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Industrie : Les diamants n’ont pas fini d’enrichir le Botswana

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Samedi, 15 mai 2021

Industrie : Les diamants n’ont pas fini d’enrichir le Botswana

En 2020, la pandémie de Covid-19 a secoué plusieurs secteurs de l’économie mondiale, y compris l’industrie des diamants. Pour le Botswana qui tire la majeure partie de ses recettes de cette pierre précieuse, le choc fut brutal. Le pays a enregistré une des plus fortes récessions économiques d’Afrique subsaharienne, estimée à -8,3 % par le FMI. Alors que le secteur retrouve des couleurs, il est temps pour Gaborone de repartir de l’avant. 

Une dépendance assumée, mais qui fait mal

Des rabais sur les prix des pierres proposées à la vente, des sessions traditionnelles de ventes annulées, une chute drastique des importations des principaux consommateurs. L’industrie des diamants a très mal vécu la pandémie de la Covid-19. Les compagnies minières ont vu leurs activités tourner au ralenti sur plusieurs mois et elles ont bien été obligées de se réinventer pour survivre. Pour le Botswana, les conséquences étaient inévitables.

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Le Botswana est le 2e producteur mondial de diamants derrière la Russie.

« Si des mesures d’endiguement strictes ont permis de limiter la propagation du virus et de sauver des vies, la forte dépendance économique à l’égard des diamants et des activités à forte intensité de contacts a entraîné une forte contraction du PIB, l’une des plus importantes d’Afrique subsaharienne », explique le FMI au moment d’annoncer la récession de -8,3 %.

« Si des mesures d’endiguement strictes ont permis de limiter la propagation du virus et de sauver des vies, la forte dépendance économique à l’égard des diamants et des activités à forte intensité de contacts a entraîné une forte contraction du PIB. » 

Parler de dépendance pour évoquer la relation entre le Botswana et son secteur minier dominé par les diamants est même un euphémisme. Le secteur compte pour 20% du PIB, 80 % des exportations, 38 % des recettes budgétaires et 23 % dans les recettes douanières... Le pays est premier producteur en Afrique et deuxième mondial derrière la Russie. Cette dépendance, l’Etat botswanais l’assume bien. Il a mis en place des mécanismes pour tirer plein profit de la richesse de son sous-sol : 22 % de taxes sur les diamants pour les compagnies minières, 10 à 15 % de royalties sur les bénéfices et des partenariats gagnants-gagnants avec ces dernières. Il n’est donc pas étonnant que le Botswana souffre autant que ses partenaires ont souffert pendant la crise.

Après la pluie, le beau temps

Malgré tout, l’industrie des diamants a fait preuve de résilience face à la crise. Elle a accepté de se réinventer pour se sortir de l’ornière et, en ces temps de reprise progressive de l’économie mondiale, elle peut retrouver le sourire. Au cours du premier trimestre 2021, le groupe De Beers, principal partenaire de l’Etat botswanais dans l’exploitation des diamants, a enregistré des revenus de plus de 1,6 milliard de dollars. Cela tranche avec le chiffre d’affaires d’environ 900 millions $ engrangé sur la même période l’année dernière, après que la société a interrompu ses sessions en mars face à la montée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

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6 milliards $ d’investissements sont prévus pour faire de Jwaneng la plus grande mine souterraine de diamants au monde.

Comme toutes les autres compagnies de diamants, De Beers profite de la reprise de la demande. A titre d’illustration, la filiale d’Anglo American a vendu 13,5 millions de carats de janvier à mars cette année, alors qu’elle n’a produit que 7,13 millions de carats dans la même période. Le solde provient des réserves accumulées l’année dernière, au plus fort de la crise.

« Alrosa et De Beers [les deux plus gros producteurs au monde, Ndlr] ont réussi à écouler les stocks excédentaires constitués au cours de l’année 2020 et sans nuire à la tarification du diamant poli qui continue de progresser […]. Ecouler autant de stocks en si peu de temps est de très bon augure pour le reste de l’année », déclare Ben Davis, analyste chez Liberum Capital, dans des propos relayés par Bloomberg.

