APRNEWS- De la Boucle du Cacao, vous tirez tous les deux vos origines rurales bien trempées, l’un à DAOUKRO, DIMBOKRO ; l’autre à M’BAHIAKRO.

Tous deux avez conjugué, cultivé, en dehors de la Côte d’Ivoire, à POITIERS, dans sa célèbre Faculté de Droit, celle de DESCARTES, l’érudition. L’aîné invitant son cadet à intégrer le cercle des intellectuels africains de la FEDERATION Estudiantine de l’Afrique Noire Francophone (F.E.A.N.F). Comme pour couronner votre parcours et dire non à l’adversité, vous avez tous deux été candidats aux élections présidentielles de 1995, repoussant ainsi de quelques années  le « cataclysme » du coup d’Etat dit salvateur du 25 décembre 1999, un autre signe du destin.

Enfin, vous voilà tous les deux, respectivement à 88 ans et 89 ans, empruntant la barque de l’Archange Michel, pour un voyage sans retour, vers la Divinité…Deux figures de proue de la vie politique, sociale et intellectuelle de notre pays, la Côte d’IVOIRE… Mais l’histoire du questionnement divin et de l’interrogation de symboles, peut-elle s’arrêter là, sans rappeler Felix Houphouët BOIGNY ? Alors, ensemble lisons dans la « Tasse de café »…

Concordance des temps et des situations :

7 décembre 1993, Félix Houphouët BOIGNY fermait définitivement la page de la Côte d’Ivoire, comme si, F.H.B. voulait marquer par cette date, le jour de son décès. Le 1^er août 2023, à 7 jours de la fête de l’indépendance du 7 août, date à laquelle on était revenu, HKB tirait également sa révérence, pour nous inviter à un deuil national, avec la suspension des activités festives ; tous les deux approximativement à 88 ans et 89 ans, en qualité de Chef de l’Etat et d’ancien Chef de l’Etat, mais Président du PDCI-RDA : le parti des « HOUPHOUETSIENS »…

C’est l’Abbé Alphonse Quenum qui nous dit dans son livre « La mystique du semeur » que, « d’une manière générale, le SEMEUR veut que son action soit remplie d’effets positifs. Tirer profit de son travail ou permettre à d’autres de jouir de ce qu’il a semé, font partie de ses espoirs, il rêve ainsi pour lui et pour les siens d’un [ailleurs] fécond et prometteur ».

Henri Aimé Konan BEDIE a-t-il été un semeur ? L’histoire le jugera ou le dira… Mais, je voudrais pour ma part, retenir l’homme de conviction épris fondamentalement de PAIX et qui a contribué, notablement, à construire son pays dans un élan de solidarité nationale, pas toujours favorablement compris et interprété.

Reconnaissons cependant avec toutes ces concordances de vie, qu’avec Dieu, il n’y a pas de hasard mais, des esprits qui se conjuguent en temps voulu, dans un espace donné, pour jouer les rôles qui leurs sont donnés…

« Les grandes douleurs sont muettes… », nous martelait, HKB, le soir de l’annonce du décès de HFB et pendant toute la période des condoléances et des obsèques…

Je n’ai pas l’ambition de retracer l’histoire et la trajectoire de ce grand HOMME, un Monsieur, mais j’essaierai de regarder et traduire celui qu’il m’a été donné de voir, de côtoyer, pour avoir été d’une certaine manière, un collaborateur indirect…

J’ai approché et côtoyé le Président de l’Assemblée Nationale de l’époque en 1993, lors de la préparation d’une série de conférences de la JPDCI, où il m’a été demandé de dire une conférence à DAOUKRO, sur la « stabilité du régime politique en RCI ».

A partir de ce moment, j’ai été adopté par lui. Aussi, a-t-il été le premier informé de l’offre de collaboration du Ministre de l’Intérieur de l’époque : Emile Constant BOMBET (ECB), sur des projets politiques et institutionnels d’envergure…

Depuis ce moment, il m’a adopté et m’accueillait agréablement lorsque, de part et d’autres, le besoin se faisait sentir…il appréciait le parler-vrai et avait une claire vision, des enjeux globaux dans les relations internationales actuelles et des défis à relever au plan national.

