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Tidjane Thiam sur TV5 Afrique – Monde : Décryptage d’un discours

Aprnews- Tidjane Thiam- Invité de TV5 à l’émission de Denise Epoté « Et si vous me disiez la vérité »- Actualité- Cote d'Ivoire
Lundi, 31 août 2020

Tidjane Thiam sur TV5 Afrique – Monde : Décryptage d’un discours

Invité de TV5 à l’émission de Denise Epoté « Et si vous me disiez la vérité », Tidjane Thiam livre un diagnostic sans complaisance du mal politique ivoirien.

Dans l’interview qu’il a accordée à Tv5 monde ce dimanche, Tidjane Thiam a marqué sa profonde indignation. Ce sentiment procède d’un constat :  la Côte d’ivoire sa patrie est divisée, ses concitoyens sont pris dans le tourbillon d’une violence sans commune mesure

C’est pourquoi, dès l’entame de son échange avec la journaliste,  l’ex-ministre ivoirien du plan dit devoir contribuer à « stopper la montée de la violence et préparer l’avenir de la Côte d’ivoire ».

La paix et la sécurité sont de véritables obsessions pour Tidjane Thiam. Celui-là même qui déjà, alors membre de la commission Blair pour la remise des dettes des pays africains à Green Eagles, avait consacré son travail, faisant équipe avec une dizaine d’autres africains, à évaluer les difficultés auxquelles l’Afrique se trouve confrontée pour ensuite présenter des recommandations claires sur la manière de soutenir les changements nécessaires pour faire reculer la guerre et la pauvreté sur le continent.

C’est donc un homme averti qui s’empresse de tirer la sonnette d’alarme quant à la situation que traverse la Côte d’ivoire : « je crois que les conditions ne sont pas réunies pour aller à des élections apaisées, crédibles et inclusives en Côte d’ivoire et qui se déroulent sans incident ». 

La conviction de Tidjane Thiam est étayée et encouragée par l’atmosphère de suspicion généralisée qui a gagné le pays et, surtout, par le lourd bilan macabre qui a résulté d’affrontements entre l’opposition ivoirienne et la police ces dernières semaines. La voix enrouée par l’émotion, Tidjane exprime sa douleur, dénonce et déplore la mort de toutes ces personnes et, particulièrement, celle de ce jeune garçon de Bonoua : « en venant ici, je pensais au jeune Miessan qui a dix-huit ans et qui est mort d’une balle dans la tête. Chaque mort ivoirienne est une mort de trop ».

Loin de tout activisme politique ostentatoire, Thiam travaille, dans le secret, à juguler la violence dans le microcosme politique et dans la société ivoirienne dans sa totalité. Et l’espoir se dessine à l’horizon :« Je consacre actuellement tous mes efforts à éviter la montée de la violence. Certains de mes efforts commencent à porter leurs fruits. Vous avez vu les déclarations des Etats-Unis d’Amérique, de l’union européenne, du Secrétariat Général de l’Onu et d’Amnesty international qui parlent de paix et d’élections libres et transparentes … »

Le vivier de tous ces heurts et contradictions reste, sans conteste, pour nombre d’ivoiriens, la candidature à un troisième mandat du président sortant, Alassane Ouattara. Là-dessus, le brillant polytechnicien veut éviter les chamailleries constitutionnelles : « Je ne suis pas constitutionnaliste, je ne me prononcerai pas là-dessus, je remarque seulement que cette question divise ».

Comme solution à l’interminable crise ivoirienne, l’éminent banquier préconise la philosophie de l’unité, la culture de la paix. C’est une responsabilité dont seuls les ivoiriens peuvent s'acquitter, soutient-il, prêchant en outre qu’il est indéniablement profitable de se forger sa propre nation sur la base de ses valeurs culturelles de référence. La Côte d’ivoire, traditionnellement, a une culture de paix, d’ouverture et de tolérance, rappelle-t-il.  

Au fil de l’interview, dans une pédagogie ravissante, Tidjane Thiam évoquera un fait décisif de l’histoire de la Côte d’ivoire : En effet, confie-t-il, face au refus de ses compatriotes, le président Houphouët Boigny dû, alors qu’il y tenait dur comme fer, abandonner son projet d’accorder la double nationalité à d’autres africains de la sous-région. L’orateur du jour exhortait ainsi les animateurs de la vie politique ivoirienne à l’abnégation, au don de soi, à l’effacement de soi quand la nation est menacée dans son unité et dans ses fondements. L’Houphouëtisme dont tous se réclament est un humanisme. C’est-à-dire une philosophie optimiste qui place l'Homme au centre de son action. 

Le message de Thiam est clair : à côté des droits que nous pouvons avoir ou sommes quelquefois fondés à réclamer, il peut exister des considérations éthiques ou des réalités pressantes qui nous imposent de renoncer à nous-même, à notre individualité pour nous élever à l’universalité de la pensée et de l’action ou pour ne rechercher que le bonheur de la collectivité. 

Tidjane Thiam plaide encore pour une vie sociale où la peur et la force ne sont pas érigées en système de gestion, ni en outil de gouvernement. La force, pense-t-il, ne peut s’exercer que dans l’actualité de sa puissance. Elle cesse d’être faiblesse et peut imposer durablement son empire dès lors qu’elle est masquée dans sa nudité de force et parée du prestige du droit. 

 Jean Clotaire Tétiali