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Nigeria : Le président Buhari perd ses alliés

apr-news/ Le président Buhari perd ses alliés
Jeudi, 26 juillet 2018

Nigeria : Le président Buhari perd ses alliés

APRNEWS- Le chef de l'État, qui compte briguer un second mandat vient d'essuyer un revers cuisant à l'approche des primaires de son parti en août, avec la défection de dizaines de parlementaires de son propre camp.

Tremblement à Abuja. À quelques jours des vacances parlementaires, ils sont 14 sénateurs et 37 membres de la Chambre des représentants à quitter le parti du président Muhammadu Buhari pour rejoindre l'opposition, dans un contexte de graves dissensions internes à un peu plus de six mois de la présidentielle. Le Congrès des progressistes (APC, au pouvoir) était jusque-là considéré en position de force pour remporter les élections générales prévues en février 2019.

Que reprochent-ils au parti au pouvoir ?

L'immense majorité d'entre eux dénonce un mode de gouvernance autoritaire et l'impuissance du pouvoir à endiguer les violences qui se propagent depuis des mois dans le pays.

Mais de nombreuses voix s'élèvent depuis des mois contre l'inefficacité de sa lutte contre la corruption et les difficultés quotidiennes rencontrées par la majorité des Nigérians, après une grave récession économique en 2016. Il est également très critiqué pour son incapacité à rétablir l'ordre, alors que le Nigeria est confronté à des conflits multiples, entre violences agro-pastorales dans le centre, insurrection djihadiste dans le nord-est et groupes rebelles dans le sud pétrolier. Début juillet, plus de 30 partis, dont le PDP, ont formé une alliance contre la candidature du chef de l'État à sa propre succession.

Dans le même temps, un groupe dissident a lancé un nouveau mouvement – l'APC réformé (rAPC) – au sein du parti au pouvoir, dénonçant « la catastrophe monumentale » qu'a été la présidence Buhari depuis 2015. Les rumeurs de défections massives couraient depuis des semaines, sur fond de rivalités persistantes entre l'exécutif et les législateurs, qui ont dénoncé à plusieurs reprises une « chasse aux sorcières » ciblant les opposants présumés.

Ils ont rejoint le principal parti d'opposition, le Parti démocratique populaire (PDP). Le président du Sénat Bukola Saraki, dont les divergences avec le président Buhari sont notoires bien qu'il soit toujours officiellement membre de l'APC, a ironisé mardi, disant que les transfuges avaient « décampé ». Évoquant un complot qui le viserait lui et ses collaborateurs à rester dans un parti où « l'injustice est perpétrée au plus haut niveau et où le respect du constitutionnalisme n'est pas respecté. »

Dans un communiqué, le président Buhari a affirmé son « total engagement aux valeurs de la démocratie », demandant à ses partisans de ne « pas désespérer » et promettant que « le parti n'en subira aucun tort ou préjudice. » Et pourtant, le parti au pouvoir se retrouve en minorité au Sénat. Buhari a beau rassurer, il devra peut-être compter sur un autre opposant face à lui lors de la présidentielle. Parmi les sénateurs ayant rejoint l'opposition, Rabiu Kwankwaso, un ancien gouverneur de l'État de Kano très influent, qui a été pressenti comme candidat potentiel pour la présidentielle de 2019. Kwankwaso ne s'est pas encore exprimé sur la question, mais il pourrait devenir un rival de poids au sein du PDP face à l'ancien vice-président Atiku Abubakar, qui a lui aussi quitté l'APC l'an dernier et ne cache pas ses ambitions présidentielles. De son côté, le secrétaire national du PDP, Kola Ologbondinyan, a salué les défections comme « un bon développement pour notre culture démocratique », accusant le chef de l'État d'« intimider » et de « harceler » l'opposition.

Buhari minimise la crise

Buhari, ancien général de 75 ans qui dirigea la junte militaire au pouvoir dans les années 1980, s'est fait élire en 2015, se décrivant comme un « démocrate converti ». Il bénéficie d'un fort soutien populaire dans le nord majoritairement musulman, dont il est issu, et de sa position de président en exercice, dans un pays où la victoire revient traditionnellement au sortant après un premier mandat. De nombreux responsables politiques visés par la justice pour corruption appartiennent au PDP.

Bukola Saraki, qui avait quitté le PDP pour l'APC avant la présidentielle de 2015, est soupçonné d'être à l'origine du rAPC, un groupe dissident au sein du parti, ce qui permet aux élus de garder leur poste – et des ralliements massifs à l'opposition. La Cour suprême du Nigeria a levé récemment des accusations de corruption qui pesaient contre lui au terme d'une longue bataille judiciaire.

Mais le président du Sénat était convoqué mardi par la police nigériane, accusé d'avoir commandité une série de braquages de banque dans son fief politique, l'État de Kwara, en avril dernier. Saraki a dénoncé un « stratagème » pour empêcher les défections imminentes de parlementaires et, mardi matin, les forces de police ont encerclé sa résidence à Abuja. Le bras de fer ne fait que commencer.

Avec Le Point