De lui, je voudrais me souvenir, des propos du Ministre Jean Konan BANNY, le concernant : « le jour où HKB est arrivé à Paris, venant de Poitiers, pris par la main par M. AHOUSSOU Koffi et que le Président FHB, nous a invité, Camille ALLIALI et moi qui étions les familiers de la maison, à déjeuner à table avec lui, alors qu’on avait pas eu cette habitude, je savais pour lui, que beaucoup de chose allaient changer favorablement…et que ce jeune homme aurait un avenir certain… ».

Oui ! HKB a eu effectivement un avenir florissant…Très jeune, nommé comme ambassadeur aux USA, il a eu le privilège d’organiser l’impérissable visite d’Etat de FHB dans ce pays. Ensuite, comme Ministre de l’Economie et des Finances. Il est reconnu comme l’acteur principal du « Miracle ivoirien ».

En tant que Président de la République, dans une Côte d’Ivoire devenue chaotique à la mort du Père de la Nation et en pleine mutations sociale, politique et religieuse, avec toutes ses fêlures ; il demeure le Père et le doctrinaire de la « Démocratie Apaisée » ; quoiqu’on lui ait attribué l’idéologie de « l’ivoirité », concept incompris, auquel on a donné un contenu politisé et instrumenté, avec pour réponse actuelle, « le rattrapage » ; après que la trajectoire de notre pays soit passée par le coup d’Etat de décembre 1999, suivi d’une rébellion « militaro-civile », avec pour aboutissement la crise post-électorale de 2011 dans l’union au sein du  RHDP des frères opposés d’hier…

Ce parcours, à nul autre pareil, m’a permis de jauger et apprécier le combattant, à l’esprit vif et aguerri, l’HOMME, le MONSIEUR, le GRAND HOMME D’ETAT, qui tout en gérant les intérêts de son PARTI, le PDCI-RDA, fait, sans émotions et avec calculs, les choix du moment qui lui apparaissent les meilleurs pour lui et son parti, dans les alliances et/ou des désalliances ou autres mésalliances convenues…la politique, restant la saine appréciation des situations et des moments, pour décider, participe du pragmatisme qui a toujours caractérisé la doctrine politique du PDCI-RDA.

Cependant, retenons qu’une telle trajectoire ne vous fait pas que des ami(e)s. Ainsi, dans le calme et parfois même dans l’abnégation nécessaire, avec souvent un brin d’humour, il a accepté, les quolibets, les insultes, les injures, les parjures, les reniements, les trahisons et les agressions dans l’humiliation…

HKB mérite donc son surnom de  « SPHINX », car ayant toujours en lui, su, cultiver le calme, le silence, la patience avec « l’art du pourrissement », l’écoute et la sérénité…Peu bavard, il parle BIEN et VRAI, sans faux-fuyant ; surtout, il sait donner, dans la mesure, aux circonstances la valeur qui sied…

NON, HKB, pour nous, les grandes douleurs ne sont pas muettes et nous te pleurons de toutes les larmes de notre corps comme les Grecs à Sparte ; afin que, ZEUS, inondé et ému par nos larmes, te dresse pour t’accueillir, un lit douillet couvert des plus belles fleurs et parfumé d’agréables senteurs.

A trop te contempler, j’ai peu et mal appris de toi ; mais j’ai beaucoup retenu…

Comme admirateur, mon émotion t’a reproché beaucoup de choses ou des choses certaines…Toutefois, MONSIEUR le PRESIDENT, je demeure très admiratif de ton art, dans ta dynamique politique ; mais, peu sachant à bien d’égards, parce que mauvais imitateur de ta jeunesse d’esprit dans une grande vivacité intellectuelle, qui a demeuré en dualité avec l’homme de culture.

