APRNEWS: Le Bénin en route pour le premier eurobond africain de 2025

APRNEWS: Le Bénin en route pour le premier eurobond africain de 2025

 Le Bénin entame un roadshow à Londres pour son quatrième eurobond, espérant lever 500 millions $ et rachetant pas moins de 250 millions $ d’un ancien emprunt. Un pari stratégique pour ce pays ouest-africain qui mise sur sa « rigueur budgétaire » et ses ambitions de développement dans un contexte économique incertain.

Le Bénin est en passe de devenir le premier émetteur africain d’eurobonds en 2025, ayant entamé, ce mercredi 8 janvier, un roadshow à Londres en vue de l’émission d’un nouvel eurobond de 500 millions de dollars, avec une maturité de 16 ans.

Une opération stratégique pour ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, devenu un habitué des marchés financiers, après des émissions en 2019, 2021 et 2024.  Il s’agirait du quatrième eurobond, et deuxième libellé en dollars du Bénin. Selon les bookmakers, l’émission pourrait être finalisée dès ce vendredi, dans le scénario le plus optimiste, ou être repoussée à la semaine prochaine, en raison des obsèques de l’ancien président américain Jimmy Carter, qui ont marqué une partie de la semaine aux États-Unis.

En 2024, année qui marquait le retour des pays africains sur les marchés financiers internationaux, plusieurs pays africains, dont la Côte d’Ivoire (2,6 milliards de dollars), le Sénégal (750 millions de dollars), le Bénin (750 millions de dollars), le Cameroun (550 millions de dollars) et le Kenya (1,5 milliard de dollars), avaient levé des fonds sur les marchés des eurobonds.

Mandatées pour organiser les rencontres avec les investisseurs, Citigroup, JP Morgan et Société Générale jonglent entre réunions virtuelles et présentations. « Le Bénin revient sur le marché des euro-obligations pour diversifier ses financements. Les conditions de marché sont favorables et l’appétit des investisseurs pour la dette africaine reste solide », explique à Bloomberg, Ousseynou Diagne, cadre chez Société Générale.

Le roadshow à Londres est une étape clé pour Cotonou, qui espère attirer les investisseurs en capitalisant sur ses solides performances économiques. Lors de sa dernière émission, en février 2024, le pays avait levé 750 millions de dollars avec un coupon de 7,96 % et un carnet de commandes qui avait atteint les 5 milliards de dollars. Selon TradeWeb, ces obligations sont cotées aujourd’hui avec un rendement de 8,8 %, légèrement au-dessus du rendement de réémission initial de 8,375 % — qui représente le rendement auquel une obligation est émise ou placée sur le marché au moment de son émission initiale (février 2024). Cela suggère que toute nouvelle émission pourrait être négociée à des taux un peu plus élevés que lors des opérations précédentes.

Une prévision corroborée par Mark Bohlund, analyste principal chez REDD Intelligence, qui estime que le prochain eurobond du Bénin pourrait offrir un coupon avoisinant 8 %, reflétant les attentes des investisseurs dans un contexte de marchés financiers plus volatils.

Une économie qui avance malgré les vents contraires

Dans une économie mondiale marquée par les incertitudes économiques, le Bénin joue, depuis la crise sanitaire, la carte de la résilience, et a même amélioré nombre de ses indicateurs. « En 2020, nous avons enregistré l’un des taux de croissance les plus élevés au monde, soit 3,8 %. Depuis 2021, le taux de croissance est supérieur à 6 %. Pour les trois premiers trimestres de 2024, nous avons réalisé un taux de croissance de 6,7 %, et selon les projections du FMI, le taux de croissance devrait rester supérieur à 6 % dans les années à venir », vante, confiant, Romuald Wadagni (photo), ministre des Finances, lors de sa présentation destinée aux investisseurs.

