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Viande et cancer, des liaisons dangereuses

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Lundi, 22 novembre 2021

Viande et cancer, des liaisons dangereuses

Face au risque avéré de pathologies associées à l'excès de charcuterie et de viande rouge, une seule recommandation : maîtriser ses pulsions carnivores.

Un coup de tonnerre. En octobre 2019, une publication dans la revue Annals of Internal Medicine annonçait, en substance, que les liens entre consommation de viande et risques pour la santé sont faibles, et conseillait aux adultes "de ne pas diminuer leur consommation actuelle de viande". Levée de boucliers et contestation quasi unanime de l’ensemble de la communauté scientifique travaillant sur le sujet… jusqu’à ce que des journaux révèlent les liens non déclarés de plusieurs des auteurs de l’étude avec l’industrie de la viande.

Si la publication a fait autant polémique, c'est que le nombre de travaux de recherche pointant les risques associés à une consommation excessive de viande ne cesse en réalité d'augmenter. En 2016, en France, une large équipe de spécialistes réunie par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a épluché des centaines de publications sur le sujet pour conclure que la consommation de viande était associée à un risque de surpoids, de diabète, de maladies cardiovasculaires, d'accidents vasculaires cérébraux et, surtout, de cancers - avant tout colorectal, mais aussi de la prostate.

Limiter sa consommation

Alors que la viande blanche ne semble pas poser problème, la viande rouge et la viande transformée (saucisses, jambon, charcuterie… ) sont particulièrement montrées du doigt. L'OMS, par l'intermédiaire du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), classe ainsi depuis 2015 la viande transformée comme "cancérogèneet la viande rouge comme "probablement cancérogène", calculant même que "chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 % environ". Le World Cancer Research Fund International, organisme faisant autorité dans le domaine de la prévention des cancers, recommande pour sa part de "limiter sa consommation de viande rouge à trois portions maximum par semaineet de "ne consommer que très peu, voire pas du tout, de viande transformée".

Ces liens entre cancer et consommation de viande ne découlent pas uniquement de corrélations observées lors d'études épidémiologiques. Au centre Inrae de Toulouse, l'équipe Prévention et promotion de la cancérogénèse par les aliments étudie depuis près de vingt-cinq ans, en laboratoire, l'effet de la consommation de viande sur des rongeurs. "Nous voulons valider les associations relevées dans les études épidémiologiques, mais aussi étudier les mécanismes sous-jacents afin d'élaborer des stratégies de prévention, décrit Fabrice Pierre, qui dirige l'équipe. En soumettant des rats et des souris à différents régimes pendant plusieurs semaines, nous avons observé une augmentation des lésions tumorales et pré-tumorales chez les rongeurs nourris à la viande rouge et à la charcuterie, dans des proportions comparables aux observations épidémiologiques chez l'humain."

"Le véritable problème est la surconsommation, pas la consommation"

Concernant les mécanismes impliqués derrière ces effets, plusieurs hypothèses sont à l'étude : la richesse en protéines de la viande rouge, son fort taux de lipides, les amines hétérocycliques aromatiques, des composés qui se forment lors de sa cuisson, etc. Mais pour l'équipe toulousaine, le principal coupable serait la présence de fer héminique, une forme particulière de fer caractéristique de ce type de viande. "Celui-ci provoque deux réactions : il interagit d'une part avec les lipides dans les viandes rouges et d'autre part avec les nitrites dans la charcuterie, formant dans les deux cas des composés toxiques, révèle Fabrice Pierre. Mais la bonne nouvelle, c'est que ces deux réactions peuvent être inhibées avec des antioxydants." Cet effet protecteur a pu être démontré chez la souris en associant viande et antioxydants, mais également observé chez l'homme dans des études épidémiologiques : les personnes consommant des aliments riches en antioxydants (curcuma, olive, noix, etc. ) en même temps que la viande ont statistiquement moins de risques cancéreux. L'équipe Inrae de Toulouse cherche donc désormais à mettre au point, avec les industriels, des produits transformés intégrant une dose idéale d'antioxydants pour contrer les effets néfastes du fer héminique.

En attendant, faut-il arrêter toute consommation de viande ? Non, répondent la plupart des médecins et chercheurs en nutrition. "Le fer héminique reste malgré tout utile pour lutter contre l'anémie, et les produits carnés contiennent plusieurs vitamines essentielles, comme la vitamine B12, résume Fabrice Pierre. Le véritable problème est la surconsommation, pas la consommation.Concernant les quantités idéales, les recommandations officielles en France invitent à ne pas dépasser 150 grammes de charcuterie et 500 grammes de viande rouge par semaine. Malgré une consommation de produits carnés en baisse constante ces dernières années, portée par des considérations autant sanitaires qu'éthiques, ces seuils maximum restent encore largement dépassés par une majorité de Français.

Aprnews avec Sciencesetavenir