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APRNEWS : La CIE , le bouc émissaire idéal

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Il y a peu, la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) a publié les derniers résultats net du 1er trimestre de l’année 2024 de la CIE. Il en ressort que la CIE a réalisé sur le trimestre un résultat net de 134 %. 

À première vue, au regard du coût de l’électricité que nos compatriotes trouvent, à juste titre élevé, ce pourcentage peu paraître choquant. 

Mais ramené aux chiffres réels de ce que représente cette augmentation de 134%, on se rend compte que celle-ci est relativement faible, voire ridicule. Et c’est la raison pour laquelle ceux qui voulaient plus choqué qu’informer n’ont pas relevé ces montants. 

Plutôt que de chercher un bouc émissaire, faisons l’effort intellectuel de comprendre comment fonctionne le secteur de l’électricité, qu’est-ce qui justifie les augmentations tarifaires et qui décide de ces augmentations. Pleurnicher ne va rien changer à la politique tarifaire de l’Etat. Réfléchir et faire des propositions amélioratives peut aider. Analysons. 

Une entreprise privée de service publique qui fait deux (2) milliards de résultat net sur un trimestre ne devrait pourtant pas choquer l’opinion publique. Surtout lorsque celle-ci est cotée à la bourse. 

Au 1er trimestre de l’année 2024, la CIE a réalisé un chiffre d’affaires de 54 milliards de FCFA (54.206 exactement). Avec un tel chiffre d’affaires, elle n’a réalisé qu’un bénéfice net trimestriel de 2 milliards 633 millions FCFA. En 2023, sur la même période, elle avait réalisé un résultat net de 1 millards 124 millions FCFA. Ce qui correspond à une différence de 1 milliard 509 millions FCFA, soit 134%. 

Concrètement, la CIE à titre d’exemple, a versé à ses actionnaires le 14 juillet 2021, au titre de l’exercice 2020, un dividende net global de 9,359 milliards de FCFA. Rapporté aux 56 millions d’actions qui composent le capital social de la société, ce montant a donné un dividende net par action de 167,14 FCFA contre de 104,979 FCFA en 2019.

Ce qu’il faut savoir, c’est que dans la fixation du prix de l’électricité, rentre en compte le prix d’achat par l’Etat aux opérateurs gaziers qui fournissent à la CIE et aux autres exploitants des centrales thermiques (Azito, Ciprel…) le gaz nécessaire pour faire fonctionner lesdites centrales thermiques qui, elle-mêmes, représentent environ 75% de la production de l’électricité en Côte d’Ivoire. 

Dans cette chaîne des valeurs des entreprises du secteur de l’électricité, que pèse vraiment les 2 633 milliards de résultats net trimestriels de la CIE devant ceux des autres opérateurs du secteur !? 

On se rend compte à l’analyse des chiffres que la CIE réalise, comparativement aux autres acteurs, une marge relativement faible. À titre de comparaison, avec une baisse de 21% en 2022, la CIPREL, a enregistré un résultat net de 21,58 milliards FCFA.

Dans le secteur de la téléphonie, qui est aussi une concession d’un service public de télécommunication, Orange-ci c’est 154,9 Milliards FCFA de résultat net annuel à fin Décembre 2023. Son résultat net consolidé s’élève à 37,9 Milliards FCFA au premier trimestre 2024. N’est-ce pas là qu’il faudrait éventuellement s’indigner ! 

N’oublions pas que la CIE, c’est près de 6 000 employés, tous des compatriotes ivoiriens !!! Si vous prenez les autres acteurs du secteur de l’électricité, vous vous rendrez compte que c’est à peine un peu plus d’une centaine d’employés ! Et pourtant, regardez leur résultat net, obtenus vraiment de risque d’exploitation parce qu’ils ont des contrats de type take or pays. Contrat dans lequel l’Etat s’est contractuellement engagé à payer, quoi qu’il advienne, l’électricité qu’ils fournissent chacun à la CIE à un prix prédéterminé d’avance, de longue date. 

Zéro risque l’exploitation donc mais bénéfices conséquents. 

Bref ! La CIE qui, au passage, est détenue à 15% par l’Etat de Côté d’ivoire, apparaît comme le bon bouc émissaire brandi chaque fois que le secteur de l’électricité est en difficulté ou qu’il y a une augmentation tarifaire alors même que ces augmentations ne sont pas de son fait ni de sa responsabilité. 

J’invite donc nos compatriotes, au regard de leur soif de vérité sur le déficit structurel que connaît le secteur de l’électricité depuis plus d’une vingtaine d’années à pousser la réflexion un peu plus loin s’ils veulent vraiment en connaître les raisons et subséquemment les motifs qui justifient les augmentations tarifaires par l’Etat et non par le CIE. Cela leur évitera de lâcher la proie pour l’ombre en allant dans tous les sens. 

Jean Bonin KOUADIO 
Juriste 
Ex DGA de l’Autorite de régulation du secteur de l’électricité (Anaré)
Président de FIER.