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Allemagne : Comment Berlin manipule ses comptes

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Jeudi, 1 février 2018

Allemagne : Comment Berlin manipule ses comptes

EXPRESS- L’Allemagne manipule les chiffres pour minorer son excédent de compte courant annuel, affirment des économistes allemands. Le véritable chiffre (en termes réels) serait supérieur de près de 80 milliards d’euros à celui qui est déclaré aux instances internationales.

Ces trucages auraient pour objectif de désamorcer les critiques internationales qui s’intensifient. C’est ce qu’affirme Ambrose Evans Richard, un journaliste britannique très renommé du Telegraph.

"Ils truquent les comptes, pour que l’on ne voit pas que l’excédent augmente. Ce qu’ils font est une forme de ‘lissage politique’, mais très peu de gens comprennent cela", affirme le professeur Heiner Flassbeck, ex-secrétaire d’État aux Finances, qui enseigne désormais à l’université d’Hambourg.

L’Allemagne, championne du monde, loin devant la Chine

L’excédent courant allemand a été le plus élevé du monde en 2017, atteignant 287 milliards de dollars en valeur absolue, loin devant la Chine. Cela fait plusieurs années qu’il dépasse de 8 % le PIB du pays. Et bien qu’il constitue une violation de la règle en matière de déséquilibres macro-économiques au sein de la zone euro, rien n’a été fait pour changer cette situation.

Flassbeck et son collègue, l’économiste Friederike Spieker, affirment que les données de la Bundesbank s’écartent fortement des analyses publiées par l’agence nationale de statistiques. Ces dernières montrent que la croissance allemande provient pour 80 à 90 % de ses exportations. "Il devient impossible de parler d’un cycle économique qui serait mené par la demande domestique pour l’essentiel. Il serait plus juste de parler d’une expansion du mercantilisme allemand et de violations plus graves des principes du marché libre", affirment-ils.

Un cycle vertueux… uniquement pour les entreprises allemandes
Outre qu’il nuit aux autres pays de la zone euro, cet excédent courant implique également que les travailleurs allemands ne reçoivent pas la contrepartie totale du fruit de leur travail. En effet, les gains de productivité qu’ils ont acquis profitent principalement aux entreprises exportatrices et aux élites. Depuis les années nonante, l’épargne des entreprises a continuellement augmenté, et elle atteint maintenant 6,6 % du PIB allemand.

Chez nos voisins de l’Est, on considère souvent cet excédent courant comme le reflet de la grande sagesse du pays en matière de politique économique. On souligne également qu’il permettra de préparer le pays au vieillissement de sa population et aux conséquences de ce phénomène sur la croissance économique… Ce qui dissuade de l’utiliser maintenant.

Au sein de la zone euro, beaucoup ont critiqué l’Allemagne de ne pas l’avoir absorbé en organisant des transferts sous forme d’investissements ou de consommation qui auraient aidé les pays en difficulté de la zone euro. Au lieu de cela, les Allemands ont investi dans des titres étrangers. Ainsi, l’Allemagne a prêté l’argent qu’elle gagnait grâce à son excédent commercial aux pays où elle exportait ses produits, afin de leur permettre d’acheter encore plus de biens allemands

"L’Allemagne manipule l’euro"
L’année dernière, Peter Navarro, le conseiller économique en chef du Président américain Donald Trump, a déclaré que l’Allemagne" manipulait l'euro". L’appartenance du pays à la zone euro lui permet de profiter des effets de la politique d’injection massive de capitaux dans l’économie impulsée par la banque centrale européenne. Selon Navarro, il en résulte une "très nette sous-évaluation" de la monnaie allemande, grâce au mécanisme de l’Union monétaire.

De plus, c’est aussi l’Allemagne qui a imposé une cure d’austérité à toute l’Europe, et en particulier aux pays de la périphérie, forçant ceux-ci à développer leurs exportations pour sortir de la crise. En conséquence, la zone euro elle-même enregistre maintenant un excédent de 430 milliards de dollars.

Un nouvel adversaire : Trump
Mais le pays est maintenant confronté à un nouvel objecteur, bien moins docile et bien plus puissant que les membres de l’UE: le président des États-Unis, Donald Trump. Il est peu probable qu’il se désintéresse de cette question, d’autant qu’aux États-Unis, on soupçonne la Banque Centrale européenne de pratiquer des taux d’intérêt négatifs (-0,4 %) pour maintenir la parité de l’euro au plus bas.

Selon Gary Hufbauer, un expert en commerce du Peterson Institute, Trump pourrait être tenté d’activer la "section 232", un texte qui l’autorise à imposer des sanctions de sa propre autorité. "Il s’en prendra très certainement à l’acier européen, et pour suivre, il imposera très probablement une forme de quotas sur les voitures", dit-il.

L’Europe bientôt impliquée dans une guerre commerciale ?
"Réciproque" et "juste" sont des mots que l’on entend souvent dans la bouche du président. Selon l’expert, l’Allemagne est très "injuste" pour le président en ce qui concerne les automobiles, parce que l’Union Européenne impose des droits de douane de 10 %, tandis que ceux qui s’appliquent sur les voitures américaines entrant dans le bloc ne sont que de 2,5 %.

Si Trump décide effectivement d’augmenter les droits de douane, il est probable que l’UE organise des représailles. La défiance que les Américains éprouvent pour l’Allemagne pourrait donc entraîner l’ensemble des pays européens dans une guerre commerciale qui pourrait être très préjudiciable aux grands partenaires européens des États-Unis, comme l’Irlande…mais aussi la Belgique.