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Mali, démission du président IBK: gare aux lendemains qui déchantent

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Mercredi, 19 août 2020

Mali, démission du président IBK: gare aux lendemains qui déchantent

Les militaires de la plus grande garnison du Mali ont fini, disent-ils, par prendre fait et cause pour le peuple du Mali, en ébullition depuis le mois de juin à Bamako et réclamant le départ de leur président élu une première fois en 2013 et réélu triomphalement en 2018. Vérité des urnes en deçà des  Pyrénées ou du Mont Koulouba, erreur au delà, dirait l’autre.

Affaibli et humilié par le rapport de force, le président IBK, qui se prévaut des origines princières rattachées au grand Mandé et à l’improbable Soundjata Keita, mythe fondateur de ce peuple de grand bâtisseurs qui embrasse la Guinée, le Mali, le Burkina Faso et le Nord Côte d’Ivoire, a été trainé jusqu’au camp de Kati, “le camp Soundjata”, dans ce lieu chargé d’histoires – et de légendes – où le fils de Sogolon, vainquit son infirmité en brisant une barre de fer, début de son règne qui marquera le 13 ème siècle de tout l’ouest africain.

C’est donc dans ce lieu mythique de l’ancêtre auquel les griots maliens aimaient à le rattacher, au son de la Kora, que le président IBK a été trainé de force sous les youyous de la foule, alors que derrière lui, sa maison est soumise aux pillages dans ce qui rappelle, toutes époques étant différentes par ailleurs, la mise à sac de la maison de Mobutu dans son village de Gbadolite en 1997. “Ville cruelle”, écrivait Mongo Beti.

L’armée malienne aura manoeuvré, évitant le mot “coup d’Etat” pour procéder avec méthode à la destitution du chef de l’État Ibrahima Boubacar Keita (IBK). “Ceci n’est pas un coup d’Etat, mais l’acte de démission du chef de l’Etat”, hurle un militaire, le doigt trainant sur une vieille kalachkinov qui a sûrement du vécu vu l’étui raillé et le fil de fer sur le chien. En mettant un manteau légal sur l’opération de destitution du président IBK, les militaires poussent la CEDEAO, l’Union Africaine et l’ONU, qui avaient condamné un “coup d’Etat”, à revoir leur copie.

L’on se dirige vers la jurisprudence Zimbabwé où le coup de force de l’armée contre le vieux Robert Mugabé fut habillé de la légitimité suite aux promesses données par la junte d’une rapide transition suivie des élections présidentielles qui ont d’ailleurs permis à la ZANU-PF, parti chargé d’histoires, de se perpétuer. Au Mali, d’aucuns estiment que la coalition présidentielle cristallisée autour du président et ne partageant aucune idéologie, aucun programme autre la vision du pouvoir comme butin à se partager, s’effondrera avec lui. Car quoi de plus hétéroclite qu’un gouvernement comprenant Abdoulaye Daffé, ministre de la Finance et Tibélé Dramé, l’opposant -qui s’auto-condamne au partage du passif- comme ministre des Affaires Etrangères ?

Bref, après la démission ou la destitution, l’heure est aux interprétations juridiques d’un acte qui, passé l’euphorie de l’homme de la rue, doit être qualifié sachant que chaque épithète renvoie à des conséquences économiques et financières importantes, en termes de pricing des lettres de crédit, de spread des obligations du pays, de suspension ou non des lignes de crédit des banques confirmatrices, de gel du programme FMI, suivi de ceux des partenaires techniques et financiers, et.

Coup d’Etat, destitution ou démission ?

Que doit-on faire si les institution ont perdu leur capacité d’autorégulation par le fait d’une révolte populaire ? Quand les institutions sont rendues inopérantes par la présumée “trop forte corruption” d’un clan au pouvoir mettant en danger l’indépendance et la sécurité de la nation ? Dans les deux cas, l’intervention de l’armée est délicate quand bien même, comme le clame la junte du 18 août (En Guinée, Dadis Camara n’en disait pas moins) , c’est pour le salut de la Nation. La garantie de l’intérêt général et de la sécurité publique est dans le respect de la constitution et non dans les bonnes intentions de l’armée.

Selon un observateur, l’intervention de l’Armée paraît dans le cas précis du Mali comme un mode de régulation d’un système politique bloqué et désuète. En effet, argue-t-il, face à un pouvoir mis à nu, désorienté et dépourvu de tout ressort politique depuis plusieurs mois. Et, face à l’absence d’Etat, une intervention de l’Armée sans coup férir, tel une simple formalité, sauve le pays et lui donne les moyens de rebondir. Rien de moins sûr.

La suite reste à écrire. Un rude défi à l’intelligence collective du peuple malien qui a porté son armée en triomphe. L’armée est perçue comme le moyen de sauver la République face à une démocratie qui a donné le droit du vote mais pas celui de la transparence dans la gestion des deniers publics et de la reddition des comptes. Mais gare aux lendemains qui déchantent. De Kidal à Tombouctou, on ne le sait que trop bien, la force du droit ne peut être équivalente au droit de la force.

Financial Afrik