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Sénégal: Macky Sall et les tentations du 3e mandat

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Vendredi, 11 décembre 2020

Sénégal: Macky Sall et les tentations du 3e mandat

Le schéma politique actuel au Sénégal laisse présager que Macky Sall veut anéantir l’opposition pour rester seul maître à bord. Dans sa tête, trotte l’idée d’un 3e mandat.

Que prépare Macky Sall ? Que mijote le président le plus politicien que le Sénégal n’ait jamais élu ? Président et secrétaire général de l’Alliance pour la république (APR), Macky Sall a révélé au grand jour son objectif d’élargissement de la mouvance présidentielle. Les adhésions se multiplient ces derniers jours. Pis, à suivre les dernières informations relayées par la presse sénégalaise un projet de loi visant à amnistier les infractions économiques et financières, est dans le circuit. Du coup, Karim Wade et Khalifa Sall, condamnés pour délinquance économique et financière, tout comme d’autres responsables politiques, ne pourront plus faire l’objet de poursuites judiciaires. Une faveur qui aura un prix fort pour ses opposants muselés. Plusieurs interrogations sont légitimement posées. Pourquoi Macky Sall veut avoir tous les opposants à ses côtés? Pourquoi avoir repoussé les élections locales ? Se fraie-t-il le chemin vers troisième mandat ?  Elements de réponse.

Reconfiguration politique de Macky Sall…

Le dernier remaniement ministériel du gouvernement de Macky Sall a suscité beaucoup de polémiques dans le milieu médiatique mais aussi dans certains partis politique du pays. Selon Assane Samb, directeur de publication du quotidien REWMI, « il y a des choses qui sont très nettes et très claires et d’autres objectifs qui le sont moins. Par exemple, l’objectif de l’élargissement de la majorité, ça c’est très clair, on ne peut plus en douter, Macky travaille à élargir le plus largement possible sa majorité et donc au-delà de Benno Bokk Yaakar, il cherche à avoir tous ses frères libéraux, ses anciens frères libéraux et à pêcher un peu partout au sein des partis, des mouvements quelle que soit leur obédience politique. Donc ça c’est très clair. Maintenant sur l’objectif recherché, ça c’est moins clair. Est-ce qu’il cherche à se présenter à un 3e mandat ? Ca on ne peut pas le dire d’une façon péremptoire, on ne peut pas également dire qu’il cherche à mettre en scelle une autre personnalité, de la trempe d’Idrissa Seck mais tout cela c’est fort probable mais on ne peut pas l’affirmer », a-t-il martelé pour avancer la théorie de la massification de la mouvance présidentielle.

Du côté du Forum civil, l’abstinence est de mise sur cette question. Mame Latyr Fall avance qu’ « étant de la société civile notamment du forum civil, je ne souhaite pas trop spéculer sur les combinaisons politiques ou politiciennes, les acteurs politiques sont dans leur rôle, maintenant il appartient à chaque citoyen sénégalais d’apprécier et de se comporter en conséquence au moment de choisir ses dirigeants ».

A quand la tenue des élections locales ?

Le calendrier républicain est perturbé par ce report des élections locales. Si certains analystes pensent que c’est un jeu politique, d’autres claironnent la théorie du complot entre les membres de l’opposition qui ne veulent pas aller en élection.

Pour Assane Samb, toujours, « c’est déjà perturbé. Les locales, on les a reportées au moins deux fois et c’est très compliqué parce qu’en réalité on est en train de prolonger des mandats que les peuples avaient confié à des gens pour un délai déterminé, et donc on devrait pouvoir respecter les délais républicains. Malheureusement entre temps, il y avait ce fameux dialogue politique et là, je ne pense pas qu’on puisse même respecter les derniers délais fixés au mois de mars. Il devait y avoir prolongation et même couplage des élections législatives et des locales en 2022. Ce qui serait bien entendu dommage parce que tout de même, au regard de l’esprit de la décentralisation et du fait qu’on devrait davantage pouvoir respecter les maires et les élus locaux et surtout respecter le mandat qui leur a été donné par le peuple », explique-t-il.

« Mais tout cela on est en train de le gérer et allègrement d’ailleurs on s’en moque, ça arrange tout le monde apparemment, ça arrange même l’opposition. Les gens ne veulent pas trop aller en élection parce qu’ils sont déjà élus quelque part etc. Mais je trouve que le carnet républicain est assez sacré et dans une démocratie qui se respecte il faut bien que les gens s’en tiennent au délai imposé par le peuple » , a-t-il ajouté.

