APRNEWS: Gbagbo et ses femmes par Venance Konan

APRNEWS: Gbagbo et ses femmes par Venance Konan

Il n’y a rien à dire ! Le mariage change vraiment les gens. Voici donc madame Nady Bamba, épouse Gbagbo, naguère si effacée, la « petite femme » qui osait à peine se montrer, qui bât maintenant les estrades, harangue les foules, reçoit des militants pour porter la bonne parole de son mari, et la sienne au passage.

Qu’est-ce qui explique cette métamorphose ?
Je crois qu’il faut lorgner du côté de Simone Ehivet, ex-épouse Gbagbo pour comprendre. Comme on le sait, chez Laurent Gbagbo, la vie sentimentale et la vie politique ont toujours été très entremêlées. Sa rencontre et son mariage avec Simone furent sans doute une histoire d’amour. Mais elle fut aussi une histoire de lutte politique. C’était deux combattants politiques qui s’étaient rencontrés. Ils menèrent le combat pour la conquête du pouvoir ensemble, au point que lorsque Laurent Gbagbo fut élu, on eut l’impression que l’on avait élu deux Gbagbo pour le prix d’un seul.
Au lieu de se contenter du rôle protocolaire de « Première dame », Simone Ehivet qui s’appelait encore Gbagbo se fit élire députée, présidente du groupe parlementaire de son parti, et ne cacha pas qu’elle exerçait une grande influence sur tous les ministres de son époux et les décisions prises à la tête de l’Etat. Ne raconta-t-on pas que ce fut elle qui s’opposa le plus violemment aux accords de Linas-Marcoussis, qu’elle alla jusqu’à gifler le Premier ministre Affi Nguessan qui les avait signés ? Ne raconta-t-on pas aussi que ce fut elle qui empêcha Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite en 2010, ce qui conduisit à la guerre et les trois mille morts que nous avons connus ? Qui a oublié la robe blanche de Simone, comme une robe de mariée, le jour de la pseudo-prestation de serment de Laurent et le baiser presque forcé qu’elle fit à son époux dont tout le monde savait qu’il ne partageait plus sa couche ?
Simone aimait le pouvoir et je crois que cela ne dérangeait pas Laurent. Mais du côté sentimental, tout le monde savait depuis les premières heures de son pouvoir qu’il avait « épousé » traditionnellement sa belle Nady. Avec Simone les choses tournèrent au drame, puisque lorsqu’ils furent arrêtés, la seule doléance que Laurent formula fut de ne pas être gardé au même endroit que Simone. Et lorsqu’il revint au pays natal après dix ans d’exil forcé, son premier geste fut d’humilier publiquement Simone et de demander le divorce.
Quel rôle Nady a-t-elle joué dans cette histoire ? Je l’ignore. On peut la soupçonner d’avoir influencé Laurent. Mais à l’évidence, dès qu’elle a porté le nom Gbagbo, elle a décidé de jouer elle aussi un rôle politique. Comme Simone. Tout en détestant certainement la vieille mère Simone, Nady doit l’admirer secrètement. On peut aimer ou détester Simone, mais elle n’est pas rien dans le paysage politique ivoirien. Nady est donc la nouvelle madame Gbagbo dans le cœur de Laurent. Il faut qu’elle le soit aussi dans l’esprit de tous les Ivoiriens et de tout le monde entier. Alors, pour qu’il n’y ait pas de malentendu, Laurent, certainement, sous la pression de Nady, a exigé que Simone ne s’appelle plus Gbagbo. Après cela, la nouvelle madame Gbagbo doit exister aussi sur la scène politique. Comme Simone.
Alors on enchaîne les meetings, les rencontres, les réunions, l’essentiel étant d’exister médiatiquement et d’étouffer Simone Gba…pardon, Ehivet.
Et la suite ? Pourquoi ne pas être le plan B en cas d’impossibilité pour Laurent d’être candidat ? Bien, sûr, on ne dira pas cela à haute voix, la ligne politique du parti étant que quoiqu’il arrive, le candidat est Laurent. Même si tout le monde constate qu’au-delà des ennuis judiciaires, il a à l’évidence des problèmes de santé. Quelques voix au sein du parti ont avancé le nom de Don Mello comme plan B. Mais même s’il a une plus grande expérience politique, un solide carnet d’adresse à l’international, il n’est pas Gbagbo.
Le nouveau parti a été bâti autour du nom Gbagbo. Nady Bamba, elle, elle est Gbagbo. Aura-t-elle d’ici le mois d’octobre prochain la carapace de la femme politique capable d’effacer le redoutable animal politique qu’est Simone Ehivet ? Suffira-t-il à Nady, la femme du nord, de s’appeler Gbagbo pour avoir avec elle l’électorat traditionnel de Laurent Gbagbo ?
Rien n’est moins sûr. Mais comme disent les Ghanéens et tous ceux qui parlent anglais, wait and see.
Venance Konan
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