APRNEWS : Qu’a fait le Général Oligui Nguema en un an de pouvoir au Gabon ?

APRNEWS : Qu’a fait le Général Oligui Nguema en un an de pouvoir au Gabon ?

Ce 30 août 2024 marque le premier anniversaire du coup d’Etat perpétré par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema contre le régime d’Ali Bongo Ondimba et le début de la transition militaire dans ce pays d’Afrique centrale.

Dès sa prise de pouvoir après avoir prêté serment en tant que président intérimaire le 4 septembre 2023, le Général Oligui Nguema a promis de rétablir un régime civil par le biais d’« élections libres, transparentes et crédibles » après une transition dont la durée n’avait pas été fixée.

Sous la direction du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), dirigé par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, le pays s’est engagé dans un processus de démocratisation qui doit mener vers une nouvelle ère politique.

Depuis la chute du régime d’Ali Bongo Ondimba le 30 août 2023, le Gabon traverse une période de transition cruciale qui soulève autant d’espoirs que d’interrogations.

Démocratie et réforme des Institutions

Après 5 décennies de règne de la famille Bongo, le président Omar Bongo, qui a passé 41 ans au pouvoir, et son fils Ali Bongo, renversé après 14 ans à la tête du pays, le coup d’État militaire a été accueilli avec un mélange de soulagement et d’appréhension par la population.

Les images montrant une foule en liesse aux abords du palais du bord de mer à Libreville, avaient fait le tour du monde.

L’arrivée au pouvoir du CTRI, mené par le général Brice Oligui Nguema, avait été accueillie avec un certain enthousiasme par les populations. Le renversement du régime d’Ali Bongo a profondément secoué l’échiquier politique gabonais.

Le nouvel homme fort du pays a promis des élections en 2025 et un nettoyage des institutions du pays.

Un dialogue national inclusif supposé préparer le transfert du pouvoir aux civils à la fin de la transition de deux ans a été organisé a été organisé en avril dernier.

Les recommandations issues de ces travaux préconisent l’instauration d’un régime présidentiel dans la future Constitution qui devrait être soumise à référendum d’ici le mois d’octobre.

Parmi les recommandations, figurent également la suppression du poste de Premier ministre, le non-cumul des fonctions de ministre et de député, le maintien du bicaméralisme et la limitation de la durée de la transition à deux ans et la suspension des partis politiques.

Alors que les partisans du général Brice Oligui Nguema qui dirige la transition l’exhortent à se présenter à l’élection présidentielle, certaines voix s’élèvent de plus en plus dans l’opposition et dans l’opinion publique pour exiger le respect des engagements pris par les autorités militaires, de transférer le pouvoir aux civils.

Les opposants au général Brice Nguema le soupçonnent de vouloir manœuvrer pour s’emparer du pouvoir à long terme et « transformer le Gabon en une dictature militaire ».

Dans un face à face avec la presse lundi 26 aout à Libreville, Daniel Mengara, ancien exilé politique sous le régime des Bongo et candidat déclaré à la présidentielle de 2025, a dénoncé les dérives de la transition qui semble s’être détournée de ses objectifs initiaux. L’opposant pointe notamment les « réformes manquées et aspirations autoritaires » du général Oligui Nguema.

« Ce dialogue plutôt que de se concentrer sur la répartition des pouvoirs et la réforme institutionnelle a été détourné pour exclure certains candidats en modifiant les critères d’éligibilité. Au lieu de renforcer la démocratie, ce dialogue pourrait consolider un autoritarisme naissant », a-t-il déclaré à propos du Dialogue national inclusif, qui selon lui aurait pu être une occasion de traiter les défis du Gabon.

« Les prochaines étapes seront cruciales pour déterminer si cette transition aboutira à des réformes durables ou si elle marquera un retour aux pratiques autocratiques du passé.

Le peuple gabonais doit rester vigilant et exiger le respect des principes démocratiques pour éviter une consolidation du pouvoir au détriment des libertés et de la justice sociale », a-t-il ajouté.

Dans des messages relayés régulièrement par la télévision d’État, l’armée gabonaise rappelle à la population que les militaires ont pris le pouvoir par un coup d’État sans effusion de sang pour sauver le pays d’une grave crise politique, économique et institutionnelle.

Défis économiques et sociaux

Ce coup d’État désigné dans le pays sous le terme de « coup de la libération », était perçu comme le début d’une nouvelle ère politique et économique pour les plus de deux millions de Gabonais.

Un an après, le désenchantement semble gagner du terrain parmi les citoyens qui regrettent l’orientation prise par les autorités de la transition.

« Le CTRI a la responsabilité de traduire les espoirs d’un peuple en actes concrets, en menant un processus de transition crédible et transparent. Certains craignent que le changement ne soit qu’un mirage et que le pays ne retombe dans un nouveau cycle de répression et d’instabilité », déclare Nicaise Moulombi, deuxième vice-président du Conseil économique et social et environnemental (CESE) et par ailleurs Président du Réseau des Organisations de la Société Civile pour l’Economie Verte en Afrique Centrale (ROSCEVAC) dans une tribune publiée ce 28 août.

