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Madani Tall : Le piège du moratoire sur la dette des pays...

Photo d'illustration - Economie Africaine - Actualité - Afrique
Jeudi, 23 avril 2020

Madani Tall : Le piège du moratoire sur la dette des pays...

Le moratoire sur l’échéance de la dette et même son l’annulation que je privilégiais dans un premier temps ne sont pas des solutions rigoureuses puisqu’elles ne font que repousser les problèmes et non les régler.

D’abord mitigeons l’idée fausse du surendettement de L’Afrique. Le PIB de l’Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud est d’environ 1,500 milliards de dollars et sa dette d’environ 365 M.$. soit 24%. A titre indicatif :la France a un PIB d’env. 2,780M.$ pour une dette d’env. 110% les Etats-Unis une dette de 23,000M.$ pour 20,000M.$ de PIB : 115%.

Alors on peut sans erreur affirmer que le Japon dont la dette égale 238 % du PIB est surendetté, mais il faut mitiger pour l’Afrique avec des pays comme le Nigéria dont la dette ne dépasse pas 19% ou le Botswana à 13%. Il y a confusion : l’Afrique n’est pas surendettée, elle est pauvre !(n’ouvrons pas le débat de la richesse humaine ou en minerais).

La dette africaine représente 0,5% des 78 000 M.$. de valeur produite par le G20 chaque année. Son annulation comme l’a soutenu le Président Macron ne mettrait pas le G20 en danger. Par contre, le moratoire qui va libérer 20 M.$, qui ne résoudront rien pourrait s’avérer dangereux pour les pays qui ont de réels projets de développement.

Le moratoire pourrait être une condition suspensive à l’accès aux prêts non concessionnel. Des pays comme la Cote d’ivoire ou le Sénégal qui ont durement gagné la liberté d’intervenir sur les marchés des capitaux grâce à une bonne gouvernance budgétaire pourrait ne plus y avoir accès.

La solution de vérité serait plus d’équité et de justice dans l’accès de nos pays aux financements. Et ce n’est pas le cas.

Il nous a été demandé d’accepter la concurrence, d’ouvrir nos marchés aux investisseurs étrangers, d’assainir nos finances, privatiser nos entreprises, avec la promesse de bénéficier des avantages de la globalisation libérale.

Nous avons fait tout cela, mais la promesse ne sera pas tenue tant que nous ne bénéficierons pas d’un même taux d’intérêt que les pays occidentaux car en réalité, ce sont ces primes de risque arbitraires qui plombent l’essor des économies Africaines.

La France ou les USA dont la dette survole 115% du PIB empruntent à quasiment 0% et la Cote d’Ivoire avec une dette à 35%, une économie saine et structurellement excédentaire, première dans tout ce qu’elle exporte est obligée d’emprunter à 6%. Cela est paradoxal même au regard du risque politique puisque ce pays comme nombre de pays africains n’ont jamais eu de défauts de paiement. là où même un simple particulier européen emprunte à moins de 1%.

La justice économique réclame que les Africains eux aussi bénéficient des conditions réelles du marché. La véritables mesure serait que le FMI rachète la dette et la redonne à taux zéro aux pays africains. Sans léser les créanciers, l’Afrique accéderait aux mêmes taux au lieu des 5-6% imaginaires qui affectent nos économie et plombent le développement.

Le Ministre des Finances du Bénin a récemment rappelé que plutôt que des annulations ou moratoires de dette, le FMI pouvait procéder à une ré-allocation en DTS comme ce fut le cas durant la crise de 2008 où 250 M.$ avaient été ainsi débloqués. Nous pensons cette piste est plus viable.

Il appartient donc aux Africains de réclamer plus d’équité, et quant au bien fondé du moratoire, de suivre le conseil de Pline l’Ancien : « Si tu doutes, abstiens-toi d’agir, car l’équité brille assez d’elle-même et le doute semble envelopper dans son obscurité quelque dessein d’injustice ». Dieu veille.