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Côte d'Ivoire- Interview de Charles-Henry Delafosse : L’oeil d’un artiste en noir et blanc

Aprnews- Charles-Henry Delafosse- Photographe- France -Actualité-
Mercredi, 31 octobre 2018

Côte d'Ivoire- Interview de Charles-Henry Delafosse : L’oeil d’un artiste en noir et blanc

APRNEWS- « Tout le monde peut faire de la photo mais créer de l’art, c’est différent ». Tout est donc parti de là. Cette citation a pris racine dans l’esprit d’une âme destinée à cette vocation : la photographie. Kouo Charles-Henry Delafosse, 22 ans, est un jeune photographe. Passionné d’art, de cinéma et de photographie, son univers en noir et blanc a été inspiré par des photographes tels que Philip-Lorca Dicorcia et Vivian Maier. Lumière sur Delafosse Charles–Henry, joint par téléphone. 

Charles Henry portrait photographe cliché

Qui es-tu ?

Je m’appelle Delafosse Kouo Charles-Henry. Je suis né le 23 mars 1996 à Abidjan en Côte d’Ivoire. J’ai 22 ans. Mon père est d’origine franco-ivoirienne et sénégalais, ma mère est d’origine camerounaise. J’ai vécu entre la Côte-d’Ivoire et le Cameroun. Je viens de finir mon BTS en communication visuelle et je compte poursuivre mon cursus en cinéma dans un pays anglophone.

Quelles ont été les étapes marquantes dans ton apprentissage de la photographie ?

Adolescent, pendant les périodes de Noël, je recevais en cadeau de petits appareils photos. Cela me permettait de prendre plusieurs clichés mais inconsciemment j’ignorais que je commençais à me diriger vers ce pourquoi j’ai été créé. Mon déclic pour la photo a surgi avec le film Boyhood de Richard Linklater dont le personnage principal est passionné de photo. Lors d’une séquence son professeur lui dit : « tout le monde peut faire de la photo mais créer de l’art, c’est différent.» J’ai alors saisi que je devais faire du cinéma et de la photographie. Par ailleurs, ce qui a bâtit mon apprentissage, c’est la pratique, aller sur le terrain, prendre des photos sur le vif, je m’exerçais et essayais de maîtriser mon appareil. Je côtoie également des réalisateurs, des photographes, je m’imbibe de leur travail pour développer mon oeil artistique et aiguiser mon propre style. 

Abidjan, les enfants

Quand as-tu commencé à t’intéresser à ce type de photographie ?

Je me suis toujours intéressée au noir et blanc. Avant je faisais des photos en couleur, mais j’ai toujours eu une attirance particulière pour tout ce qui est classique, j’aimais beaucoup être avec ma grand-mère, regarder les documentaires des années 80 ou d’autres sur la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Ce bagage culturel a eu une conséquence sur mon travail actuel. Je préfère le noir et blanc et je rajoute des grains argentiques mais je fais de la photographie en couleur également.

La place de l’art dans ta vie est incontestable, viens-tu d’une famille d’artistes ?

Petit, je dessinais beaucoup. Mon oncle est dans l’univers de la musique donc j’ai aussi les pieds dans le domaine musical. La place de la photographie est venue plus tard mais je me rappelle cette sensation spéciale lorsqu’on m’offrait un appareil photo, je ressentais quelque chose de plus fort que si l’on m’offrait une console de jeux vidéos, bien que cela me fasse aussi plaisir. Il y a un an, j’ai investi dans mon premier appareil photo professionnel, ce qui fut le fruit de sacrifices et d’économies.

Avant de me lancer complètement dans la photo, je tâtonnais mais quand je me suis rapproché de Dieu, j’ai pris conscience de ce que je voulais faire. Maintenant, dans mon coeur, je suis convaincu du caractère incontournable de la photo dans ma vie. L’attirance pour l’image était déjà innée en moi. Je suis quelqu’un de très observateur, j’ai souvent l’impression de faire des films dans ma tête. D’ailleurs, mon parcours s’échelonne en trois phases évolutives : l’audio, le visuel et avec le temps c’est devenu l’audiovisuel. 

Homme à vélo, Abidjan

Quelle a été la réaction de tes parents face à ton choix professionnel ?

Au début, ma mère était réticente. Elle voulait que je fasse une filière standard du type marketing ou autre. Mais comme on dit à Abidjan « je n’ai pas durer dans mauvais rêve » littéralement il ne faut pas se voiler la face en persévérant dans une activité que tu n’aimes pas. J’ai très vite développé un certain amour pour le cinéma et j’ai donc échangé avec ma mère à ce sujet. Il n’y a pas eu de tension ni de palabres dans nos dialogues. Bienveillante, elle m’a conseillé de viser les meilleures écoles de cinéma pour ma carrière. Concernant, mon père, nos rapports sont différents car j’ai été élevé par ma mère mais il me soutient parallèlement.

As-tu un souvenir d’un shooting en particulier ?

Un shooting m’a particulièrement marqué, c’est celui d’une amie. Lorsque tu shootes des personnes qui ne sont pas à l’aise derrière l’objectif, il faut faire un exercice psychologique et les rassurer. Les premières photos ne sont pas forcément les meilleures car les personnes sont intimidées. Mais ce modèle, donc mon amie posait avec facilité et était très détendue. C’était plaisant et amusant de travailler avec elle. 

mosquée charles henry crédit

Pourquoi le choix du noir et blanc ? Que souhaites-tu transmettre par ton travail ?

