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APRNEWS : Le Nicaragua, nouvelle route de transit pour les migrants d'Afrique de l'Ouest

APRNEWS - Le Nicaragua, nouvelle route de transit pour les migrants d'Afrique de l'Ouest
Dimanche, 15 octobre 2023

APRNEWS : Le Nicaragua, nouvelle route de transit pour les migrants d'Afrique de l'Ouest

APRNEWS - La route migratoire du Sahara fait souvent la une des médias avec son lot de morts et de trafic d’êtres humains. Aujourd’hui, un autre itinéraire fait fureur auprès des candidats à l’émigration clandestine: rallier les États-Unis via l’Amérique latine.

APRNEWS - Les noms des personnes ressources ont été changés pour des raisons de sécurité.

Dans une vidéo qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux au Sénégal, des ressortissants du pays de la Teranga assis à même le sol, dans la pénombre, répondent aux questions de la personne qui les filme, manifestement un agent américain.

L’un d’entre eux, portant un maillot de football des champions d’Afrique, confie vouloir se rendre à New York, aux Etats Unis.

Tout comme ce groupe de sénégalais interceptés à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, Chérif (nom d'emprunt), de nationalité mauritanienne, a également emprunté les périlleuses routes de l’Amérique latine pour atteindre les États-Unis.

S’il a réalisé son rêve de rejoindre le pays de l’oncle Sam, Chérif n’arrive pas encore à s’intégrer et à trouver du travail. Depuis Philadelphie aux Etats unis, il nous explique les raisons de son départ de la Mauritanie.

« Au pays, je ne travaillais pas. J’étudiais le Coran mais je n’avais aucune activité génératrice de revenus », confie-t-il au bout du fil. 

Chérif a découvert ce long chemin détourné qui mène aux États-Unis par l’entremise de ses amis. Certains l’ont d’ailleurs devancé puis lui ont fait miroiter le rêve américain. Il reconnait néanmoins que ce fut un trajet long, périlleux et parsemé de difficultés. 

« Là où nous sommes passés, les gens ne nous considèrent même pas comme des êtres humains. J’ai subi du racisme, de la maltraitance physique et des paroles dégradantes », révèle-t-il sans entrer dans les détails.

Au mois d’août, l'Institut national mexicain des migrations (INM) a déclaré que 46 personnes, dont 19 originaires de la Mauritanie, avaient été "kidnappées" à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Selon les autorités mexicaines, ces migrants ont été privés de liberté pendant 4 jours. Ils ont été secourus lors d’une opération menée dans la ville de Sonoyta, située au nord du Mexique. 

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) note une augmentation migratoire sans précédent en Amérique centrale et au Mexique. 

« Le Service national de la migration du Panama fait état d’un nombre record de migrants ayant traversé la dangereuse jungle du Darien depuis la Colombie cette année. En date du 23 septembre, plus de 390 000 personnes ont bravé les dangers de cet itinéraire », affirme l’OIM dans un communiqué rendu public.

« 4 100 migrants d’Afrique ont traversé le Darien entre janvier et juillet 2023 », révèle l’organisation tout en précisant que ce chiffre a connu une baisse de 65% par rapport à l’année dernière.

Itinéraire 

Pour connaitre l’itinéraire et les démarches que peuvent suivre ces migrants, nous avons contacté une agence de voyage qui propose l’entrée aux États-Unis en passant par le Nicaragua. Sur Tik Tok, celui que nous appellerons Amadou y propose ses services. Nous nous faisons passer pour un candidat sénégalais à l’émigration pour avoir plus d’informations sur les démarches. 

Tout comme Chérif, Amadou est ressortissant Mauritanien. L’agence de voyage pour laquelle il travaille a également pignon sur rue à Dakar, la capitale sénégalaise. 

« Il n'y a que deux choses à savoir, entre le Sénégal et le Nicaragua, c'est arriver à l'aéroport du Nicaragua et qu’on vous donne le visa. Il n’y a que le billet d'avion à payer et prévoir votre argent de poche », explique Amadou. 

« Le billet, ça varie entre trois millions trois cents ou trois millions quatre cents F CFA (Ndlr: entre 5 000 et 5 300 euros) », tient-il à me préciser. 

Si l’agence s’occupe du billet, son service ne s’arrête pas là. Elle met aussi le voyageur en rapport avec une chaîne de passeurs qui se chargeront d’aider les migrants à franchir les frontières de chaque pays de l’Amérique latine sur leur itinéraire.

Et l’argent de poche évoqué par Amadou sert justement à payer ces passeurs.

« Dès votre arrivée au Nicaragua, on va envoyer votre photo à quelqu’un. Il va envoyer sa famille pour vous accueillir à l'aéroport là-bas, et nous, on va vous envoyer leurs photos. Si tu les vois, tu vas les reconnaître directement. De toute façon, tu ne pars pas seul, tu vas partir en groupe » tente-t-il de rassurer.

« Pedro va vous faire quitter le Nicaragua jusqu'au Honduras. Tu payes 60 dollars [environ 37 230 f cfa]. Il va te mettre en rapport avec une autre dame qui s'appelle Sarah. Elle va assurer le trajet du Honduras au Guatemala. Tu lui payes 100 dollars [environ 62 050 f cfa]. Un autre prendra le relais. Il va continuer le chemin du Guatemala jusqu'à Tapachula qui est l'entrée sud du Mexique. Une fois arrivé à Tapachula, tu vas traverser à l'aide d'un bateau. C’est Pilo qui va gérer. Tu lui paies 500 dollars [environ 310 250 f cfa] et Pilo va t'amener jusqu'à Cochitan [ville au Mexique]. Après, il y a Carlos qui est là-bas. Il va t'amener jusqu'à Mexico. Tu lui payes 8 000 pesos. Cela équivaut à 400 dollars [248 200 f cfa]. Et après Mexico, tu prends le bus et tu pars vers Las Conchas » m’explique Amadou.

Las Conchas est une ville à proximité de la frontière américaine de l'Arizona.

Amadou m’explique qu’à mon arrivée sur le sol américain, je serai certainement détenu dans un camp pendant quelques jours avant de pouvoir entrer aux Etats Unis. C’est là que s’arrête leur accompagnement. Débute alors le combat pour la régularisation du migrant. 

En tout, le voyage aura coûté un peu plus de 6 000 euros.