APRNEWS: Pourquoi la banque numérique est cruciale pour l’Afrique

APRNEWS: Pourquoi la banque numérique est cruciale pour l’Afrique

Les plateformes bancaires mobiles attirent de nouveaux clients vers les banques et favorisent l’inclusion financière recherchée par les États. Gare toutefois à l’excès de réglementations.

L’Afrique subsaharienne a pris du retard par rapport à d’autres régions dans le développement de l’industrie bancaire, mais elle est en tête pour ce qui est des progrès de la banque numérique. Tel est le constat de BMI, une filiale d’analyse de Fitch Solutions.

Qui estime que les actifs bancaires, en Afrique subsaharienne, représentent 53 % du PIB en 2024, contre une moyenne de 84,8 % pour les marchés émergents. « Alors que l’accès limité aux services bancaires traditionnels a entravé la participation et la croissance économiques, la banque numérique offre des possibilités sans précédent d’inclusion financière », écrivent les analystes.

Au cours des dix prochaines années, la banque numérique en Afrique subsaharienne connaîtra une croissance substantielle, propulsée par une population en pleine expansion et par le fait qu’environ 90 % des transactions sur le continent se nouent encore en espèces.

Certes, pour l’heure, le Nigeria et le Kenya se distinguent comme les principaux pôles de la banque numérique, « chacun présentant des écosystèmes uniques portés par des banques traditionnelles et des entreprises Fintech innovantes ». Cependant, « des défis tels que les obstacles réglementaires et les risques de cybersécurité persistent dans les deux pays ». Parmi les autres pays remarquables, les experts mentionnent l’Afrique du Sud avec son infrastructure financière avancée, le Ghana avec son utilisation croissante de l’argent mobile, et la Tanzanie qui connaît une croissance rapide des services bancaires mobiles. L’Afrique subsaharienne est celle qui bénéficiera le plus de la révolution de la banque numérique, avec le deuxième taux d’adoption du compte bancaire le plus bas (55 %), juste devant la région Moyen-Orient Afrique du Nord.

Dans ce contexte, les plateformes bancaires mobiles et les portefeuilles numériques permettent d’effectuer des transactions financières essentielles telles que l’épargne, le transfert d’argent et le paiement de factures à partir d’appareils mobiles. Cela permet de soutenir le potentiel d’épargne économique, de stimuler l’éducation et la culture financières et d’offrir un meilleur accès au crédit et aux microprêts.

 

Harmoniser les normes réglementaires

Les banques en tirent profit en attirant une clientèle plus large, en augmentant leur rentabilité et en réduisant les coûts opérationnels liés aux agences physiques et à la manipulation d’argent. Le nombre d’agences bancaires pour 100 000 adultes en Afrique subsaharienne a déjà chuté de 4,5 en 2015 à 4,1 en 2021 et continuera à diminuer, pronostique BIM. « Un système financier plus inclusif renforce également l’efficacité de la politique monétaire, permettant aux banques centrales de mettre en œuvre des mécanismes de transmission plus efficaces et de favoriser la stabilité économique. »

Dès lors, « une réglementation progressive peut accélérer l’adoption des services financiers numériques, tandis qu’une réglementation trop stricte peut étouffer l’innovation ». Par exemple, le succès de M-Pesa au Kenya est en partie dû à un environnement réglementaire favorable. Les organismes de réglementation peuvent favoriser la croissance des services bancaires numériques en établissant des lignes directrices claires concernant la vérification de l’identité numérique, les pratiques de lutte contre le blanchiment d’argent et les mesures de cybersécurité.

L’ « harmonisation des normes réglementaires dans l’ensemble de la région pourrait faciliter davantage les services financiers numériques transfrontaliers, en favorisant une plus grande intégration financière et une meilleure collaboration économique », analysent les experts. Qui jugent qu’à l’inverse, des réglementations trop strictes ou ambiguës « peuvent étouffer l’innovation, décourager l’investissement vers la banque numérique et limiter l’évolutivité des solutions bancaires numériques ».

