APRNEWS: Trafigura devant la justice – Un procès inédit pour corruption en Angola

APRNEWS: Trafigura devant la justice – Un procès inédit pour corruption en Angola

Trafigura, ancien leader de l’approvisionnement en pétrole en Angola, est marginalisée depuis les réformes anticorruptions de João Lourenço en 2017. Aujourd’hui, elle est jugée en Suisse pour corruption, accusée d’avoir versé des pots-de-vin entre 2009 et 2011 pour obtenir des contrats lucratifs.

Le lundi 2 décembre 2024, Trafigura et trois autres prévenus, dont un ancien membre de son conseil d’administration, ont comparu devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone en Suisse. Ils sont accusés d’avoir versé des pots-de-vin à un haut responsable angolais pour obtenir des contrats pétroliers lucratifs entre 2009 et 2011.

Avec ce procès, c’est la première fois que la justice suisse se penche sur la responsabilité pénale d’une multinationale dans un cas de corruption internationale. Selon l’acte d’accusation de 150 pages, Trafigura aurait facilité le transfert de 4,3 millions d’euros (4,5 millions $) et 604 000 dollars en espèces à Paulo Gouveia Junior, ancien responsable de la compagnie pétrolière publique angolaise Sonangol.

Ces fonds auraient transité par un compte bancaire suisse ouvert en 2009 lors d’un séjour à Genève, où l’entreprise aurait couvert les frais d’hébergement de l’officiel au Four Seasons Hotel. Mike Wainwright, alors directeur des opérations et membre du comité de conformité de Trafigura, est accusé d’avoir supervisé les transactions.

Son nom apparaît sur des documents relatifs à l’ouverture de ce compte, tandis que le fondateur de Trafigura, Claude Dauphin, décédé en 2015, aurait invité l’officiel Angolais dans sa résidence genevoise. Le bénéfice généré par ces contrats s’élèverait à 143,7 millions de dollars selon le parquet suisse.

Trafigura rejette ces accusations, arguant que ses politiques de conformité respectaient les normes internationales à l’époque. L’entreprise qui souhaitait initialement régler cette affaire à l’amiable, se défend désormais devant les tribunaux, tout comme Mike Wainwright qui clame son innocence. Celui-ci risque jusqu’à cinq ans de prison, tandis que Trafigura pourrait se voir infliger une amende de 5 millions de francs suisses, voire une condamnation au civile plus lourde, selon la décision de la cour.

Ce procès s’inscrit dans un contexte de bouleversements pour Trafigura en Angola. Après l’arrivée au pouvoir de João Lourenço en 2017, l’entreprise a perdu plusieurs contrats stratégiques, notamment en 2018, lorsque Sonangol a attribué des marchés d’approvisionnement majeurs à TotalEnergies. Des contrats qui étaient autrefois régulièrement enregistrés dans l’escarcelle de Trafigura.

Le pouvoir a alors expliqué qu’il s’engageait dans une démarche « d’assainissement » des deals de fourniture négociés jusque-là. Ces pertes, cumulant des revenus annuels estimés à 3 milliards de dollars, ont marqué un tournant pour la présence de Trafigura en Angola, autrefois un pilier de son activité sur les marchés émergents.

Malgré les revers subis ces dernières années, Trafigura maintient une présence marginale en Angola, bien que son influence ait considérablement diminué. L’entreprise continue de participer à certaines activités liées au négoce de pétrole brut et aux produits pétroliers raffinés, mais avec une capacité réduite, indique l’ONG Public Eye.

Il s’agit notamment de contrats ponctuels et d’opérations ciblées qui permettent à Trafigura de rester active dans le pays, bien que des acteurs comme Vitol et Totsa aient pris une place plus prépondérante depuis 2021. Cette évolution reflète une adaptation stratégique de Trafigura qui cherche à préserver des parts de marché dans un environnement où la transparence et la concurrence semblent devenues des priorités pour les autorités angolaises.

Outre les conséquences financières, ce procès pourrait ternir durablement l’image de Trafigura. Le verdict est attendu d’ici le 20 décembre, mais les débats pourraient se prolonger jusqu’en janvier et faire jurisprudence en matière de responsabilité pénale des entreprises de négoce de matières premières énergétiques.

Olivier de Souza

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