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Richard Hoskins, expert en sorcellerie et meurtre rituels

Apr-News / Richard Ho skins, expert en sorcellerie et meurtre rituels
Mercredi, 28 février 2018

Richard Hoskins, expert en sorcellerie et meurtre rituels

APRNEWS - L’auteur de «L’Enfant dans la Tamise» dénonce le détournement de certaines croyances africaines par les Eglises revivalistes.

Il s’apprête à décoller pour Bangkok, sur les traces d’un médecin qui a torturé une fillette à Londres en lui plantant des aiguilles sous la peau pour la désenvoûter. Richard Hoskins, 51 ans, est un drôle d’oiseau. Docteur ès théologie, spécialiste des affaires culturelles et religieuses auprès de Scotland Yard et documentariste, le Britannique a l’âme d’un Indiana Jones et le flegme d’un Sherlock Holmes.

Né dans une famille de la classe moyenne, l’homme a passé dix ans, de 1988 à 1998, à installer des frigos à vaccins dans le Bolobo, en République démocratique du Congo (RDC). Il raconte dans son livre, L’Enfant dans la Tamise, son coup de foudre pour le pays, ses habitants, sa passion pour les croyances locales. Et le basculement, après que sa femme a accouché là-bas de jumelles : l’une est mort-née, l’autre un an plus tard dans des circonstances étranges. Rentré au Royaume-Uni, le père éploré se consacre à ses études de théologie. Une vie tranquille d’universitaire à Bath, interrompue par un mystérieux coup de fil.

Ce 21 septembre 2001, c’est Scotland Yard qui le sonne : le torse d’un jeune garçon noir vient d’être repêché dans la Tamise. Le mode opératoire fait penser à un crime rituel. Du fleuve Congo aux rives de la capitale britannique, l’eau charrie les mêmes histoires. Bombardé criminologue, Richard Hoskins, peut désormais agir.

A Londres, il contribue à la résolution de centaines d’affaires, met au jour des réseaux de trafics d’enfants aux fins de cérémonies macabres, mais aussi les pratiques déviantes de pasteurs à la tête d’Eglises revivalistes. «Des extrémistes», selon l’expert, qui encouragent les parents à torturer pendant plusieurs jours leurs enfants accusés d’être des sorciers ; certains conseillant un exorcisme sur le continent africain. Richard Hoskins retourne même en RDC pour retrouver un enfant, prénommé «Londres», envoyé à Kinshasa pour subir un désenvoûtement dans ce qui ressemble à une maison de torture.

Tortures et exorcismes

Chez les pasteurs comme chez les familles, le même mot revient : «Kindoki», qui désigne un esprit mauvais. Un médecin de Bolobo le guérissait avec une potion à base de plantes, se souvient Richard Hoskins. Aujourd’hui, le mal se soigne à coups de chapelet :

«Certaines Eglises revivalistes d’Angleterre ont fait un mélange entre le “kindoki”, l’évangélisme et le mouvement charismatique. Ils ont créé une sorte de monstre. La nouveauté, c’est qu’ils prennent les enfants comme boucs émissaires. L’enfant est responsable d’attirer le malheur sur la famille. Ces tortures-là, je n’ai jamais vu ça au Congo. Jamais.»

Un chef de village confirme:

«Autrefois, on n’aurait jamais dit qu’un enfant pouvait être atteint de “kindoki”. C’est ridicule ! Et même si un adulte en souffrait, il n’y aurait jamais eu tous ces coups et ces cris. On lui aurait fait une tisane à base de plantes, le malade en aurait bu quelques jours, et ça l’aurait guéri. (…) C’est à cause de ces nouvelles Eglises. Les pasteurs racontent des histoires afin de soutirer de l’argent à des gens simples pour qu’on exorcise leurs enfants. Ils peuvent garder les enfants en otage aussi longtemps qu’ils veulent. C’est du racket ! Ces gens sont corrompus !»

Aux services sociaux qui se méfient de cet « homme blanc qui s’occupe des affaires noires », Hoskins répète que la torture n’est pas liée aux croyances africaines. « Je me souviens de l’affaire d’un enfant maltraité pendant cinq jours à Londres. L’homme a expliqué qu’il avait agi ainsi parce que c’était sa culture. Au tribunal, j’ai répondu que la sorcellerie existait, pas seulement en Afrique d’ailleurs, mais que les croyances africaines n’étaient pas intrinsèquement mauvaises. Partout dans le monde, il y a des extrémistes qui détournent les croyances. »

Pour Richard Hoskins, les affaires de kindoki qui se déroulent à Londres engagent la responsabilité du Royaume-Uni. Fustigeant l’attitude de la justice qui craint d’offenser les personnes dans leurs pratiques culturelles et d’être perçue comme raciste, il se place du côté de la protection de l’enfance :

«Il est faux de penser que dénoncer ces actes de torture, c’est être raciste. C’est un paradigme périmé, hérité du passé colonialiste. Aujourd’hui, nous sommes ensemble. Nous devons marcher main dans la main. Dénoncer l’ignominie, qu’importe la couleur de peau. Torturer, c’est un crime. Nous devons être d’accord là-dessus, insister encore et encore.»

Par Gladys Marivat