Le forum civil quant à lui n’a jamais cessé de rappeler aux autorités politiques le respect des lois et règlements de notre pays. La preuve, ces derniers ont livré une résolution dans laquelle ils appellent à la fixation de la date des élections municipales et départementales pour le respect de la souveraineté du peuple.

En route vers 2024

Le troisième mandat du président Sall reste un débat sans fin. Pendant ce temps, Macky Sall s’ouvre à l’opposition. Si l’on se fie aux propos de notre confrère Salla Gueye, « le fait qui prouve les velléités d’aller en 2024, est la task-force qu’il a mise en place. Ce, en sus des conférences de presse du gouvernement. De telles innovations semblaient nécessaires si l’on sait que, du fait de la Covid-19, il n’a pas initié, depuis presque une année, de grandes réalisations. Il fallait donc une nouvelle stratégie de communication pour essayer de montrer aux Sénégalais que ses promesses de campagne électorale pour lesquelles, il a été réélu en février 2019, sont en train de se matérialiser », avance t-il.

Pour l’analyste politique du quotidien REWMI, Assane Samb, Macky Sall a un « objectif assez clair à ce niveau-là, clair à son niveau mais moins clair pour nous autres qui l’observons. Dans tous les cas il est en train de manœuvrer d’une façon très serrée pour regrouper le maximum de personnes, de leaders politiques autour de sa personne. Aujourd’hui, il reste moins de gens dans l’opposition. L’opposition est plus affaiblie aujourd’hui qu’avant », explique Assane Samb.

« Mais la nature ayant horreur du vide, il faudra s’attendre qu’il y ait un certain redynamisme de l’opposition dans les prochains mois, parce que tout de même il reste de fortes têtes de la trempe de Sonko, Abdoul Mbaye, Khalifa SALL et le PDS, ils n’ont pas encore dit leur dernier mot. Je pense qu’il reste un peu de perspectives, de bonnes perspectives pour l’opposition même si, Macky Sall est en train de tout faire pour avoir le maximum de personnes autour de lui », a-t-il ajouté.

Le cas  « Sonko » et le reste de l’opposition…

« En ce qui concerne « Sonko, c’est un opposant et il est dans son rôle. Aujourd’hui les circonstances ont fait qu’il est pratiquement « le chef de l’opposition » en tout cas, selon certains observateurs. Par conséquent, son discours on peut le comprendre c’est un discours pour essayer de tranquilliser davantage les sénégalais. Qu’ils soient confiants parce qu’il y a un manque de confiance du peuple à l’égard des hommes politiques. Ce qui fait d’ailleurs qu’il est en train de crédibiliser un peu son programme et donc véritablement de pousser les gens vers sa personne. Mais ça c’est très politique, c’est normal. Il essaie de travailler son image, je trouve que c’est tout à fait normal mais c’est des paroles d’un politique, est-ce qu’il va les appliquer ou pas, on ne peut pas le savoir maintenant. Dans tous les cas, tous ceux qui nous avaient fait des promesses jusqu’ici ne les ont pas tenues », affirme Assane Samb.

Après l’échec des négociations avec Me Abdoulaye Wade, le président Sall a tenté Idrissa Seck et autres membres de l’opposition à travers le dialogue national. Mais là aussi, Idrissa Seck, en fin stratège, n’a pas accepté cette « offre » sans les garanties nécessaires. Qu’est-ce qu’il y gagne en contrepartie ?

Salla Gueye a sa réponse. « Idrissa Seck pourrait bien être soutenu par Macky Sall, qui est, ne l’oublions pas, son frère libéral. D’autant plus que, même si les dispositions de la Constitution sont jusque-là sujettes à controverses à propos d’une possibilité pour lui de se présenter pour la troisième fois, il aura du mal à convaincre l’opinion. C’est pourquoi, le Président Sall aurait certainement besoin d’un successeur qui lui serait « proche » pour une transition douce. Et dans ce cas, s’il ne trouve pas, au sein de son parti, quelqu’un qu’il juge présidentiable, Idrissa Seck, arrivé deuxième lors de la dernière Présidentielle, et du fait de son expérience, pourrait tenir tête à cette opposition dite radicale incarnée par Ousmane Sonko. En coalition avec Idy, Macky Sall pourrait également s’adjuger une base politique solide dans les différentes collectivités territoriales lors des prochaines Locales », conclut t-il sur ce sujet.

Un sujet à multiples équations dont seul Macky Sall, semble pour le moment connaître l’issue. Le labyrinthe est posé, gare aux perdus.

Avec Senenews