Vous êtes ici

Back to top

APRNEWS:Risquer la mort pour une vie meilleure

APRNEWS-PHOTO TAREK AMARA, ARCHIVES REUTERS La traversée de la Méditerranée tentée par ces ressortissants africains est stoppée par la Garde nationale tunisienne, près des côtes de Sfax, le 27 avril.
Samedi, 17 juin 2023

APRNEWS:Risquer la mort pour une vie meilleure

APRNEWS- (Sfax, Tunis et l’île de Kerkennah, Tunisie) La région de Sfax, en Tunisie, est devenue la principale plaque tournante pour les migrants vers l’Europe : depuis le début de l’année, les départs pour l’Italie ont bondi de 300 %. Mais tous n’arrivent pas à destination.

APRNEWS- Les drames sont nombreux, comme on l’a vu cette semaine avec le tragique naufrage au large de la Grèce. Les morts se comptent par centaines. Et ce ne sont pas les propos racistes du président tunisien qui vont renverser la tendance : la population noire est plus que jamais déterminée à rejoindre l’Europe. Coûte que coûte.

Maria Mkabo se souvient de son départ en mer, le 7 avril dernier, alors qu’il faisait nuit noire, d’une plage près de Sfax, dans une barque en métal où s’entassaient quelques dizaines de migrants subsahariens espérant atteindre l’Italie. Elle se souvient des vagues déchaînées qui, après quelques heures, ont fait chavirer la fragile embarcation et précipité tout le monde dans l’eau de la Méditerranée. 

Mais la jeune femme de 20 ans ne se souvient pas comment elle a réussi à survivre plusieurs heures dans l’eau froide, avec son bébé de 10 mois, en s’accrochant tant bien que mal à une chambre à air mal gonflée.

Son mari, Ismaïl Ilah, 28 ans, n’est jamais remonté à la surface. Maria Mkabo a été secourue le lendemain par un bateau de pêcheurs qui a ramené les survivants au port de Sfax. Le bébé Ismaïl a été hospitalisé et a passé cinq jours dans le coma, après avoir souffert d’hypothermie.

« J’ai eu très peur, je ne veux pas remonter dans un bateau », dit la jeune mère au visage grave, rencontrée à Tunis dans un camp improvisé où environ 200 migrants subsahariens s’entassent dans des tentes et sous des bâches de plastique, à côté des bureaux de l’Office international pour les migrations (OIM), une organisation des Nations unies. 

« Je veux rentrer chez moi en Sierra Leone, mais je n’ai plus d’argent et je n’ai personne pour s’occuper de moi », se désole-t-elle, tandis que le petit Ismaïl, fiévreux, pleure dans ses bras. 

Trois fois plus de départs 

Maria Mkabo fait partie des milliers de personnes, surtout de l’Afrique subsaharienne, qui ont tenté d’atteindre l’Italie à partir de la Tunisie depuis le début de 2023. Il s’agit d’une vague sans précédent : les migrants sont trois fois plus nombreux cette année que l’an dernier.

Entre janvier et avril, le nombre d’entrées irrégulières de migrants dans l’Union européenne par la Méditerranée centrale a augmenté de 292 % comparativement à la même période en 2022, atteignant 42 165, selon l’agence européenne Frontex, responsable de la gestion des frontières. Principaux pays d’origine des migrants : la Côte d’Ivoire (huit fois plus nombreux) et la Guinée (cinq fois plus nombreux). 

De leur côté, les autorités tunisiennes ont intercepté 23 093 personnes tentant de quitter les côtes du pays au cours des cinq premiers mois de 2023, comparativement à 7250 à la même période l’an dernier, une hausse de quelque 220 %, selon les données recueillies par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). 

Des morts chaque jour

Mais les naufrages sont nombreux, comme en témoigne la tragédie qui a fait des centaines de disparus au large de la Grèce, plus tôt cette semaine. Il y a eu 534 morts et disparus en mer au cours des cinq premiers mois de 2023, dont 90 % de Subsahariens, selon le FTDES, qui en avait comptabilisé 374 pour la même période en 2022. L’organisme souligne que les mineurs sont de plus en plus nombreux à tenter la traversée.

La région de Sfax, capitale économique du pays, et l’île de Kerkennah, située en face à 40 km des côtes, attirent depuis longtemps les Tunisiens qui tentent d’entrer illégalement en Europe en ralliant l’île italienne de Lampedusa, qui se trouve à moins de 150 km de Kerkennah. 

Mais dorénavant, ce sont les migrants subsahariens qui sont majoritaires sur cette route. 

Ils viennent de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée, du Niger, du Soudan, du Yémen. Ils ont traversé le désert, puis l’Algérie ou la Libye, avant d’aboutir en Tunisie sur les rives de la Méditerranée.