APRNEWS: Guinée-Bissau – La bombe à retardement qui menace la CEDEAO
Le mandat du Président Bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, arrive à terme, le 27 février 2025. A moins de trois (3) mois de la fin de ce mandat, les signaux sont au rouge, sans pour autant susciter, le dimanche, 15 décembre 2024 dernier, la moindre attention de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
L’étonnement de l’opinion publique internationale, de la population, de la société civile et des cadres Bissau-guinéens était grand, le dimanche dernier. Eux qui croyaient que la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se pencherait sur la situation sociopolitique de la Guinée-Bissau, en marge de son 66 ème sommet.
Une situation sociopolitique excessivement tendue. C’est un secret de polichinelle que ce pays lusophone de l’Afrique de l’Ouest est reconnu pour son instabilité politique chronique. Mais jamais, il n’a vécu le climat délétère actuel, marqué par des institutions étatiques inexistantes. A ceci, il faudra ajouter la non-convocation du corps électoral, à moins de trois (3) mois de la fin du mandat en cours.
Un pays sans institution républicaine
L’impasse actuelle générée par la non-convocation du corps électoral, en vue de l’élection présidentielle en 2025, n’est que la partie visible de l’iceberg. La Guinée-Bissau est un pays sans Parlement depuis le 4 décembre 2023. En effet, quelques mois après son installation controversée, le Président Umaro Sissoco Embalo, a dissout le parlement sans appeler à d’autres élections législatives anticipées. Selon une certaine source, le parlement serait assiégé par la garde républicaine qui a installé la 2eVice-présidente du Parlement, Présidente de l’Assemblée.
Aussi, les Bissau-Guinéens font-ils l’apprentissage, depuis décembre 2023, d’un nouveau thème initié par leur Président. Il s’agit de Gouvernement d’initiative Présidentielle ou Gouvernement du Président de la République. Une terminologie étrangère à la constitution de ce pays. L’inexistence depuis le mois de novembre 2023 d’un président de la Cour suprême de justice et l’absence du quorum des juges pour son fonctionnement régulier, vient s’ajouter la caducité du mandat de la Commission nationale électorale sans président depuis mai 2022. Les partis politiques représentés au Parlement dissout, y compris ceux qui l’avaient soutenu aux élections, unanimement, reconnaissent le Chef de l’Etat comme un facteur de blocage de la démocratie et de l’Etat de Droit en Guinée-Bissau. Les manifestations de contestation sont interdites, les opposants, au premier rang, Domingos Simoes Pereira, sont poursuivis et traqués.
Le Président Umaro Sissoco Embalo a-t-il franchi le rubicond?
« Je ne serai pas candidat en 2025. Mon épouse m’a conseillé de ne pas me présenter. Je respecte donc ses conseils. » Derrière cette déclaration salutaire du Président bissau-guinéen, se trouve une intention cachée qui risque de plonger le pays dans des violences, si l’on ne prend pas garde, si la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ne s’implique pas pour les prévenir. Surtout que les contestations nées de sa victoire controversée ne sont toujours pas éteintes dans les mémoires. Son principal adversaire, Domingos Simoes Pereira, a toujours refusé de reconnaître la victoire de son opposant, frauduleuse selon lui.
Alors que le terme du mandat actuel et la date de la prochaine présidentielle relèvent de l’ambigüité, Embalo s’est déclaré farouchement opposé à ce que certains de ses principaux rivaux lui succèdent à la tête de l’Etat. « Ce ne sera ni Domingos Simoes Pereira, ni Nuno Gomes Nabiam, ni Braima Camara qui me remplaceront », a-t-il déclaré. Sans pour autant préciser ses propos tendancieux, il ajouta : « Je ne serai pas remplacé par un bandit », à propos de ces opposants.
Comme on peut le constater, tout est réuni pour que la tension exacerbée, s’explose en Guinée-Bissau. Depuis son indépendance du joug du Portugal en 1974, le pays a connu une multitude de putschs et de tentatives de coup de force. Avec l’élection présidentielle de 2014, il s’est engagé sur la voie d’un retour à l’ordre constitutionnel. Malheureusement, ce signe d’accalmie ne l’a pas préservée des turbulences qui se sont poursuivies sous le mandat de l’actuel Président, Umaro Sissoco Embalo. A l’heure actuelle, c’est l’ensemble de la communauté civile Bissau-guinéenne, de l’intérieure comme de la diaspora, qui plaide pour une médiation, d’où qu’elle vienne, avant qu’il ne soit trop tard. D’ici trois (3) mois, c’est-à-dire, à partir du 27 février 2025, la Guinée-Bissau se retrouvera sans un Président de la République, sans gouvernement légitime, déjà sans Parlement, sans Cour Suprême.
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devra éviter toute situation catastrophique dans ce pays enclin à une instabilité chronique, afin d’éviter de réveiller les vieux démons. Elle qui est déjà objet d’intenses critiques qui lui ont fait perdre trois membres stratégiques pour l’économie régionale.