De ta vision politique, je voudrais retenir un extrait d’un de tes discours : « la Côte d’Ivoire est une mosaïque de cultures, d’intérêts et d’ambitions, liée par une volonté commune de vivre ensemble. Notre nation se consolide chaque année. Au centre de nous nos projets se trouve la question de la cohésion sociale et de la jouissance d’une citoyenneté pleine et entière pour tous ».

Concordance de temps, correspondance de parcours, coïncidences de vies et d’actions politiques et sociales : de FHB à HKB, en ouvrant la parenthèse sur Francis WODIE, une idée de l’opposition intellectuelle de notre pays…une époque qui voit s’éteindre définitivement des porteurs de flambeau…

Pour HKB, je retiendrai de Paulo COELHO, dans ALEPH : « qu’il n’est ni facile, ni important de remuer le passé et rouvrir, les anciennes cicatrices. La seule justification en est de savoir que cette connaissance, nous aidera à mieux comprendre le passé, pour envisager sereinement l’avenir… ».

Oui HKB, en ce moment où je relis, à travers toi, mon parcours et ma vie ; je comprends que la mémoire est un fleuve qui coule toujours à l’envers, parce que les circonstances du moment nous ramènent dans bien de cas, au passé…

Je retiens, clairement, de MONSIEUR le PRESIDENT HENRI KONAN BEDIE ; qu’aussi difficile soit l’objectif qu’on s’assigne, il existe toujours un moyen de surmonter les obstacles, en vérifiant et évaluant les chemins alternatifs et, en s’efforçant de remplir son cœur de la persévérance nécessaire, pour relever les défis dans le sens de l’éthique et de la morale…

A ce niveau, en digne humaniste, tu es resté, afin que le sang ne coule jamais dans notre pays, dans la quête permanente de la paix, dans la droite ligne de FHB … mille fois hélas, le sort a en décidé autrement, contre ton gré…Ton parcours politique en porte, avec ses stigmates, une illustration probante.

C’est le lieu de dire, PRESIDENT, que les astres, comme toi, sont des âmes hautement évoluées. En écoutant leur voix, nous trouverons ensemble la solution à de nombreux problèmes. Solutions sur lesquelles, tu avais déjà anticipé afin que nous nous sentions apaisés et éclairés, dans la recherche du bonheur pour chacun et le progrès pour tous…

MERCI HKB, de nous faire comprendre en nous disant que : « tu n’as pas d’amis… », qu’un leader sage choisit ses amis, au milieu de l’adversité, dans laquelle, bien souvent, tu as été seul ou isolé…

Monsieur le Président, en laissant le tutoiement qui me permettait de me sentir proche de toi et d’être dans ton attention ; je reviens au vouvoiement de convenance ; pour vous traduire, MONSIEUR LE PRESIDENT, MES RESPECTS…

Merci pour la grande CAUSE de Développement National, illustrée par l’édification de « L’ELEPHANT D’AFRIQUE ».

Merci, pour la vision qui laissera des traces, par les pierres blanches posées. Allez et reposez en paix dans une terre de Côte d’Ivoire que vous avez tant aimée…AIME HENRI KONAN BEDIE…

Juste vous rappeler, une dernière fois, monsieur le Président, qu’à Athènes ; nul n’est digne, après CODROS, de porter et tenir sceptre, ont juré les Athéniens sur le tombeau du roi héroïque. Depuis ce temps, la royauté est abolie, mais en EBURNIE et au PDCI-RDA, il est nécessaire et obligatoire, que la couronne de lauriers avec votre bénédiction, se pose sur la tête d’un digne et méritant houpouëtsien, qui en a l’INITIATION… Comme le souligne AMADOU HAMPATE BA : « les initiés entreprennent un voyage dans un monde [souterain], c’est-à-dire le monde des significations cachées derrière l’apparence des choses, le monde des symboles, où tout est signifiant, où tout parle pour qui sait entendre… » .

Merci Président pour le temps « perdu » avec moi  et surtout le bout de chemin effectué avec vous…Merci pour la Côte d’Ivoire et pour son Peuple dans toutes ses diversités…

A DIEU ET NON ADIEU HKB, POUR UN AU-REVOIR SANS LENDEMAIN…

Yves N’GORAN THECKLY