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Retrait de la CADHP : Réactions divergentes après la décision de la Côte d’Ivoire

Photo d'illustration - CADHP - Actualité - Abidjan - Cote d'Ivoire
Jeudi, 30 avril 2020

Retrait de la CADHP : Réactions divergentes après la décision de la Côte d’Ivoire

Le mercredi 29 avril 2020, lors du Conseil des ministres, le gouvernement ivoirien a décidé de retirer la signature particulière de l'État à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), afin qu'il ne soit plus possible pour un individu ou une personne morale de droit privé ivoirien, de saisir cette juridiction continentale, s’il constate des violations des droits de l’homme. 

Pour savoir ce qu’ils pensent de cette décision, Aprnews a contacté juristes, défenseurs des droits de l’homme et acteurs politiques ivoiriens. Des réactions qui vont dans tous les sens.

Koné Nontihès est la première vice-présidente de l’APDH (Actions pour la Protection des Droits de l’Homme en abrégé), l’Ong qui avait saisi la CADHP en 2014 sur l’affaire de la réforme de la CEI. Même si sa structure n’a pas encore officiellement réagi à la décision du gouvernement ivoirien, elle a accepté de donner son avis en tant que défenseure des droits de l’homme. Pour elle, ce retrait de la signature ivoirienne constitue un recul dans la protection des droits de l’homme. 

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« Je trouve que c’est un recul en matière de protection des droits de l’homme. Parce que, nous, en tant que défenseurs des droits de l'homme, nous menons régulièrement des plaidoyers auprès des États, pour qu’ils ratifient les conventions. Lorsqu’en 2013, la Côte d’Ivoire a fait la déclaration pour reconnaître la compétence de la CADHP, nous avions vu en cela une grande avancée dans la protection des droits humains. Une chose est de ratifier les conventions, mais il faut aussi participer à la protection des droits l’homme. Aujourd’hui, l'État ne fait pas bien de retirer sa déclaration de reconnaissance de compétence de la CADHP. C’est un grand recul. En Europe, on voit la Cour européenne des droits de l’homme qui condamne régulièrement la France. Ce n’est pas pour autant que la France retire sa reconnaissance de compétence à cette Cour. Cette décision du gouvernement ivoirien est vraiment regrettable ».

Issiaka Sangaré, Secrétaire général du Fpi (tendance Affi N’Guessan), a aussi déploré cette décision du gouvernement. Pour lui, « l’État ivoirien vient principalement de retirer aux individus et aux personnes morales la compétence de saisir cette juridiction, toutefois qu’ils sentiront leurs droits violés. C’était un aspect de liberté pour garantir aux justiciables ivoiriens, et devant des situations qui les mettait en difficulté avec l'État, de pouvoir se défendre. Une telle décision, dans un environnement comme celui-là, nous met dans une posture où nous constatons un allégement des libertés en matière de droits reconnus aux citoyens. C’est un recul des droits citoyens tels que conférés par la démocratie. Dans une certaine mesure, on peut même qualifier cela de recul de la démocratie », a-t-il déploré à son tour. 

« Les organisations internationales souffrent (…) la Côte d’Ivoire, un pays souverain » 

Joint également, le juriste et politologue Geoffroy-Julien Kouao a, dans un premier temps, condamné cette décision de l'État de Côte d‘Ivoire. « Ce retrait de la signature particulière montre que pour la Côte d’Ivoire, la protection des droits humains n’est plus une priorité, mais un luxe juridique dont elle peut se passer », a-t-il confié, de prime abord. Mais Geoffroy-Julien Kouao a ajouté que cette décision ivoirienne est légale, puisqu’elle en a le droit, conformément aux règles juridiques qui lient les pays aux organisations internationales. « Les organisations internationales souffrent de leurs statuts juridiques. Elles ne sont pas souveraines. Par contre, les États membres de ces organisations, eux, sont souverains. La conséquence est que, les États membres peuvent à tout moment, et de façon unilatérale, quitter ces organisations internationales. C’est dans cette logique que la Côte d’Ivoire, État souverain et membre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a décidé de retirer sa signature initiale », a-t-il rappelé. Il a précisé par ailleurs que cette décision ne signifie pas que la Côte d’Ivoire quitte le protocole de la Cour. « Elle demeure donc membre. Seulement, en retirant sa signature spéciale, les personnes physiques, et moral de droit privé ivoirien, ne peuvent plus saisir la Cour. Ce privilège est désormais réservé, exclusivement, à l’État de Côte d’Ivoire, en tant que personne morale », a-t-il spécifié.

Intervenant mercredi sur Rfi, le ministre Ally Coulibaly, ministre par intérim des affaires étrangères, a estimé que la Côte d’Ivoire en avait marre de voir la CADHP contredire constamment les décisions de sa justice, « la fragilisant ainsi, aux yeux de tous. Cela devient insupportable à la limite, et ça fait désordre ». Il a estimé que la justice ivoirienne qui est « suffisamment impartiale », est capable répondre aux préoccupations des citoyens du pays. 

​La rédaction APRNEWS
Anne-Marie Kacou