Et le petit pays de 14 millions d’habitants n’a pas à rougir de ses performances fiscales. Grâce à des réformes initiées en 2016, comme la digitalisation des services ou la formalisation de l’économie, les recettes fiscales ont bondi, a indiqué le ministre d’Etat béninois. Elles représentaient 9,7 % du PIB en 2017 ; elles atteignent aujourd’hui 13,3 % et pourraient flirter avec les 15 % d’ici 2028, espère le gouvernement de Patrice Talon.

Sur le front budgétaire, le pays fait figure d’élève modèle. En 2024, le déficit public a été ramené à 3 % du PIB, et respecte avec même un an d’avance les critères de convergence de l’UEMOA. Une rigueur qui est parlante d’autant que les dépenses sécuritaires du pays sont en nette augmentation alors que les attaques des groupes terroristes se sont accentuées ces dernières années. Mercredi dernier, le pays a enregistré ses plus lourdes pertes depuis le début des incursions des groupes armés terroristes.

La dette sous contrôle

Autre argument phare vendu aux investisseurs : la gestion « prudente » de la dette publique. À fin 2024, elle représentait 53,7 % du PIB, bien en dessous de la moyenne régionale. « La maturité moyenne de notre dette est de 8,9 ans à la fin de 2024. Le taux d’intérêt moyen du portefeuille a diminué ces dernières années, pour s’établir à environ 3,4 % fin décembre 2024. Notre exposition au risque de taux d’intérêt est limitée, car près de 98 % de notre portefeuille est à taux fixe », précise le ministre.

Ces efforts n’ont pas échappé aux agences de notation. En avril 2024, S&P a relevé la note du pays à BB-, et en octobre 2024, cette note a été confirmée avec une perspective révisée de stable à positive. L’agence de notation avait justifié son évaluation, en citant une croissance économique soutenue, une gestion budgétaire rigoureuse et des réformes structurelles efficaces.

Une offre de rachat pour compléter l’émission

Parallèlement à cette nouvelle émission, le Bénin propose une offre de rachat sur ses obligations à 4,875 % échéant en 2032, pour un montant maximum de 250 millions d’euros. Une opération financée par un prêt bancaire, signe d’une stratégie proactive pour alléger le poids de la dette et en améliorer le profil.

« Ce n’est pas la première fois que le Bénin se montre ambitieux sur les marchés internationaux », lance un spécialiste des marchés régionaux basés à Cotonou.

Entre stature internationale et priorités sociales

Premier pays de l’UEMOA à respecter à nouveau les critères budgétaires, avec un déficit public désormais maîtrisé, comme l’affirme M. Wadagni, le Bénin affiche clairement ses ambitions. Devenir le premier émetteur africain sur le marché des eurobonds en 2025 serait une victoire symbolique pour ce pays, qui cherche à se positionner comme un modèle de rigueur et de transparence en Afrique de l’Ouest. Cette nouvelle émission pourrait renforcer son image d’émetteur fiable et crédible sur la scène internationale.

Mais derrière le prestige, les fonds levés auront une destination bien concrète, assurent les autorités béninoises : financer les vastes projets de l’État. L’objectif est d’accélérer les investissements dans les infrastructures tout en répondant aux besoins sociaux, domaine où le président Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016 et dont le second et dernier mandat constitutionnel s’achève en 2026, fait face à des critiques récurrentes. Ainsi comme argument de campagne pour cet emprunt, il est notamment indiqué qu’une partie des fonds ira vers des projets de développement durable, comme les cantines scolaires, qui offrent chaque jour un repas chaud à plus de 1,3 million d’enfants dans 80 % des écoles primaires publiques, en grande majorité situées en milieu rural. D’autres initiatives, comme des programmes de nutrition pour les femmes enceintes et les enfants au cours de leurs 1 000 premiers jours, qui tentent de réduire les inégalités structurelles, en seront bénéficiaires, surtout dans un pays où la pauvreté recule timidement – elle n’est passée que de 38,5 % en 2019 à 36,2 % en 2022.

Fiacre E. Kakpo

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