète, l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEFCI) a adressé plusieurs courriers au chef de l’État, Alassane Ouattara, au Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et à plusieurs institutions multilatérales, pour expliquer les dangers de cette décision sur les banques. Dans un deuxième temps, l’APBEFCI a attaqué la procédure de liquidation auprès de la cour de Daloa, qui couvre le Haut Sassandra.

Cependant, Alain Guillemain, liquidateur au sein du cabinet Fideca désigné pour la liquidation s’est installé officiellement à Saf Cacao mercredi 1er août. Car la décision judiciaire est frappée du sceau exécutoire. Une situation très inédite. Le poids de Saf Cacao, le numéro 3 de la filière café cacao en Côte d’Ivoire, aux côtés des autres poids lourds Barry Callebaut,Olam et Cargill, est d’envergure à déstabiliser tout le secteur.

Le groupe employait jusqu’alors plus de 3 000 Ivoiriens et a contribué depuis sa création à des recettes fiscales estimées à 200 milliards de F CFA (305 millions €). Créée en 2004, Saf Cacao est vite devenue un ogre dans la filière cacao. L’entreprise négociait plus de 200 000 tonnes de fèves de cacao par an pendant la dernière année. Saf Cacao avait même lancé en 2010, une usine de transformation de cacao de 20 millions $, d’une capacité de 100 000 tonnes. 

Au moment de sa liquidation, l’entreprise disposait de 55 000 tonnes de fèves de cacao dans ses entrepôts de San Pedro, de 2 000 tonnes de produits semi-finis et de 2 500 tonnes de cerises de café