Vous êtes ici

Back to top

Liban : la crise sans fin pousse des jeunes dans les bras de Daech

Crise - Pauvreté - Daech
Mercredi, 9 février 2022

Liban : la crise sans fin pousse des jeunes dans les bras de Daech

Des dizaines de jeunes habitants des quartiers défavorisés de Tripoli, la plus pauvre des villes libanaises, se sont enrôlés dans les rangs de l’EI en Irak pour fuir la misère et la marginalisation, raconte Daraj.

Une vue générale de deux quartiers pauvres de Tripoli, au Liban-Nord, le 17 janvier 2022. Photo / JOSEPH EID / AFP

Fin janvier dernier, un bombardement de l’armée irakienne sur des positions du groupe État islamique a tué plusieurs djihadistes. L’événement a eu un écho particulier au Liban, plus particulièrement à Tripoli, explique le site DarajEn effet, au moins quatre des victimes du raid étaient originaires de la grande ville à majorité sunnite du nord du pays du Cèdre.

“Ces dernières années, le départ de jeunes de Tripoli et du [Liban-] Nord pour rejoindre les groupes extrémistes en Syrie et en Irak est devenu un phénomène récurrent”, écrit le site.

L’agglomération de Tripoli, “la plus pauvre des régions du Liban”, est particulièrement éprouvée par l’effondrement économique et financier dans lequel se débat le pays depuis plus de deux ans sans aucune issue à l’horizon.

Aujourd’hui, plus de 75 % de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté. À Tripoli, la misère gagne du terrain. Le désespoir aussi, au point de transformer certains quartiers en terreau de radicalisation, explique le journal.

Pauvreté et marginalisation

Omar, 29 ans, est l’un de ceux qui ont péri en Irak. Daraj est allé à la rencontre de sa mère dans un quartier où l’absence de l’État a engendré “négligence” et création de “bidonvilles”.

Le parcours de radicalisation [d’Omar] ressemble à celui de beaucoup d’autres jeunes de Tripoli et du Liban-Nord où se croisent pauvreté, marginalisation et exploitation politique et sécuritaire.”

Après avoir été arrêté pour des attaques contre l’armée, Omar a passé cinq ans en prison – où il aurait subi des actes de torture, selon sa mère – pour terrorisme avant de sortir, en 2019. Depuis, privé de ses droits civiques, il était au chômage, enchaînant des petits boulots de livreur. Omar a disparu le jour de la Saint-Sylvestre, avant de recontacter sa famille depuis l’Irak, qu’il a sans doute réussi à atteindre en passant par la Syrie. Ce fut leur dernier contact.

Résidant dans un quartier voisin, tout aussi défavorisé, Ibrahim avait disparu soudainement, avant de réapparaître en Irak. Dans un appel téléphonique, il a expliqué à sa mère avoir fui le Liban parce que, selon ses dires, il était sur le point d’être arrêté, relate Daraj.

Des salaires alléchants

Un dignitaire religieux de Tripoli, qui connaît bien ce dossier, explique que plusieurs dizaines de jeunes hommes, âgés de 15 à 25 ans, ont “progressivement disparu” de la ville.

L’EI proposerait quelques milliers de dollars comme salaire, alors qu’au Liban le salaire minimum se situe à moins de 40 dollars depuis la dégringolade de la monnaie nationale, qui a perdu plus de 90 % de sa valeur face au dollar.

D’après le dignitaire, “ces jeunes hommes se radicalisent en ligne, sont recrutés grâce aux réseaux sociaux et communiquent via des jeux connus sur Internet, comme PUBG.

La crise économique, la pauvreté et le chômage, dont souffrent de nombreux jeunes de Tripoli, sont les principaux facteurs qui poussent certains d’entre eux à intégrer les groupes extrémistes, ainsi que les agissements sécuritaires récurrents [arrestations par l’armée] et l’emprisonnement injuste de centaines de personnes sans jugement [accusés de terrorisme et qui croupissent dans des prisons au Liban sans être jugés depuis des années].”