En dehors des deux géants, la bonne santé retrouvée par le secteur des diamants a profité aux autres compagnies. Et cette reprise ne devrait pas tarder à se faire ressentir au Botswana qui veut augmenter ses volumes de production. Selon le FMI, elle devrait contribuer à une croissance économique de 8,3 % en 2021.

Investir des milliards de dollars pour produire plus de diamants

Le Botswana compte augmenter sa production de diamants en 2021 et dans les années qui suivront. Pour atteindre ce but, le gouvernement n’hésite pas à soutenir les compagnies productrices dans leurs projets d’extension. Ainsi sa coentreprise avec De Beers veut investir 65 milliards de pulas (6 milliards $) dans un projet visant à faire de Jwaneng la plus grande mine souterraine de diamants au monde.

Ainsi sa coentreprise avec De Beers veut investir 65 milliards de pulas (6 milliards $) dans un projet visant à faire de Jwaneng la plus grande mine souterraine de diamants au monde. 

En activité depuis 1982, la mine a livré des dizaines de millions de carats avec des agrandissements successifs, mais son potentiel reste encore énorme. En 2019, les deux partenaires avaient déjà lancé un projet d’extension visant à prolonger la durée de vie de la mine jusqu’en 2035 avec la production de 53 milliards de carats de diamants bruts au total. Le nouvel investissement de 6 milliards de dollars prévu est censé assurer à la mine une transition d’une opération à ciel ouvert à une opération souterraine. L’exploitation souterraine devrait commencer après 2034 et durer 20 nouvelles années.

En dehors des plans d’extension à Jwaneng, l’autre grand projet qu’appuie le gouvernement botswanais est celui de la mine Karowe. La compagnie canadienne Lucara travaille pour prolonger jusqu’en 2040 la durée de vie de l’opération qui a déjà livré deux diamants de plus de 1000 carats. Elle est à ce jour la seule mine de diamants au monde à avoir réussi cette performance.

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Karowe, la seule mine au monde à avoir livré 2 diamants de plus de 1000 carats. 

Dans les détails, le projet d’extension de Karowe consistera à investir 514 millions de dollars pour construire une exploitation souterraine capable de produire annuellement des millions de carats de diamants. Lucara a conclu un accord avec un groupe de cinq institutions financières, dont le géant panafricain Afreximbank et la filiale londonienne de la banque française Société Générale pour financer ce projet. La compagnie a également obtenu en janvier dernier un renouvellement jusqu’en 2046 de son permis minier dans le pays.

Tirer des leçons de la pandémie de Covid-19

Les diamants ont encore beaucoup à apporter au Botswana, et ce, sur plusieurs décennies. La meilleure destination africaine pour les investissements miniers fait tout pour continuer de contrôler un secteur qui apporte énormément à ses caisses. Néanmoins, si elle doit tirer des leçons de la pandémie de Covid-19, c’est bien que pour survivre à d’aussi grandes crises, il vaut toujours mieux avoir plusieurs cordes à son arc. Le Nigéria et ses autres pairs producteurs de pétrole l’ont appris plus durement par le passé et ce n’est pas fini.

Pour le Botswana, le défi devrait donc être de redoubler d’ardeur dans la mise en œuvre de la stratégie de diversification de l’économie pour laquelle il a déjà obtenu, il y a quelques années l’appui d’institutions internationales comme la BAD. Plusieurs secteurs clés peuvent être mieux développés parallèlement au secteur minier, en l’occurrence l’agroindustrie, les énergies renouvelables, les services, les infrastructures et l’industrie manufacturière.

Si mieux survivre à de futures crises peut être un objectif solide pour ces plans, il faut également se rappeler qu’aussi immenses que puissent être les ressources minérales, elles finissent toujours par s’épuiser. La fin des diamants n’est certes pas pour maintenant, mais l’exemple de l’Afrique du Sud avec l’or donne matière à réfléchir.

Aprnews avec Agence ecofin