APRNEWS: Les 10 pays d’Afrique dont les économies seront les plus robustes d’ici 2029.

APRNEWS: Les 10 pays d’Afrique dont les économies seront les plus robustes d’ici 2029.

Des changements importants sont intervenus dans les projections du Fonds monétaire international (FMI) mises à jour en marge des Assemblées générales de l’institution. Le Nigeria ne devrait plus figurer dans le Top 3 des plus grandes économies du continent à l’horizon 2029. Le facteur monétaire a chamboulé le classement des pays les plus riches d’Afrique en 2024 et il aura son impact sur le reste de la période étudiée. Décryptage.

En marge des Assemblées annuelles 2024 du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe Banque mondiale qui ont lieu du 21 au 26 octobre à Washington DC, les deux institutions de Breton Woods ont publié leurs perspectives de croissance de l’économie mondiale et les projections qu’elles font des évolutions des économies de la planète sur le court et le moyen termes.

En ce qui concerne la création de richesses, mesurée par le Produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la quantification de la valeur totale de la «production de richesse» annuelle effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un pays, à prix courant, exprimé ensuite en dollar pour faciliter les comparaisons, il ressort des nouvelles projections actualisées, à la date du 22 octobre 2024, que le ranking des 10 pays les plus riches d’Afrique connaîtra quelques bouleversements sur la période 2023-2029.

Pris globalement, on note que les 10 pays les plus puissants se sont fortement appauvris en 2024, par rapport aux précédentes projections, sous l’effet de trois grandes nations: le Nigeria, l’Éthiopie et l’Égypte, qui sont aussi les trois pays les plus peuplés du continent. Ainsi, alors que la richesse des 10 pays les plus riches du continent s’est établie à 2.170 milliards de dollars en 2023, celle-ci devrait baisser de -10,52% à 1.941 milliards de dollars en 2024e (e= estimation)avant de remonter pour atteindre 2.528 milliards de dollars en 2029p (p= prévision), selon les projections du FMI.

Certains pays vont voir leur richesse créée baisser fortement sur la période. C’est particulièrement le cas du Nigeria dont le PIB devrait chuter de 476,50 milliards de dollars en 2023 à 269 milliards de dollars en 2029, soit une perte de richesse de plus de 207 milliards de dollars sur la période. Du coup, cela à rebattu les cartes au niveau du sommet des pays les plus riches du continent.

Le nouveau classement, selon les projections du FMI sur la période 2023-2029 montre que c’est l’Égypte qui deviendra la première puissance économique africaine à partir de 2028, devant l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Nigeria, le Maroc, l’Éthiopie, l’Angola, le Kenya, la Côte d’Ivoire et la Tanzanie.

C’est le club des 10 pays africains qui auront un PIB supérieur au minimum à 120 milliards de dollars. Il s’agit globalement des pays les plus peuplés du continent (Nigeria, Éthiopie et Égypte), riches en ressources minières, hydrocarbures et agricoles (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Côte d’Ivoire…), des économies diversifiées (Maroc, Afrique du Sud)…

Si ce sont les mêmes pays qui figurent dans le Top 10 de l’année dernière, on note un véritable chamboulement au niveau du classement.

Ainsi, le Nigeria qui occupait la première place des pays les plus riches devrait voir sa richesse chuter de plus de moitié passant de 476,50 milliards de dollars en 2023 à 199,70 milliards de dollars en 2024e sous l’effet uniquement de la politique de change adoptée par le pays. C’est le cas aussi de l’Égypte et de l’Éthiopie qui ont vu leurs PIB baisser à cause des «dévaluations» de leurs monnaies.

Le Nigeria perd, à partir de cette année, sa place de première puissance économique africaine. Son PIB devrait passer de 476,50 milliards de dollars en 2023 à seulement 199,72 milliards de dollars en 2024e, selon la dernière prévision du FMI, affichant une chute de -58,08%. Ainsi, le pays le plus peuplé d’Afrique devrait passer de la 1ère puissance économique africaine en 2023 à la 4e place en 2024, derrière l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie. Et à l’horizon 2029, le PIB devrait s’établir à 269 milliards de dollars, selon les prévisions de l’institution de Breton Woods. C’est-à-dire que le pays ne devrait pas améliorer son rang d’ici 2029.

