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"Syndrome de La Havane" : l'attaque par micro-ondes gagne en crédibilité

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Vendredi, 11 décembre 2020

"Syndrome de La Havane" : l'attaque par micro-ondes gagne en crédibilité

Le rapport officiel de l'Académie américaine des Sciences, publié lundi, sur les mystérieux cas de maladies parmi le personnel diplomatique américain depuis 2016 dans plusieurs ambassades, notamment à Cuba, permet d'y voir plus clair parmi toutes les hypothèses qui ont été formulées au fil des ans.

Après deux ans de silence radio de la part des autorités américaines, le mystère du "syndrome de la Havane" refait surface. La commission de scientifiques chargée d'enquêter sur les origines de l'étrange maladie qui a frappé des employés de l'ambassade à Cuba en 2016, puis en Chine et en Russie, a conclu, dans son rapport publié lundi 7 décembre, que la cause "la plus probable" serait l'exposition à des ondes radio de faible fréquence. 

Ce rapport de l'Académie des Sciences de Washington ne met pas un point final à une affaire qui tient en haleine les médias depuis plus de trois ans. Les auteurs du document n'ont, en effet, pas pu avoir accès à certains dossiers médicaux, n'ont pas non plus pu s'entretenir avec certains des patients et se sont, en outre, heurtés à plusieurs reprises au "secret défense". Une part du mystère qui entoure la maladie inconnue qui a frappé, en 2016, une trentaine d'employés de l'ambassade américaine à La Havane demeure.

De La Havane à Moscou

Mais en l'état des informations que ces chercheurs ont pu récupérer, le scénario d'une attaque par micro-ondes visant le personnel de l'ambassade semble le plus crédible… essentiellement parce que les autres thèses avancées ne tiennent pas la route. "Ce rapport commandé par le gouvernement américain procure l'explication la plus complète possible à ce jour au fameux 'syndrome de la Havane'", affirme le New York Times.

Les symptômes décrits par les premiers patients ne "faisaient penser à aucune maladie connue", rappellent les auteurs du rapport pour l'Académie des Sciences de Washington. La quasi-totalité des personnes affectées se sont plaintes "d'un bruit violent et soudain dans l'oreille, parfois comparé à un hurlement, à un chant ou à un cliquetis, accompagné d'une sensation de pression intense dans la tête et d'une douleur diffuse dans le crâne", décrivent les scientifiques chargés par le gouvernement de résoudre cette énigme médicale. 

La plupart des patients ont ensuite souffert de symptômes secondaires qui, dans certains cas, sont devenus chroniques, tels que des vertiges, des insomnies, ou encore des crises d'angoisse et des pertes de mémoires.

Après Cuba, des employés du consulat américain à Guangzhou (Chine) ont affirmé, en 2018, avoir subi le même sort. Puis, un an plus tard, c'est à l'ambassade américaine de Moscou que des nouveaux cas de cette maladie inexpliquée ont été répertoriés, avait rapporté le magazine GQ.

Ondes radio, insecticides ou hystérie ?

Une épidémie de lésions cérébrales au sein du personnel diplomatique qui n'a pas manqué de susciter de nombreuses hypothèses. La piste d'une attaque par micro-ondes a été l'une des premières à attirer l'attention. Les symptômes décrits "correspondent à l'effet que peuvent produire des pulsations d'ondes radio à basse fréquence [inaudibles pour l'homme] sur le cerveau", démontre le rapport de la commission de scientifiques.

Mais d'autres explications ont aussi été suggérées telles que l'exposition accidentelle à des agents chimiques ou la contamination par une maladie infectieuse. Deux scénarios liés à l'épidémie de Zika, qui avait atteint les côtes cubaines en 2016. 

Ce virus peut, en effet, entraîner des lésions cérébrales et avoir des conséquences chroniques comme la dépression ou des vertiges. C'est aussi le cas de l'exposition à des pesticides utilisés contre les moustiques porteurs du virus Zika. Une étude canadienne plusieurs des victimes du "syndrome de La Havane" sont canadiennes a fait ressortir, en septembre 2019, que les premiers cas à l'ambassade américaine étaient apparus alors que le gouvernement cubain avait entamé une campagne de fumigation à grande échelle dans la capitale de l'île.

D'autres chercheurs ont aussi suggéré des explications d'ordre psychologique évoquant des possibles épisodes d'"hystérie de masse".

Washington a toujours refusé de se prononcer sur la validité de l'une ou l'autre des théories avancées. Mike Pompeo, le secrétaire d'État de Donald Trump, affirmait encore en octobre 2020 que l'administration ne savait pas ce qui s'était passé dans ces ambassades.

Un rapport politique

Le rapport de l'Académie des sciences est ce qui se rapproche le plus d'une version officielle. Les auteurs y estiment que la plupart des explications – pesticides, virus Zika ou causes psychologiques – ne cadrent pas avec l'apparition soudaine des symptômes. Ces théories sont aussi contredites par le fait que plusieurs des patients "ont souligné que les effets s'amenuisaient ou disparaissaient en changeant de pièce", notent les scientifiques de la commission.

Un récit qui cadre davantage avec la thèse d'attaques par micro-ondes dirigées spécifiquement vers des endroits précis de l'ambassade. Le rapport note aussi que les effets à plus long terme sur le cerveau des ondes radio, constatés chez certains des patients, ont aussi été décrits par les scientifiques qui se sont intéressés à l'utilisation de ces ondes comme arme.

Et c'est là que le rapport prend, peut-être, le plus de risques. Les auteurs soulignent que le pays le plus en pointe en la matière est la Russie qui, depuis l'ère soviétique, s'intéresse aux applications militaires de ce procédé. "Du personnel militaire dans des pays communistes en Eurasie ont été soumis à ce type de radiation" et ont souffert de symptômes similaires à ceux décrits par les employés des ambassades américaines, notent les auteurs du rapport. 

Pour le New York Times, c'est une manière de suggérer, sans le dire, que la Russie est le suspect naturel dans ces affaires. Mais outre ce rappel historique, les scientifiques de la commission se gardent bien de s'aventurer sur ce terrain politiquement glissant. 

Il n'empêche que le timing de la publication de ce rapport est, en soi, un acte politique. La commission a choisi de révéler ses conclusions après la défaite de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine. L'administration sortante a été accusée à plusieurs reprises de vouloir enterrer toute cette affaire pour ne pas avoir à répondre à des questions potentiellement embarrassantes sur le rôle de la Russie, rappelle le New York Times.

Mais ce rapport est aussi une question posée au président élu, Joe Biden. Car ces épisodes démontrent qu'il existe "un risque que des acteurs malveillants visent à nouveau dans le futur du personnel diplomatique ou des ressortissants américains à l'étranger avec de telles méthodes, et nous nous interrogeons sur la capacité des États-Unis à y faire face efficacement", soulignent les auteurs du rapport. Une manière de sous-entendre que rien n'a été fait à ce sujet depuis 2016.

France24