Certains Gabonais allaient jusqu’à évoquer la fin d’une dynastie en comparant le jour du putsch en une journée de libération nationale.

 » C’est le 30 août, ce n’est plus le 17 août, là c’est l’indépendance, on a libéré le pays, nous sommes libres, nous avons le droit d’être libre et de nous exprimer comme on veut. Parce que nous ne savions pas qu’on pouvait être libéré « .

 » A tous ceux qui sont à l’extérieur, rentrez notre pays est libre, vive la liberté du Gabon,  » scandaient à l’époque des centaines de manifestants drapés aux couleurs nationales, le bleu, le jaune et le vert.

Elle semble loin cette période d’euphorie et d’insouciance , la réalité a semble rattraper les esprits et l’heure est aux questionnements.

Au-delà des enjeux politiques, le Gabon fait face à des défis économiques et sociaux de taille. Longtemps dépendant des revenus pétroliers, le pays a été durement touché par la chute des cours du brut, fragilisant ses finances publiques et creusant les inégalités.

« Le CTRI a annoncé vouloir diversifier l’économie, en misant notamment sur l’exploitation durable des ressources forestières et minières. Mais la transition vers un modèle de développement plus inclusif et écologique nécessitera des réformes structurelles ambitieuses ainsi qu’un renforcement de la gouvernance », affirme Nicaise Moulombi.

Sur le plan social, les attentes sont fortes en matière d’amélioration des conditions de vie, d’accès équitable aux services publics et de lutte contre la pauvreté. Un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux euros par jour, selon la Banque Mondiale.

Le Gabon est le quatrième producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne, et possède de nombreuses ressources minières comme de l’or, de l’uranium, du fer. Son territoire est composé à plus de 90% par des forêts.

Selon le rapport du Fonds monétaire international (FMI), le chômage tourne autour de 35 à 40% au sein de la population en âge de travailler alors que le taux d’endettement dépasse le seuil de 70% du PIB fixé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

« La réussite de cette transition dépendra de la capacité du CTRI à répondre aux aspirations légitimes de la population, tout en consolidant la stabilité du pays. », estime Christian Gaillar OBAME Administrateur des Affaires, Conseiller du Directeur Général du Centre international des civilisations bantoues, Ciciba.

« Au-delà des discours, le Comité devra prouver sa capacité à rassembler les forces vives de la nation, à faire preuve d’intégrité et à mettre en œuvre des réformes ambitieuses. C’est à ce prix que le rêve de liberté des Gabonais pourra se transformer en une réalité durable. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais le Gabon a l’occasion de se réinventer en profondeur et de s’ouvrir à un avenir plus juste et prospère. Le succès de cette transition dépendra de la volonté politique du CTRI et de l’engagement de toute la société gabonaise », affirme Christian Gaillar OBAME.

Sur le plan diplomatique, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) a accepté de lever les sanctions contre le Gabon en mars dernier et de le réintégrer dans le bloc régional, six mois après avoir suspendu son adhésion en réponse au coup d’État qui a chassé le président Ali Bongo.

En décembre 2023, l’instance régionale avait réaffirmé les sanctions prises contre le pays à la suite de la prise du pouvoir par les militaires le 30 août 2023. Elle avait par ailleurs suspendu la décision de délocaliser le siège de la CEEAC, de Libreville à Malabo.

Les pourparlers continuent en vue d’une levée des sanctions de l’Union Africaine.

Quel sort pour les Bongo ?

Le chantier est énorme sur tous les plans – institutionnel, social et économique.

Les autorités de transition sont aussi attendues sur un autre dossier, celui de l’ex famille présidentielle.

Le sort des Bongo est en effet devenu plus qu’une urgence à l’heure du premier anniversaire du coup d’état

Le matin du coup d’Etat, Ali Bongo a été placé en résidence surveillée. Depuis, l’ancien président agé de 65 ans qui vit reclus dans sa résidence privée de Libreville a été déclaré « libre de quitter le pays » selon les autorités, « privé de liberté et de contact avec l’extérieur » selon ses avocats.

Son épouse Sylvia 61 ans et son fils Noureddin âgé de 32 ans, sont toujours détenus à la prison centrale de Libreville. Ils sont accusés d’avoir usurpé le pouvoir et pillé le pays. Leurs conditions de détention sont jugées « préoccupantes » par leurs avocats.

Dans une interview à l’AFP, Gisèle Eyue Bekale, avocate gabonaise de la famille, a confié n’avoir pu rencontrer les deux détenus que « trois fois en un an chez le juge d’instruction ».

Pour François Zimeray, avocat français d’Ali, Sylvia et Noureddin Bongo, tous binationaux franco-gabonais, leurs clients « ont été séquestrés en dehors de tout cadre légal, soumis à la torture et aux mauvais traitements, en violation de toutes les règles ».

Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée en mai dernier à Paris pour « arrestation illégale » et « séquestration aggravée par des actes de tortures et de barbarie » par les avocats français après une première plainte classée sans suite en octobre 2023.

Aprnews avec Bbc.com

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