Cette chute ne s’explique pas par une récession de l’économie nigériane. Bien au contraire, celle-ci va afficher une croissance de 3,1% en 2024, selon les estimations du FMI, et continue de connaitre des changements structurels grâce à des investissements significatifs dont la raffinerie de Dangote (6ème plus grande raffinerie au monde), la construction du premier port en eau profonde du pays et plusieurs autres investissements (chemin de fer, autoroutes,…). En réalité, cette chute de la richesse créée par l’économie nigériane résulte uniquement des impacts des «dévaluations» répétitives du naira vis-à-vis du dollar. La monnaie nigériane s’est fortement dépréciée par rapport au billet vert américain à cause de dévaluations initiées par les autorités nigérianes. Ainsi, on est passé de 1 dollar pour 447,58 nairas en début de 2023, à 898 nairas pour le même dollar au début de 2024. Et actuellement, il faut débourser 1645 nairas pour avoir 1 dollar. C’est comme si durant la période allant du 1er janvier 2023 à la date du 25 octobre 2024, la valeur de la monnaie nigériane, exprimée en dollar, a été divisée par 4. Et comme le PIB est calculé en monnaie locale, l’effet de change a fait fortement chuter la richesse créée une fois exprimée en dollar.

La situation est à peu près identique pour l’Égypte et l’Éthiopie, deux pays dont les monnaies ont connu aussi des «dévaluations» en 2024, ayant impacté négativement sur leurs richesses exprimées en dollars. Ainsi, le 6 mars 2024, la livre égyptienne a perdu plus de 61% de sa valeur vis-à-vis du dollar après la décision des autorités monétaires égyptienne de laisser le taux de change officiel de la monnaie locale fluctuer librement. Cette décision a été prise sur recommandation du FMI dans le but d’unifier les taux de change des marchés officiel et parallèle. Cela a impacté la richesse créée qui est passée 394 milliards de dollars en 2023 à 380 milliards de dollars en 2024.

Le taux de change s’est amélioré légèrement avec l’injection par les Émirats arabes unis de 35 milliards de dollars d’investissements et de dépôts dans l’économie égyptienne.

C’est aussi le cas du birr éthiopien qui a cédé le lundi 29 juillet 30% de sa valeur par rapport au dollar après la libéralisation du régime de change par les autorités. Cette chute a mis fin au strict contrôle des changes qui surévaluait artificiellement le birr et encourageait l’Éthiopie à importer plus qu’elle ne pouvait se le permettre. Une telle situation a impacté négativement la création de richesse exprimée en dollar par l’Éthiopie. En effet, exprimé en dollar, le PIB du pays devrait passer de 159 milliards de dollars en 2023 à 145 milliards de dollars, en baisse de -9,37%, à cause uniquement de la dépréciation de la monnaie du pays vis-à-vis du dollar. Cette dépréciation devrait continuer à impacter négativement la création de richesse exprimée en dollar américain sur les prochaines années pour s’établir à 201 milliards de dollars en 2029. Ainsi, le second pays le plus peuplé d’Afrique devrait perdre en 2024 son rang de 5e puissance économique africaine au profit du Maroc, malgré un taux de croissance moyen de 7% sur la période 2024-2027 tiré par la dynamique de ses secteurs agricoles, industriels, touristiques… Le pays devrait également tirer profit des impacts de son gigantesque barrage hydroélectrique de la Renaissance doté d’une capacité de 6.450 MW, le plus grand d’Afrique, qui a commencé à produire de l’électricité. C’est dire que la chute de la richesse créée est là aussi uniquement l’effet du taux de change.

Ainsi, on note que les chutes des PIB de ces trois pays s’expliquent par l’impact des politiques monétaires tendant à égaliser les taux de change officiel et parallèle.

L’Afrique du Sud a amélioré sa position passant de 3e puissance économique africaine en 2023 avec un PIB de 380 milliards de dollars à 476 milliards de dollars en 2029, affichant une évolution de 25,26% sur la période (+96 milliards de dollars) pour occuper le rang de première puissance économique africaine en 2024. Position qu’elle devrait préserver jusqu’à fin 2026, avant de céder celle-ci à l’Égypte. En dépit d’une conjoncture économique difficile, à cause des coupures d’électricité, la corruption, les réseaux logistiques délabrés, le pays le plus industrialisé du continent devrait enregistrer des croissances durant la période.

