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APRNEWS : Analyse sur la candidature de Gbagbo pour les présidentielles 2025

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Laurent Gbagbo, né le 31 mai 1945 à Gagnoa, est un historien, écrivain et homme d'État ivoirien, président de la république de Côte d'Ivoire du 26 octobre 2000 au 11 avril 2011. Fondateur avec son épouse Simone du parti de gauche Front populaire ivoirien, il est un opposant historique à Félix Houphouët-Boigny

À l’issue de l'élection présidentielle de 2010, qui devait se tenir en 2005 mais qu'il a repoussée à plusieurs reprises, il est donné battu par Alassane Ouattara par la Commission électorale indépendante ; refusant de quitter le pouvoir, il est déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel et officiellement investi pour un second mandat. Cette situation entraîne une crise politico-militaire de plusieurs mois alors que la victoire de son adversaire est reconnue par la quasi-totalité de la communauté internationale. Il est finalement arrêté le 11 avril 2011 par les forces d'Alassane Ouattara.

Incarcéré auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, il est acquitté en 2019. Rentré en Côte d’Ivoire en 2021, il quitte le FPI, en proie à des tensions internes, puis fonde le Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI).

Pour précision, je ne suis pas le Conseil de M. GBAGBO. Je n’interviens ici qu’en tant que praticien du droit et citoyen.

Je vais envisager deux volets, l’un juridique, l’autre politique. 

Ainsi donc, M. GBAGBO, disent certains, n'étant ni éligible ni électeur ne peut se porter candidat ; Il aurait été privé de ses droits civiques et comme tel, en voulant « à tout prix » être candidat, il risquerait même selon certain de causer des troubles car il défierait ainsi l’autorité de l’Etat.

Toutes ces considérations me paraissent infondées. Pourquoi ?

Simplement parce que tout citoyen a la capacité et le droit absolu de se porter candidat fut-il condamné.

C'est lorsque les institutions en charge de statuer sur le caractère fondé ou non de la candidature auront pris une décision définitive que l'exercice de ce droit sera ou ne sera plus possible. 

Ici, ce sont la CEI (dans une certaine mesure) et la Justice nationale et internationale qui auront à décider de l'exercice de ce droit. Nul ne peut donc au stade actuel prétendre refuser le droit à M. GBAGBO de se porter candidat. 

Pour aller plus loin dans le volet juridique, la décision de condamnation de la Justice ivoirienne à l’origine même de cette privation de droit à l'origine de M. GBAGBO et en passant de M. Charles BLE GOUDE est pour moi, acteur du Droit, extrêmement critiquable. D’une part, la Justice ivoirienne a prétendu se fonder sur la contumace pour condamner des gens que l’Etat ivoirien savait être à la Haye et que ce même Etat empêchait de rentrer en Côte d’ivoire.

Le Gouvernement y avait même dépêché ses Avocats pour demander à la CPI de ne pas permettre leur retour en Côte d’ivoire.

D’autre part et ce n’est pas le moins grave, M. GBAGBO a été poursuivi puis acquitté par la CPI sur la base de faits et de qualifications qui vont constituer la base du procès de condamnation en Côte d’ivoire. L’état ivoirien a de façon assez grossière requalifié les mêmes faits pour faire croire que ce n’étaient pas ceux qui avaient été déjà jugés à la Haye.

Il est clair que le principe « Non Bis in idem » sacré en Droit pénal et consacré partout dans le monde était ainsi violé de même que l’effet « ERGA OMNES » de la décision de la CPI qui s’imposait pourtant à la Côte d’ivoire.

Pire, l’Etat ivoirien a été condamné par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples à rétablir M. GBAGBO sur les listes électorales mais s’est assis sur cette injonction qui bénéficiait également à M. SORO Guillaume qui avait fait un recours identique. L’Etat ivoirien ne trouvera rien de mieux que de se retirer de la Cour, en représailles et croyant ainsi se soustraire à son obligation d’exécuter cette décision qui reste d’actualité car antérieure à la date de prise d’effet du retrait.

Je m’arrête là sur ce volet qui correspond exactement à ce qu’on analyse de nos jours comme un LAWFARE, en somme, « un usage stratégique du droit, une utilisation du système judiciaire pour combattre un ennemi ».

Sur le volet « Politique », il faut noter que les droits civiques se confondent littéralement avec les droits civils, lesquels ont été consacrés ne serait-ce qu’au niveau international par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU et plus spécifiquement encore par le Pacte Civil de New York de 1966 sur les droits civils et politiques.

C’est dire que même si on veut trouver à redire sur le sens politique de cette candidature, il y a encore ici un fondement juridique.

C’est donc le droit de tout homme et qui plus est pour un homme politique, chef de parti dont le but est la conquête de celui-ci, de candidater au pouvoir suprême.

Sur le côté éventuellement moral de la chose, je rappellerai que dans ce pays, des gens ont cru utile durant des années d’invoquer leur appartenance à une aire régionale, ethnique et religieuse pour dire qu’on les excluait de la vie politique et sociale, qu’on leur niait leur identité et leurs papiers d’identité, préalable au vote et à l’éligibilité justement, qu’on privait leur champion d’être candidat etc.

Ils ont même pris les armes avec des conséquences pour des générations pour obtenir gain de cause.

Il a fallu que celui qu’on prive de candidature aujourd’hui (GBAGBO) use (illégalement et abusivement selon moi de l’ancien article 48 de la Constitution) pour que l’actuel chef de l’Etat soit candidat. Ceux qui estimaient qu’ils vivaient une injustice hier veulent-ils rendre juste aujourd’hui le même type d’injustice (doublée ici en plus d’illégalité)

? Doit-on rappeler que M. GBAGBO est un ancien Président de la République, qu’il représente une frange des plus importantes des électeurs de ce pays, un leader historique dont la légitimité ne peut être discutée ?

Quant à ceux qui parlent de l’âge, on remarquera que c’est la candidature de M. GBAGBO qui fait se souvenir la plupart d’entre eux qu’il est vieux, fatigué etc. et que d’ailleurs « Les vieux là doivent se retirer » ; Voulant nous faire oublier qu’ils ont soutenu un 3ème Mandat qui était illégal et sont certainement prêts à accompagner un 4ème avec quelqu’un de largement plus âgé que tous ses adversaires potentiels.

A ceux qui encouragent par des arguments aussi spécieux que cyniques de telles manœuvres, qui disent que « C’est la politique », je leur demande : « ET DEMAIN » ? A QUEL MOMENT VA-T-ON DONC SORTIR DE CE CYLCE INFERNAL ?

Contributeur Externe à la rédaction APRNEWS  - SZ