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La contraception masculine existe, même si elle est mal connue

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Dimanche, 8 août 2021

La contraception masculine existe, même si elle est mal connue

Slip chauffant, injection, vasectomie, préservatif… Sécurité pour certains, pas vers l’égalité homme/femme pour d’autres, quelles sont les méthodes disponibles en matière de contraception masculine ?

Où en est la pilule pour hommes ? Si selon les Nations unies, 63% des femmes âgées de 15 à 49 ans dans le monde utilisaient un moyen de contraception « moderne » en 2012, le contrôle de la fertilité masculine demeure un angle mort des recherches et des pratiques. Hors du préservatif, point de salut !

Mais si la « capote » reste le seul moyen de se prémunir contre les infections sexuellement transmissibles, elle peut se rompre ou être oubliée. La pratique courante du retrait, elle aussi, manque de fiabilité, puisqu'elle diminue par quatre le risque de grossesse, et que celui-ci reste donc élevé.

D’où l’intérêt de la contraception masculine : mal connue, souvent peu accessible, elle est une solution de plus à la portée des couples. En 2002, déjà, une étude menée sur quatre continents affirmait que 55% des hommes interrogés étaient intéressés par une méthode contraceptive autre que le préservatif et le retrait. 

Mais pour comprendre les différentes méthodes de contraception masculine disponibles, il faut d’abord s’attarder un peu sur le fonctionnement de l’appareil génital masculin lui-même. La production des spermatozoïdes, la spermatogénèse, s’étale sur un cycle d’environ trois mois. Son bon déroulement dépend de plusieurs facteurs, dont un apport normal en testostérone et une température testiculaire n’excédant pas les 35° celsius.

Un homme est considéré fertile à partir du moment où il dispose d’un million de spermatozoïdes par millilitre de sperme. Les méthodes de contraception ont donc pour but de faire passer l’homme « contracepté » en dessous de ce taux pour éviter une grossesse, un processus qui prend en moyenne 3 mois, le temps d’un cycle de production des spermatozoïdes. La méthode doit aussi être réversible, l’homme devant pouvoir retrouver sa fertilité, et sans danger pour la santé.

  • La vasectomie

Commençons par la vasectomie, la méthode contraceptive pour les hommes la plus ancienne et la plus sûre. Très répandue dans certains pays – 50 millions d’hommes dans le monde l’ont subie, notamment en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Chine et en Espagne, elle pâtit encore parfois d’une mauvaise image. En France, moins de 1% des hommes l’ont adoptée. Pourtant, elle n’a pas d'effet secondaire et nécessite une opération légère et peu coûteuse.

En coupant le canal déférent, qui permet aux spermatozoïdes d’être éjectés des testicules, l’homme vasectomisé s’assure une contraception définitive au bout de trois mois. Pratiquée en chirurgie non invasive, elle ne nécessite ni anesthésie générale ni hospitalisation.

L’andrologue Eric Huyghe en pratique plusieurs par semaine dans son cabinet de Toulouse, dans le sud de la France et selon lui, la demande est croissante : « La vasectomie se développe de plus en plus, il y a un réel engouement, observe-t-il. Cette méthode est particulièrement adaptée à un homme ou un couple qui ne souhaite plus avoir d’enfants, même si elle peut être réversible. » L’homme peut en effet congeler son sperme avant l’opération afin de l’utiliser s’il change d’avis, ou opter pour une chirurgie réparatrice.

Des chercheurs, notamment en Inde et aux États-Unis, étudient actuellement des moyens de bloquer le canal déférent au lieu de le ligaturer, afin de permettre aux hommes qui le souhaitent de retrouver plus facilement leur fertilité. Mais ces différents produits restent pour le moment au stade expérimental.

Pour les hommes souhaitant une contraception plus temporaire, d’autres solutions existent. Chacune a ses avantages et ses inconvénients : à chacun de trouver celle qui lui convient le mieux.

  • La contraception hormonale

Pratiquée depuis les années 1970, la contraception hormonale masculine fonctionne sur le même principe que la pilule féminine. En France, le docteur Jean-Claude Soufir en est l’un des fers de lance. Sa méthode consiste en une piqûre par semaine d’un dérivé de la testostérone, l’hormone sexuelle masculine. Saturé, le cerveau arrête de produire les hormones qui stimulent la spermatogénèse. En un à trois mois, les testicules cessent donc de fabriquer des spermatozoïdes, et l’homme est contracepté.