Pour sa part, l’Algérie devrait voir son PIB croître et passer de 240 milliards de dollars en 2023 à 260 milliards de dollars en 2024, affichant une croissance de 8% du PIB. Celui-ci devrait poursuivre son trend haussier et atteindre 284 milliards de dollars en 2029, et hisser le pays en tant que 3ème puissance économique du continent, derrière l’Égypte et l’Afrique du Sud, et devant le Nigeria.

Toutefois, la forte croissance qui sera enregistrée en 2024 s’explique par l’effet du «rebasage» du calcul PIB algérien entrepris par les autorités algériennes pour tenir compte du secteur informel dans le calcul de la richesse du pays, gonflant ainsi artificiellement la richesse créée, sans que l’économie algérienne ne connaisse le moindre changement structurel. En plus, contrairement au Nigeria, à l’Égypte et à l’Éthiopie qui ont «dévalué» pour égaliser les taux de change des marchés officiel et parallèle, Alger préfère maintenir un taux de change déconnecté de la réalité économique du pays. Ainsi, alors que le taux de change officiel est de 1 dollar contre 133,50 dinars algériens, il faut débourser 228 dinars pour 1 dollar au marché noir, soit un gap de 94,5 dinars entre les deux marchés. En adoptant le taux de change du marché parallèle, et en dépit du «rebasage», le PIB algérien de 2024 retomberait à 152 milliards de dollars. A cela il faut souligner que l’économie algérienne étant dépendante de la rente pétrolière qui pèse plus de 95% de ses recettes d’exportation, l’évolution du PIB est fortement corrélée à celle des cours des hydrocarbures (pétrole et gaz).

Du côté du Maroc, le PIB devrait passer de 144,44 milliards de dollars en 2023 à 157 milliards en 2024, et croître sur la période pour atteindre 219 milliards de dollars en 2029. Le royaume va ainsi afficher une croissance de 52% (+75 milliards de dollars) sur la période et conserver son rang de 5ème puissance économique du continent. L’économie marocaine, parmi les plus diversifiées du continent avec celle de l’Afrique du Sud, est soutenue par les métiers comme l’automobile, l’aéronautique, l’offshoring… qui contribuent, à côté des phosphates et l’agriculture à la création d’emplois et à la hausse des exportations. Le succès de l’industrie automobile illustre les bons choix adoptés par le Royaume.

Les PIB des pays les plus puissants d’Afrique sur la période 2023-2029 (en milliards de dollars)

Pays 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 Var 2029/2023 (%)
Egypte 394 380 356 387 431 480 533 +35,28%
Afrique du Sud 380 403 418 432 447 461 476 +25,26%
Algérie 240 260 264 270 275 280 284 +18,33%
Nigeria 476 200 195 225 239 261 269 -43,48%
Maroc 144 157 169 181 193 206 219 +52,08%
Éthiopie 160 145 121 138 158 179 202 +26,25%
Angola 109 113 118 124 133 141 151 +38,53%
Kenya 109 116 117 118 125 133 143 +31,20%
Côte d’Ivoire 79 87 95 104 114 123 134 +69,62%
Tanzanie 79 80 85 93 102 112 122 +54,43%

Source: tableau confectionné à partir des données du FMI.

Notons ainsi que les comparaisons de PIB entre pays africains doivent être prises avec beaucoup de précautions sachant que les évolutions sont parfois impactées uniquement par des variations des taux de change plutôt que par les évolutions économiques structurelles des différents pays. Ensuite, les projections du FMI sont assujetties à plusieurs risques et incertitudes dont l’inflation, les déficits des comptes courants, les déficits budgétaires, les évolutions des taux de change des monnaies vis-à-vis du dollar, les risques politiques et géopolitiques, les évolutions des cours des matières premières (hydrocarbures, minerais, produits agricoles…)…

Enfin, il faut aussi souligner que le PIB ne fait état que de la création de valeur et ne montre pas, sinon de manière très indirecte, les progrès de développement des pays, le bien-être de leurs habitants, ou encore l’impact de la croissance économique sur l’environnement. De même, il ne donne pas une idée sur les inégalités de richesse entre les pays.

Par Moussa Diop
Le 27/10/2024 à 07h26
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