APRNEWS : Monsieur le Président, écouter ou ignorer ? Les enjeux des relations Franco-Africaines
Pour Emmanuel Macron, l’Afrique a « oublié de dire merci » à la France, ces dirigeants lui répondent
Monsieur le Président Emmanuel Macron ,
Votre intervention du 6 janvier 2024
sur les relations entre la France et l’Afrique appelle une réponse claire et sincère, car elle touche à des questions fondamentales pour l’avenir de nos relations. Vous avez présenté une vision ambitieuse et assumée de la politique française en Afrique, cependant certains propos nécessitent une clarification et une mise en perspective, car ils semblent ignorer ou minimiser des réalités africaines fondamentales.
Monsieur le Président, les critiques qui s’élèvent de la part des peuples africains ne peuvent être réduites à de simples manipulations orchestrées par des puissances extérieures ou des “faux intellectuels” comme vous le suggérez. Ces critiques traduisent une réalité profonde, celle d’une aspiration légitime à la souveraineté, à l’autodétermination et à la justice sociale. En insistant sur une rhétorique d’ingérences extérieures, vous minimisez non seulement les frustrations réelles des populations africaines, mais vous risquez également de renforcer un sentiment de mépris ou d’arrogance perçu dans les relations franco-africaines.
L’Afrique garde une mémoire vive de l’histoire coloniale, non pas par un désir de victimisation, mais parce que les dynamiques actuelles des relations économiques et politiques continuent de rappeler des schémas d’exploitation. La présence militaire française, souvent perçue comme intrusive, les déséquilibres commerciaux persistants, et la domination de certains secteurs économiques par des entreprises françaises nourrissent ces ressentiments. Ces critiques ne sont pas le fruit de manipulations, mais de réalités palpables vécues au quotidien par des millions d’Africains.
Monsieur le Président, les réseaux sociaux, que vous désignez comme le terrain de “faux intellectuels” ou de propagande manipulatrice, sont avant tout un espace où les citoyens africains peuvent exprimer leurs frustrations, souvent pour la première fois sans intermédiaires. Ces plateformes reflètent un désir d’être entendus dans un monde globalisé où les canaux de dialogue traditionnels sont perçus comme biaisés. Plutôt que de les considérer comme une menace, il serait plus productif de voir dans ces critiques une opportunité, celle de réexaminer les fondements des relations franco-africaines.
Le panafricanisme contemporain que vous critiquez n’est pas un simple rejet de la France, mais une revendication de souveraineté et d’émancipation face à toutes les formes de domination, qu’elles soient historiques ou actuelles. Ces mouvements expriment une volonté de construire une Afrique qui décide elle-même de ses partenariats, de ses priorités et de son avenir. Les citoyens africains ne rejettent pas la coopération ; ils rejettent une coopération perçue comme déséquilibrée, paternaliste, et trop souvent dictée par des intérêts étrangers.
Monsieur le Président, la France gagnerait à aborder ces critiques avec humilité. Plutôt que de les qualifier de “désinformation” ou de stratégies de puissances adverses, il serait plus constructif de les considérer comme une opportunité pour réinventer les relations entre la France et l’Afrique. Écouter les aspirations des populations africaines, c’est reconnaître leur droit à un avenir défini par elles-mêmes, et non à travers le prisme des intérêts étrangers.
Monsieur le Président, l’Afrique n’est plus le continent d’hier, et ses peuples souhaitent s’affirmer dans un monde multipolaire. Si la France veut rester un partenaire de choix, elle devra non seulement reconnaître cette évolution, mais aussi l’accompagner. Cela implique de ne pas voir dans chaque critique une attaque injustifiée, mais de comprendre qu’elles expriment une volonté d’égalité et de respect. C’est dans cet esprit que la France pourrait redéfinir son rôle, non plus comme une puissance tutélaire, mais comme une alliée sincère dans la construction d’un avenir partagé.
Monsieur le Président , il ne s’agit pas pour la France de se défendre contre des critiques, mais d’y répondre avec des actes concrets, alignés sur les attentes des populations africaines, pour construire un partenariat qui repose sur la confiance, le respect mutuel et l’ambition commune.
Hamed Koffi Zarour,
Citoyen Africain