Cette technique, validée par l’OMS, a également été développée dans les années 1970 en pilule journalière, associée à un gel de testostérone. Elle est efficace mais ne doit pas être pratiquée plus de 18 mois d’affilée, faute de recul sur ses effets à long terme.

Elle connaît également plusieurs contre-indications, proches de celles de la pilule pour femme. Les hommes de plus de 45 ans, avec certains antécédents médicaux, fumeurs ou obèses, doivent donc l’éviter. Elle peut également provoquer des effets secondaires, comme de l’acné, une légère prise de poids, une modification de l’humeur et/ou de la libido.

Pierre Colin, fondateur de l’association ARDECOM, qui lutte pour le développement de la contraception masculine en France depuis les années 1970, en est un fervent défenseur. « J’ai été l’un des premiers à prendre une contraception hormonale, il y a 40 ans, relate-t-il. Cela marche très bien. Les piqûres coûtent environ 10 euros par semaine et il est possible de se les faire soi-même. Cela peut sembler contraignant, mais c’est un choix personnel. Il faut choisir la méthode contraceptive qui convient le mieux à son corps et à son mode de vie. »

Pour ce militant aguerri, il est surtout fondamental que les hommes soient « contraceptés » : « La contraception, c’est une responsabilité qu’on prend et qu’on partage avec les femmes, martèle ce convaincu. On répartit les tâches, on s’occupe des enfants, on fait le ménage, pourquoi la contraception serait-elle une exception ? »

  • Slip, anneau... la contraception thermique

Un point de vue partagé par Erwan Taverne, qui a lui opté pour une contraception thermique. Le jeune homme est le fondateur de l’association GARCON, pour Groupe d’action et de recherche pour la contraception. « La contraception thermique agit sur une autre variable de la spermatogénèse, la température des testicules, explique-t-il. En remontant les testicules sur l’aine, dans le canal inguinal, on fait passer leur température de 35 à 37° celsius, ce qui bloque la production des spermatozoïdes au bout d’environ trois mois. »

Différents dispositifs existent pour placer les testicules dans la bonne position. Le seul à être encadré médicalement est le « slip contraceptif » développé par le docteur Didier Mieusset, au CHU de Toulouse. Il s’agit d’un sous-vêtement ajusté et troué, dans lequel l’homme insère sa verge afin de provoquer une remontée des testicules.

Un anneau en silicone est également disponible à la vente sur internet (mais attention, il n’est pas homologué médicalement et nécessite un avis médical), et des associations proposent des ateliers couture durant lesquels chacun peut réaliser son propre « jock-strap » sur mesure, une sorte de ceinture de lanières élastiques permettant de remonter les testicules sans gêner les mouvements du corps. Pour l’andrologue Eric Huyghe, « les trois dispositifs se valent, à condition d’être portés correctement et suffisamment longtemps, et d’être encadrés par un médecin. »

C’est en effet toute la difficulté : pour être efficaces, ils doivent être portés 15 heures par jour, tous les jours. Une contrainte qui peut sembler décourageante, mais Erwan Taverne l’assure : « Passé une période d’adaptation, on oublie totalement qu’on porte un slip ou un anneau. Pour moi, c’est un peu comme mettre mes lunettes le matin, c’est devenu un geste automatique. Et je suis soulagé d’un poids, je ne peux plus provoquer de grossesse non désirée. C’est moi qui contrôle ma propre fertilité. »

Une journée de traitement mal suivie remet cependant en cause toute l’efficacité contraceptive : pour s’assurer que tout va bien, l’homme doit donc passer régulièrement des spermogrammes [analyse du sperme en laboratoire]. Ces dispositifs sont donc peu adaptés si l’on n’a pas facilement accès à un suivi médical, mais leur intérêt réside dans le caractère naturel de la contraception : ils n’ont pas d’effets secondaires, ne sont pas nocifs pour la santé et sont entièrement réversibles.

Encore balbutiants, ces dispositifs n'en sont pas moins efficaces. « Ce qui compte, résume Pierre Colin, c'est qu'il existe une diversité de solutions, pour que chacun puisse faire le choix qui lui convient le mieux. »

Aprnews avec Rfi