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APRNEWS : Le Football n'est pas un sport.. C'est d'abord du business

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LE FOOTBALL N’EST PAS UN SPORT. C’EST D'ABORD DU BUSINESS

par Philippe Pango, Ph.D

Dans ma vie, j’ai assisté à deux matchs de sport professionnels en Amérique du Nord :

- Un match des Raptors à Toronto (Basket Ball)

- Un match du Canadien de Montréal (Hockey sur glace).

Ces deux expériences m’ont convaincu que le sport de haut niveau n’est pas du tout du sport ; c’est d’abord et avant tout du spectacle, du pur Business.

Aux States comme au Canada, on va assister à un match, pas toujours parce qu’on est un fana de sport, mais souvent parce qu’on sait qu’on y passera un temps mémorable, qu’on soit seul, en famille, ou avec des amis. Cela, les nord-américains l’ont compris depuis belle lurette, tandis que nous, pétrifiés par je ne sais quelle hypnose qui nous a lobotomisé le cerveau, on reste figé dans ce schéma du « match de football », prisonniers d’un rituel fade et lassant : payer son ticket, poser ses fesses sur les gradins, et crier pour supporter son équipe.

Non de non.

Prenez la NBA par exemple. Ouvrez grand vos oreilles, et comprenez bien ce qui fait la grandeur de cette ligue de Basket Ball.

D’abord, sachez que la ligue de basket-ball nord-américaine, la fameuse NBA, est UNE ENTREPRISE PRIVEE, détenue à parts égales PAR LES EQUIPES. Elle a pour objectif premier de faire du fric. Les arbitres et les joueurs sont tous des employés, qui ont même des syndicats pour défendre leurs intérêts. Ils signent tous des conventions collectives avec la NBA, leur employeur. Les USA étant le pays par excellence de la libre entreprise, n’importe qui peut décider de créer sa propre ligue s’il le veut, avec les équipes qu’il veut. En tant qu’entreprise privée, la NBA emploie le DG de son choix, l’équivalent de ce que nous appelons « Président de la FIF », et peut le virer à tout moment, s’il n’atteint pas les objectifs fixés par ses patrons.

Et nous dans tout ça ? Avons-nous un jour pensé à challenger le business model même de nos fédérations dirigées par des quasi-fonctionnaires, subventionnées indéfiniment par l’argent du contribuable ? Et pourquoi pas ?

Pour ce qui est des matchs, un match de NBA est un vrai spectacle pour les yeux et les oreilles. Les américains se permettent d’innover, CHAQUE ANNEE, dans le contenu de leur championnat. Je cite pêle-mêle :

- A mi-chemin de la saison, on organise un ALL STAR GAME, qui réunit les meilleurs joueurs dans un match d’exhibition. Qu’est-ce qui empêche les fédérations africaines de faire pareil ? Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- La sélection des joueurs entrant dans la ligue, le fameux draft, est un événement hyper-médiatisé. Tout ça fait partie du « spectacle » orchestré par la NBA. Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- Le concours du meilleur dunk. Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- Le concours du meilleur lancer à trois points, qui cette année a opposé Steph Curry à la meilleure lanceuse à trois points du championnat féminin. Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- La division du championnat en deux sous-ligues, Ouest et Est, qui permet de sacrer les champions Est et Ouest. Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- Les playoffs, qui se terminent par une finale à 7 matchs. Ça fait rentrer des revenus publicitaires.

- Les animations d’artistes à chaque pause, avec jeux de lumières.

- Même pendant le match, le DJ ne s’arrête quasiment jamais. La moindre pause est une occasion pour servir des jingles et de la musique aux spectateurs, et les inviter à bouger. Il y a même un « commentateur » qui crie le nom des joueurs chaque fois qu’une action se passe. Tout est fait pour que le match du jour soit un véritable spectacle.

- La « Love cam », que Jonathan Morrison a répliqué lors de son cam tchin tchin.

- La course pour les titres de « meilleur nouveau joueur de l’année » (Rookie of the year), Meilleur défenseur de l’année (DPOY), meilleur joueur de l’année (MVP) … Tout cela constitue des compétitions dans la saison, suivies par les fans et les médias. Ça fait entrer des revenus publicitaires.

- Les multiples concours organisés durant les match, ex. si tu marques un panier depuis le centre du terrain, tu gagnes une voiture.

Pourquoi pensez-vous que le Football américain soit devenu si lucratif ? Parce qu’ils ont su en faire un spectacle haut en couleurs. En cette année 2024, la finale de ce championnat, le fameux superbowl, a été suivie par 202 millions de téléspectateurs, beaucoup moins que la Coupe d’Afrique des Nations. Par contre, les 30 secondes de publicité télé durant le Superbowl ont couté 7 Millions de dollars US, soit 4,4 MILLIARDS de francs CFA payés par des grandes entreprises … pour seulement 30 secondes de pub. La ligue de Football américaine a réussi à faire de son tournoi (et de sa finale) un événement incontournable dans l’esprit de tout américain.

