APRNEWS: Côte d’Ivoire – Quand les mafias brésiliennes et italiennes s’unissent ( Drogue -Blanchiment d’argent )
« La Côte d'Ivoire au coeur d'un réseau très organisé de trafic de drogue et blanchiment d'argent ».
Primero Comando da Capita également connu sous le nom de « Partido do Crime, Quinze et Família », duquel 111 prisonniers ont été tués lors d’une seule et même opération de la police militaire, est un collectif de criminels créé en 1993 pour améliorer les conditions de détention en milieu carcéral.
L’objectif initial du PCC était de prévenir des massacres similaires en prison.
Le PCC s’est au fil du temps positionné comme médiateur dans les conflits quotidiens. Des négociations ont alors été entamées avec les responsables de la prison: le PCC mettrait un terme aux troubles causés par les détenus sous réserve que les conditions quotidiennes s’améliorent.
Nous sommes en 2024 et le PCC est devenu l’une des organisations criminelles parmi les plus complexes au monde, présente sur tous les continents. Le PCC a conclu des accords avec d’autres acteurs criminels importants, notamment des mafias d’Europe dans différentes chaînes d’approvisionnement illicites (stupéfiants, armes à feu, véhicules volés, extorsion de fonds…).
Il est présent en France, au Venezuela, en Colombie, au Pérou, au Chili, en Uruguay, en Argentine en Suisse, en Espagne, au Portugal, aux États Unis, aux Pays Bas, en Chine et en Italie. S’appuyant sur une vaste infrastructure financière, il est aussi présent à travers des filiales locales nigérianes, capverdiennes, mozambicaines, libanaises, russes, italiennes et d’Europe de l’Est. Selon la police fédérale brésilienne, en 2023, le PCC était aussi présent en Angleterre, au Suriname, au Guyana et en Guyane.
Le PCC se caractérise notamment par sa capacité à créer des partenariats commerciaux ponctuels et accords majeurs figure son alliance avec la Ndrangheta, une des plus violentes mafias italiennes, depuis la fin des années 2010, pour faciliter les exportations vers l’Europe y compris via Afrique de l’Ouest. Parmi les structures avec d’autres groupes brésiliens et avec des réseaux criminels étrangers, notamment les mafias des pays de l’Est, le PCC est devenu un acteur central alimentant le marché de la cocaïne en Afrique, et en Europe.
Une partie du flux de cocaïne coordonné par le PCC et la Ndrangheta transite par l’Afrique de l’Ouest comme le montrent les enquêtes internationales et régionales des forces de l’ordre, qui indiquent que des éléments de la Ndrangheta semblent avoir été impliqués dans le trafic notamment au Sénégal, au Niger, et au Ghana. La Côte d’Ivoire est le seul pays dont on est certain qu’elle y est présente.
La Ndrangheta y a d’ailleurs réalisé ses plus grosses opérations d’exportation récente de cocaïne via ce pays. Cette mafia opère en Afrique de l’Ouest par d’éléments de la ‘Ndrangheta déployés dans ces zones par le biais de deux mécanismes principaux : la présence continue et des intermédiaires de confiance établis grâce aux prospections qui ont commencé en 2010, des membres des clans rattachés à la Ndrangheta.
Les éléments infiltrés dans l’écosystème des affaires ont profité du chaos et de l’urgence des nouvelles autorités à reconstruire, pour passer inaperçus à travers des entreprises qui venaient investir. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui le bastion de la Ndrangheta en Afrique de l’Ouest, l’une des plus puissantes mafias au monde. À la fois comme plaque tournante du blanchiment d’argent et point clé pour l’ancrage d’éléments des clans de la ‘Ndrangheta. En témoigne notamment l’enquête « Spaghetti Connection » menée par la police italienne en 2018. Elle a permis de mettre au jour un réseau bien établi de la ‘Ndrangheta, qui importait de la
cocaïne du Brésil depuis 2014 en utilisant un certain nombre de sociétés-écrans. En septembre 2018, une tonne de cocaïne a été saisie dans le port de Santos, dissimulée dans un lot de machines lourdes à destination d’une entreprise de construction ivoirienne. Ce trafic a été orchestré par un membre de la ‘Ndrangheta appartenant au clan Romeo-Stacciu de San Luca, avec le soutien de plusieurs personnes basées à Abidjan. Ainsi que des hommes d’affaires italiens ayant des liens avec la Camorra, une autre mafia napolitaine.
Par ailleurs, l’enquête a démontré que les arrangements du côté brésilien pour fournir la cocaïne pourraient avoir impliqué un individu ayant des liens avec le PCC.
D’autres enquêtes italiennes ont également mis en évidence la présence d’autres clans à Abidjan, avec l’implantation notamment de membres de plusieurs familles dans la ville d’Abidjan.
La Ndrangheta semble donc être un acteur majeur du transit en gros de cocaïne en route vers l’Europe via l’Afrique de l’Ouest, et blanchissant également des bénéfices dans la région, y compris dans le secteur de la construction à Abidjan.
À ce jour, ce qui paraît le plus inquiétant ce ne sont pas les saisies records attribuées à la Côte d’Ivoire au cours de ces 10 dernières années, mais les saisies qui n’ont pas été effectuées, faute de pouvoir les intercepter. Il est bien connu par les enquêteurs spécialistes que la mafia n’hésite pas à faire elle-même provoquer des saisies spectaculaires pour faire diversion, quitte à sacrifier des éléments qui ont juré fidélité au parrain prix de leur propre liberté, pour le bien du clan, selon le principe du « -1 lot saisi + 3 lots qui passent = 2 lots vendus ».
Enfin notons que parmi les éléments d’enquête, il est précisé qu’une partie des bénéfices est blanchie dans le secteur de l’immobilier en Côte d’Ivoire.
En second partie nous aborderons ce volet avec en exemple, le cas d’une entreprise italienne, coquille vide, qui est parvenue à tromper la vigilance de plusieurs administrations publiques ivoiriennes en se faisant passer pour une entreprise, justement de construction et ayant pignon sur rue; alors qu’il n’en était rien. Tout était faux y compris les projets qu’ils avaient présentés comme ayant réalisé.
C’est le lieu de rappeler à toutes les administrations publiques que le due diligence avant de rencontrer les dirigeants d’une entreprise n’ayant aucune référence et s’afficher à leur côtés, est une exercice qui relève de la bonne gouvernance. En effet, sous certaines apparences d’investisseurs au chevet du développement de la Côte d’Ivoire, se cache quelquefois la mafia et le crime [très]organisé.
Soures :United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC);
Filières atlantiques entre le Brésil et l’Afrique de l’Ouest/ Lucia Bird Ruiz-Benitez de Lugo Gabriel Feltran, Isabela Vianna Pinho;
FAPESP (processus 20/071607);
Globa Initiative Against Transnationa Organized Crime, 2023;
Nalara Galarraga Gortázar et Gil Alessi, « Le PCC, la très secrète confrérie brésilienne du crime »;
INTERPOL Cooperation Against ‘Ndrangheta (I-CAN)
Organized Crime and Corruption RepOrt Projet /2024;
Jean Christian Konan / Fact Checking
Amadou Ouattara / Fact Checking;
Illustration : Le taijitu est le logo du PCC.