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APRNEWS - “La Pyramide d’Abidjan” devient centre afrofuturiste ? - L’architecte Thierry Gedeon.

APRNEWS- “La Pyramide d’Abidjan” devient centre afrofuturiste ? - L’architecte Thierry Gedeon. -ENSA Paris-Malaquais - Jacques Gabriel Ehouo -
Mardi, 19 septembre 2023

APRNEWS - “La Pyramide d’Abidjan” devient centre afrofuturiste ? - L’architecte Thierry Gedeon.

APRNEWS- Aujourd’hui diplômé après un parcours atypique, Thierry Gedeon est ce qu’on appelle un architecte-voyageur. Il grandit d’abord à Abidjan (où il passe la majorité de son enfance), avant de se rendre au Liban, où il obtient sa licence en Architecture. Après un voyage au Japon, où il y puise son inspiration, c’est à Paris, au sein de l’ENSA Paris-Malaquais, où il décide de poursuivre sa formation.

APRNEWS - Pour commencer, d’où viennent vos intérêts profonds pour cette ville, et plus particulièrement pour « La Pyramide d’Abidjan » ou tel que tu l’appelles, « La Dame du Plateau » ?

Ce qu’il faut savoir déjà, c’est que j’ai grandi à proximité directe de « La Pyramide », dans le très particulier quartier du Plateau, où j’ai passé les premières années de ma vie à observer cet édifice de ma fenêtre. J’en garde un souvenir très marqué vu que je me souviens même l’avoir surnommé, avec mon frère, la « maison de Batman », étant plus jeune, en référence également aux milliers de chauves-souris qui peuplent la presqu’île… et qui renforcent le mystère autour de « La Dame du Plateau » … d’ailleurs qui sait ? Le jury l’a dit, c’est peut-être grâce à ce souvenir-là que j’ai voulu devenir architecte. Pour revenir à votre question, ce projet part donc tout simplement d’une fascination assumée pour ce qui deviendra « La Dame des Nuages », pour par la suite être un moyen de mettre la lumière sur l’importance de l’héritage culturel architectural africain.

Comment définirais-tu justement « La Dame des Nuages » ?

« La Dame des Nuages », c’est une tentative de donner un second souffle à un bâtiment devenu ruine contemporaine… car, repenser cet édifice remarquable à l’échelle continentale a la capacité évidente à réévaluer le rapport de force entre ville et culture dans une métropole comme Abidjan, où sa population n’ayant que très peu accès à des lieux dédiés à la culture ivoirienne et africaine, est complètement déconnecter de son héritage endémique, comme en témoignent nombreux artistes et sociologues locaux. Le risque de démolition qui plane sur « La Pyramide » me pousse, en tant que jeune architecte engagé, à proposer un projet qui transforme ce bâtiment en centre afrofuturiste. « La Pyramide d’Abidjan » devient donc le porte-drapeau d’une tentative de renouer le dialogue entre ville, culture et nature au Plateau. Le poids de ce programme polémique et politique est, selon moi, en adéquation avec la force et la dimension métaphysique que dégage « La Dame ».

Comment définissez-vous le centre afrofuturiste ?

Tout comme le mouvement afrofuturiste, j’imagine le centre afrofuturiste pouvant être défini de plusieurs manières, mais ayant à chaque fois un seul et même objectif : celui de reconnecter les Africains urbains à leur héritage. Dans le cas de mon projet de diplôme, la « La Dame des Nuages », le centre afrofuturiste qui s’implante dans « La Pyramide » aura pour objectif de révéler la nature du Plateau et sa géographie, mais aussi et surtout de faire pénétrer les visiteurs dans un imaginaire afro-centré, où être ensemble est indissociable d’être avec la nature. Une programmation transdisciplinaire mêlant espaces dédiés à la culture africaine et d’autres accueillant chercheurs et cherchants venus étudiés la nature dans la ville.

En quoi consiste donc concrètement votre intervention ?

Plus précisément, « La Dame des Nuages » accueillera au sein de son vide central existant, une programmation ouverte au public, où seront repartis espaces d’exposition et d’appropriation. Les espaces d’appropriation sont des lieux qui pourront accueillir tout type d’activité en lien avec la microéconomie ivoirienne, aujourd’hui rejetée en dehors du Plateau. « La Pyramide » tentera donc de réinterpréter la notion de marché couvert et de déambulation au sein de ses limites… des limites qui d’ailleurs n’existeront pas, étant donné que l’intervention conserve l’état actuel de l’édifice, entièrement à l’air libre et ventilé naturellement par l’effet cheminée et de transversalité. En d’autres termes, mon projet accepte les risques liés au climat africain, sans les aggraver. Il conserve et renforce ainsi le caractère « sauvage » du bâtiment, initié suite à l’abandon de ce dernier et la colonisation par la nature de la structure existante. Cette intervention cherche donc à se défaire de l’idée selon laquelle un bâtiment doit avoir une frontière matérielle avec l’extérieur.

Quels changements opérez-vous sur « La Pyramide » ?

Et en quoi la présence du député-maire du Plateau, MR. Jacques Gabriel Ehouo, lors de votre soutenance, est-elle importante à vos yeux ?

Pour répondre à votre question, il faut tout d’abord que je vous explique pourquoi « La Pyramide » est aujourd’hui laissée à l’abandon… c’est très simple : l’inégale répartition entre espaces servis & servants, notamment aux étages supérieurs, a mené à un manque de rentabilité du bâtiment. Ce constat architectural, ainsi que l’implantation d’un nouveau programme, m’ont poussé à repenser la mise en scène du bâtiment et donc l’expérience à travers laquelle on découvre son architecture.

De nouvelles circulations sont de ce fait érigées à l’extérieur du bâtiment originel, créant un parcours vertical reliant le piéton au bâtiment, et à un nouvel observatoire qui vient survoler puis se percher sur « La Dame du Plateau ».

Sous forme de pyramide inversée, ce toit s’inspire de la case à impluvium africaine, et permet ainsi de récupérer les eaux pluviales, renforçant ainsi le lien entre la « Dame » et les nuages qui remplissent le ciel du Plateau. Cette nouvelle structure en acier et bois local de badi vient s’agripper à la structure en béton existante et reprend l’expression architecturale de la robe que porte l’actuelle « Dame du Plateau », conservant ainsi la dualité dessinée et voulue par Rinaldo Olivieri entre les masses de béton et les brise-soleils.

L’édifice et son extension dépendent l’une de l’autre pour exister, ils forment une seule et même entité structurelle et fonctionnelle étant donné que les nouvelles circulations s’appuient sur le bâtiment originel pour se maintenir, et que ce dernier dépend d’elles pour fonctionner.

Enfin, la présence du député-maire est selon moi une preuve de l’engagement de la mairie à refaire du Plateau un lieu d’attractivité et donc d’africanité… la mairie est l’un des plus importants acteurs d’une ville, son rôle est donc primordial pour que des projets comme celui de la réhabilitation d’un monument comme « La Pyramide d’Abidjan » voit le jour.

ITW APRNEWS  par FD Delafosse