Pour ce faire, la mi-temps du SuperBowl est toujours meublée par un spectacle avec des artistes de renom, le fameux Half time du Superbowl. Michael Jackson en a fait un de mémorable en 1993. La vidéo est disponible sur YouTube. En 2022, c’était la crème de la crème du Hiphop : Dr Dre, Snoop Dogg, Eminem et Mary J Blidge (ma chanteuse noire préférée). C’est à cause de ce côté spectacle que, même ceux qui n’y comprennent rien au football américain se rendent quand même au stade. Même les femmes, qui en général ne sont pas trop portées sur le sport, accompagnent leurs époux et copains au terrain, à cause du spectacle garanti.

Une partie de ma vie, j’ai habité pas loin de Buffalo dans l’Etat de New-York, et croyez-moi, quand le Superbowl se tient à Buffalo, les environs mêmes du stade sont transformés en terrain de camping géant, pour accueillir tous ceux qui viennent de très loin pour y assister. Il y a une atmosphère carnavalesque qui ne se décrit pas.

Vous trouverez difficilement l’équivalent de tout cela dans les championnats africains, parce que nos dirigeants de fédérations manquent cruellement d’idées. Nous continuons de croire qu’il ne s’agit que de football ou de sport, et de cette posture, découle le piètre spectacle qu’on nous offre. Chez nous, personne ne pense même à offrir un petit spectacle de feux d’artifices au terrain à la fin de chaque match de foot, vous vous en rendez compte ? Et pourtant, pour moins de 10,000 francs CFA, on peut s’approvisionner en feu d’artifices à Adjamé, et rehausser le côté spectacle d’un match de foot. Ce que l’ivoirien moyen fait dans son quartier quand il est content après une victoire, la fédération n’y pense même pas. Conséquence : c’est cent fois plus doux de regarder le match à la télé qu’aller au stade.

Non, il ne s’agit plus de sport. Il s’agit de business. Le jour où l’on comprendra que les ligues sportives sont des ENTREPRISES qui doivent faire du chiffre d’affaires et des profits, nous arrêterons de nommer à leur tête des personnes issues du monde du sport pour les diriger. C’est ça que le « petit » Jonathan Morrison est venu montrer aux fédés de maracana, ce qui les a fait trembler. Le cam tchin-tchin, ce n’est qu’un échantillon de ce qui est faisable.

En Amérique du Nord, la saison est un PRODUIT qui se vend. Tout a un prix. Même le nom des stades est à vendre. Tu veux qu’un stade porte le nom de ton entreprise, y a son prix. Tu veux que le spectacle de la mi-temps porte le nom de ton entreprise, y a son prix aussi. Cette année, le show de la mi-temps du Superbowl s’appelait « Le Apple Music Superbowl Halftime Show », avec le chanteur Usher. Check it on YouTube. Ils ont un sens élevé du mot business.

En ce 21è siècle, les ligues sportives gagneraient à être confiées à des chefs d’entreprises, des Master en Business Administration, des hommes d'affaires aguerris, avec contrat de travail et objectifs clairement fixés, des managers qui seront donc sujets à être remerciés si les objectifs ne sont pas atteints. Pour ce qui est du volet sport de la fédération, un simple « Directeur des Affaires Sportives » pourrait s’en charger en interne, pendant que le DG lui, se chargerait de faire mousser le Business. Telle est selon moi la structure de management idéale d’une fédération sportive.

Si on est du genre innovant, manager dans l’âme, avec un sens élevé du spectacle, on peut certainement très bien gérer une ligue sportive, sans connaître quoi que ce soit au sport. Il faut juste avoir des idées, et le style managérial adapté au monde du spectacle. L'idée d'une fédération dirigée exclusivement par les acteurs sportifs concernés a peu de chances de faire des miracles. C’est mon avis, et si ça vous tente de me faire appel pour revoir en profondeur les orientations de votre fédération, quelle que soit la discipline, n’hésitez pas à me contacter.

Pour information, mon père, feu Paul Antoine Pango, a été dirigeant de club. Il est un des fondateurs du Red Star, équipe qui avait une division Football (2ème division), mais qui a surtout excellé dans les sports mineurs, tels le HandBall. Dans les années 70, alors que mon père était Directeur de l’école des infirmiers, l’actuelle INFAS située en arrière du CHU de Treichville, c’est sur le terrain de cette grande école que l’équipe de football du Red Star s’entrainait, juste en face de la maison du Directeur.

En tant que Vice-Président de la FIF à l’époque, il a supervisé des centaines de matchs du championnat ivoirien, chaque week-end, dans toutes les villes de l’intérieur. J’ai été ramasseur de balles. J’ai vu mon père se vider les poches pour maintenir à flot cette équipe. Je l’ai vu suer pour ce sport, et je suis désolé de constater que 50 ans plus tard, le football ivoirien est toujours une affaire de mécénat. Cela ne devrait pas être le cas. En ce 21è siècle, le foot devrait générer assez d’argent de par lui-même, sans tendre la main à l’Etat.

Philippe A. Pango, Ph.D

Que ceci inspire qui voudra.