J’aime le noir et blanc, la saturation qui tend vers le travail de Vivian Maier. J’aime beaucoup ce qui est classique et vintage. Si demain je ne suis plus de ce monde, je veux que les gens disent : « Lui, il a su allier la photo d’exposition, le cinéma et la foi. » Je souhaiterais transmettre la vie ainsi que des émotions.

L’idéal serait que par les photographies, les personnes aient l’impression d’être en face de ce qu’il voit, et de pouvoir carrément entrer dans l’image au point où la photo saisirait leurs âmes. J’aimerais créer ce lien dans l’esprit des personnes qui observent mon travail et leur procurer des morceaux de bonheur. Chaque photo doit parler.

Qui sont tes inspirations en particulier dans la photographie ? 

Philip-Lorca Dicorcia et Vivian Maier sont mes principales inspirations. Mon oeil artistique reconnait leur travail et se retrouve dans leurs oeuvres, l’angle et l’esprit. Une photographie ne se limite pas à ce que l’on voit, c’est un langage de l’âme.

street, Abidjan

Quels sont les sujets qui te fascinent actuellement ? Sur quoi travailles-tu ?

Les sujets qui me fascinent actuellement sont des sujets intemporels. Les luttes antiraciales, les enfants démunis, la misère dans laquelle les habitants sont confrontés, les bâtiments… Actuellement, je suis à la recherche de nouveaux endroits et contenus. Sur le long terme, j’aimerais faire des expositions. Mais dans l’immédiat, je travaille sur mon futur site internet. 

Quel matériel photo utilises-tu ?

Une caméra Nikon D3300, avec tout le matériel nécessaire à savoir un flash Yongnuo (YN560 III), deux objectifs (18-55/18-70 mm) qui, selon moi, le premier serait plus adapté pour les portraits et le second pour les paysages. J’utilise également un adoucisseur pour le flash, un réflecteur, deux éclairages de studio, un éclairage portatif, un stabilisateur pour la vidéo, mon ordinateur portable HP et pour finir je retouche les photos sur le logiciel Capture One.

femme, Abidjan crédits Charles Henry

Effectues-tu beaucoup de retouches sur tes photos ?

La retouche photographique a une place essentielle dans ce qui constitue l’identité de mon travail. Je passe beaucoup de temps à retoucher les photographies car je considère chaque photo comme un bébé. Chaque image est unique. La photo A n’est pas la photo B, tout comme des jumeaux peuvent naître à cinq minutes d’intervalles mais chacun à son identité. 

Tu postes des versets bibliques en légende de certaines de tes photographies, quelle est la place de la foi dans ton travail ?

En tant que photographe, je touche à plusieurs domaines mais le volet principal de la photographie où j’allie ma foi et mon travail : c’est la photo d’exposition. Sur mes photos, le verset illustre l’image. L’illustration a un sens, elle raconte une histoire. La légende est un verset tiré de la Bible.  La créativité, c’est Jésus-Christ qui me la donne. C’est lors de la post-production, où même le jour de la publication que des versets me viennent à l’esprit. Je les sélectionne en fonction des photos afin qu’il y ait plus de pertinence entre le texte et l’image. Pour les photographies de mariage, institutionnelles, commerciales ou le photo journalisme, c’est autre chose. Je me soumets aux consignes en ajoutant ma touche personnelle. 

tonton cuisto, Abidjan

Situé principalement en Afrique, quel est ton rapport au continent dans ton travail ?

Cela va faire un an que je fais de la photo. Il est évident que l’atmosphère et le décor sont une plus value car mes clichés sont majoritairement en Afrique. Je considère ma passion comme un engagement pour le progrès de l’art en Afrique. Par mon travail, je commence à éduquer la population concernant l’art. Si je serais à New York, par exemple, les gens poseraient plus facilement devant l’objectif. Mais ici, c’est différent, les gens sont parfois réticents en fonction du contexte historique.

Du coup par mon travail j’essaye de créer une certaine confiance. Quand je sors avec mon appareil, je vais à l’aventure, je demande à la personne si je peux la prendre en photo. J’essaie de la mettre en confiance. Je m’imprègne du lieu par la photographie. « Your eyes is your camera » littéralement « tes yeux sont ton appareil photo », c’est de cette façon que je me définis. Si nos yeux pouvaient capturer l’instant, on aurait des millions de clichés et ce serait plus discret aussi. Mais il faut savoir que ce n’est pas l’appareil photo qui fait le photographe, c’est ta créativité qui fait la différence.

building charles henry crédit

Quels sont tes projets ou collaboration pour 2019 ?

Je souhaiterais élargir mon carnet d’adresses, voyager, rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux photographes et découvrir de nouveaux horizons.

Le mot de la fin 

Soutenons-nous qu’importe les domaines d’activités. Ca fait toujours plaisir en tant que jeune de se soutenir. C’est en s’entraidant que l’on arrivera à notre destination.

Instagram : @charleshenrydelafosse

Avec Slkaanews.com