Selon les analystes, la réglementation a freiné le développement du secteur bancaire en Afrique subsaharienne ces dernières années. Corolaire d’un risque élevé, la réglementation est bien plus stricte qu’ailleurs, dans la région. Bien que les risques aient diminué ces dernières années, ils restent élevés et pèsent lourdement sur les marchés africains. Les régulateurs s’efforcent activement d’améliorer la réglementation et de la rendre plus propice à la banque numérique. Par exemple, le Ghana, le Nigeria, le Kenya, l’île Maurice et de nombreux autres marchés d’Afrique subsaharienne proposent des « bacs à sable » (Sandbox) réglementaires pour développer des produits Fintech, offrant ainsi une approche de la réglementation fondée sur des données probantes. « Une sensibilisation accrue à la réglementation favorable à la banque numérique et à la Fintech soutiendra le secteur », commentent les analystes.

 

L’atout des monnaies Banque centrale

Qui jugent également que les technologies de pointe telles que l’Intelligence artificielle et la Blockchain continueront à transformer la banque africaine. L’IA améliore le service à la clientèle grâce aux chatbots et à l’analyse prédictive, ce qui permet d’identifier les fraudes et de gérer les risques plus efficacement. Elle peut également automatiser les évaluations de solvabilité, permettant un accès plus rapide aux prêts.

Comment le Nigeria déjoue les pronostics et lance l' eNaira, première  monnaie numérique d'une banque centrale d'Afrique ⃒ Beaugas Orain DJOYUMDe son côté, la technologie Blockchain gagne en traction, fournissant des plateformes sécurisées et transparentes pour les transactions, « ce qui est particulièrement bénéfique dans les régions où la prévalence de la fraude est élevée ».

Les experts évoquent aussi les velléités de certains pays africains dans les monnaies numériques des banques centrales (CBDC), comme le e-naira testé au Nigeria. « Les CBDC peuvent renforcer l’inclusion financière en offrant une alternative plus accessible et plus abordable aux services bancaires traditionnels, en réduisant les coûts de transaction par l’élimination des intermédiaires et en améliorant la sécurité des transactions pour réduire le risque de fraude. »

Les experts constatent que l’industrie bancaire est le théâtre de partenariats et collaborations, en matière de banque numérique. En 2021, le Nigéria a ouvert la voie en étant le premier pays africain à autoriser les banques à partager des données avec des entreprises Fintech, créant ainsi un précédent que d’autres juridictions suivent désormais. Sachant que « les néobanques ont le potentiel de perturber considérablement le paysage bancaire traditionnel en offrant des services financiers plus agiles et centrés sur le client. Cela obligera les banques traditionnelles à améliorer leurs offres numériques pour rester compétitives ou à s’associer avec ces nouveaux types de banques », juge BIM.

 

Optimisme, malgré les défis

Malgré son potentiel, la banque numérique en Afrique subsaharienne est confrontée à plusieurs défis de taille. Premièrement, la cybersécurité reste une préoccupation majeure, car la dépendance à l’égard des plateformes numériques expose les utilisateurs à des risques tels que les violations de données, la fraude et le piratage. Interpol estime que la cybercriminalité a coûté à l’Afrique 4,1 milliards de dollars en 2021, et les experts estiment que ce coût augmentera à mesure que les services bancaires numériques deviendront plus répandus. « De solides mesures de cybersécurité doivent être mises en œuvre pour protéger les informations financières sensibles et renforcer la confiance des consommateurs. »

Deuxièmement, la culture numérique constitue un obstacle important ; une grande partie de la population peut ne pas avoir les compétences et les connaissances nécessaires pour utiliser efficacement les services bancaires numériques. Dès lors, « des initiatives éducatives globales sont nécessaires pour garantir que tous les segments de la société bénéficient de l’inclusion financière numérique ».

Troisièmement, les experts mentionnent les limites de l’infrastructure, y compris une connectivité « incohérente » et une alimentation électrique « peu fiable », en particulier dans les zones rurales. Ainsi que, quatrièmement, l’instabilité politique et les problèmes de gouvernance, qui constituent un « risque important ».

Et pourtant, les analystes se disent « optimistes » quant à l’avenir de la banque numérique en Afrique subsaharienne, grâce aux tendances émergentes et à un potentiel de croissance important. Les principales tendances à surveiller sont l’essor de la banque ouverte, qui encourage l’interopérabilité et l’innovation entre les services financiers, et l’adoption potentielle des CBDC qui peuvent améliorer l’efficacité et la sécurité des transactions. « Les paiements transfrontaliers devraient également devenir plus transparents, ce qui favorisera une plus grande intégration économique régionale. »

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