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L'industrie de l'armement manque d'éthique

APRnews-Armement
Lundi, 9 septembre 2019

L'industrie de l'armement manque d'éthique

APRnews - Amnesty International vient à nouveau remuer la quiétude de l’eau. Cette fois-ci, c’est l’industrie de l’armement qui est dans la ligne de mire de l’ONG, qui dénonce ce qu’elle appelle le manque d‘éthique de ce secteur dont le caractère lucratif ne fait l’ombre d’aucun doute. Dans un rapport, Amnesty fait savoir que les grands marchands d’armes profitent des violences dans le monde pour écouler leurs marchandises de la mort.

Selon l’ONG, les régions les plus secouées de la planète font les choux gras des géants de l’armement, ce qui leur fait épouser le vieil adage selon lequel le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dans le rapport, l’on peut lire, entre autres, que ‘‘Chaque année, les entreprises fournissent d’importants volumes d’équipement militaire aux régions les plus violentes et les plus instables du monde. Cet équipement est souvent utilisé de façon illégale dans des conflits marqués par de sérieuses violations des droits humains et du droit humanitaire.’‘

Amnesty ne manque pas de préciser que les marchands d’armes sont pourtant tenus de veiller au bon usage de leurs produits, conformément aux accords de l’ONU et de l’OCDE relatifs à l’usage des armes vendues. En d’autres termes, les fabricants et vendeurs d’armes sont dans l’obligation de veiller à ce que l’utilisation de leurs produits n’entrave pas les droits de l’Homme. Ce qui, aux yeux d’Amnesty, est loin d‘être le cas.

Nous stopperons de vendre (nos armes) lorsque le gouvernement britannique nous dira de stopper.

Prenant le taureau par les cornes, l’ONG est allée jusqu‘à interroger les entreprises spécialisées dans la vente des armes. 22 de ces géants ont été contactés par Amnesty International. Parmi eux, des fabricants chinois, américains, européens, russes, brésiliens, mais aussi israéliens. But de la manœuvre ? Chercher à savoir ce que font ces marchands d’armes pour éviter que leurs produits ne se retrouvent entre des mains mal intentionnées.

Quelques géants de l’armement s’en défendent
Mais la tâche de l’ONG s’est avérée ardue. Sur les 22 géants de l’armement sollicités, seulement… 8 ont répondu à l’appel. Il s’agit de Leonardo, Rolls-Royce, Thales, Lockheed Martin, Airbus, BAE Systems, Raytheon et enfin, Saab.

Les huit cités ont tous vendu leurs produits dans la très médiatisée et sanglante guerre du Yémen, pour ne citer que celle-là. A ce propos, un groupe constitué d’experts des Nations unies a publié le 3 septembre dernier un rapport dans lequel il faisait état du caractère ‘‘discutable’‘ de la légalité même de ces livraisons d’armes.

Pourtant, aux dires des entreprises citées, elles ont observé un chapelet de codes de conduite doublé d’engagements éthiques dans cette affaire. S’adressant à Amnesty International, les concernées montrent patte blanche : ‘‘Airbus mènera toujours ses affaires de manière éthique.’‘, ‘‘Leonardo soutient les droits de l’homme.’‘ , ‘‘Lockheed Martin cherche en permanence à améliorer les standards et les contrôles pour une conduite commerciale éthique.’‘, ‘‘Raytheon a un engagement fort et un grand respect pour les droits de l’homme.’‘

Ne se laisant pas convaincre, Amnesty froisse l’argumentaire des marchands d’armes : ‘‘Aucune entreprise n’a mis en place de politiques sérieuses ou de procédures spécifiques lorsque, par exemple, leur commerce implique les parties d’un conflit ou des gouvernements confrontés à des bouleversements politiques. Aucune entreprise n’a pu citer de cas concrets dans lesquels des mesures ont été prises ou des livraisons et services suspendus.’‘

Cependant, il faut regarder plus haut afin de situer les responsabilités. Avant qu’un fabricant d’armes n‘écoule sa marchandise, il lui faut inévitablement l’aval de l’Etat dont il dépend. Cette réalité constitue la meilleure tactique de défense de l’industrie de l’armement, qui tente ainsi de minimiser sa part de responsabilité dans les dégâts commis ça et là à travers le globe.

L’une des meilleures illustrations de cette stratégie des marchands d’armes (surnommés ‘‘les marchands de la mort’‘ par leurs détracteurs, NDLR) est la déclaration de choc faite en 2016 par Roger Carr, le président de BAE Systems. Carr lâchait : ‘‘Nous stopperons de vendre (nos armes) lorsque le gouvernement britannique nous dira de stopper.’‘

Un doigt pointé sur les Etats
A ce titre, un spécialiste de l‘éthique français interrogé par nos confrères de RFI et qui a requis l’anonymat fait entendre que ‘‘Ce n’est pas aux entreprises (de l’armement) d’aller s’occuper de la guerre et de la paix, de l’Éducation et de la pauvreté. C’est aux Etats de s’occuper de ça. La position est simple : fermez-là. Si l’Etat a décidé de vendre, on ne va pas dire non. L’entreprise vend là où on lui dit de le faire.’‘

Justement, toujours dans son rapport, Amnesty International pointe un doigt accusateur sur la collusion qui prévaudrait entre les Etats et les marchands d’armes : ‘‘Bien qu’elles soient des entités distinctes, les grands industriels de l’armement maintiennent des relations très fortes avec les Etats dans lesquels elles ont leurs sièges sociaux, qui sont généralement leurs principaux clients.’‘

Comme alternative, l’ONG demande aux industriels de l’armement de s’inspirer de l’exemple de certains géants de l’industrie pharmaceutique. Ces derniers refusent de vendre leurs médicaments à certains Etats en cas de doute. En effet, des pays tels que la Chine, la Thaïlande, les Etats-Unis et le Viêtnam font usage de médicaments afin d’exécuter des condamnés à mort. Ce qui n’est pas du goût de certains ténors de l’industrie pharmaceutique, qui refusent de participer aux exécutions en bloquant la vente de certains de leurs produits.

Les grands fabricants et marchands d’armes rejoindront-ils les industriels du secteur pharmaceutique dans leur démarche ? Au vu des enjeux financiers et de l’ampleur de la demande étroitement liée au nombre croissant des conflits dans le monde, ce ne sera peut-être pas demain la veille.

Avec Agence