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Ghana- Corruption : Démission du président de la fédération de football

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Dimanche, 10 juin 2018

Ghana- Corruption : Démission du président de la fédération de football

APRNEWS- Toute la planète du ballon rond africain est sous le choc suite à la diffusion de l'enquête-documentaire « Number 12 », qui a révélé des scandales de corruption au sein du football ghanéen.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le football ghanéen est dans la tourmente. Kwesi Nyantakyi, le président de la fédération de football qui est également un responsable de la Confédération africaine de football (CAF) et de la FIFA, a été arrêté à son retour d'un voyage officiel au Maroc. 

Quelques heures plus tôt, il avait démissionné de son poste. « Après avoir rencontré le comité exécutif (de la GFA), j'ai décidé de démissionner de mes fonctions de président. La controverse causée par l'enquête documentaire est trop importante », explique Kwesi Nyantakyi dans un communiqué.

Colère et consternation

Trois jours après la diffusion d'une enquête journalistique dénommée #Number 12, où le président de la fédération de football du Ghana est pris en flagrant délit de corruption, l'onde de choc persiste dans le pays. On le voit notamment proposer de juteux contrats à des investisseurs en leur promettant qu'il peut influencer le président Nana Akufo-Addo, le vice-président Mahamudu Bawumia, des ministres et des responsables du gouvernement, en échange d'argent. 

Dans une des scènes, il est vu en compagnie d'un collaborateur en réalité infiltré par le réalisateur du documentaire se faisant passer pour un homme d'affaires, à qui il demande 5 millions de dollars pour le président, 3 millions pour le vice-président Bawumia, 2 millions pour le ministre du Transport, Kwaku Ofori Asiamah et 2 millions pour son adjoint, Anthony Karbo. Le président Akufo-Addo, très remonté après avoir regardé un extrait de la vidéo il y a quelques jours, a déjà demandé au Département des enquêtes criminelles de la Police du Ghana d'enquêter sur ces affirmations.

« J'ai commis une série d'erreurs (...) en ayant des discussions privées avec des escrocs qui m'ont fait croire qu'ils avaient un intérêt réel à investir dans notre pays, a-t-il déclaré. Je tiens à m'excuser auprès de ma famille, de mes collègues, mes amis, mes associés et pour le peuple du Ghana pour les avoir déçus, souligne-t-il. Mais cela ne veut pas dire que j'ai commis une quelconque faute tel que montré dans cette vidéo. »

Le film, Number 12, a été présenté en avant-première au Centre international de conférence d'Accra, en présence de nombreux diplomates et responsables politiques. Plusieurs dirigeants de la fédération et arbitres sont également filmés recevant des pots-de-vin pour influencer la sélection de joueurs ou truquer l'issue de certains matchs de première ligue.

Le ballon rond africain sous le choc

L'équipe d'Anas s'attaque ensuite aux championnats d'Afrique de l'Ouest, piégeant arbitres ivoiriens, gambiens, kényans au nom de « l'amitié » entre « frères ». Une amitié qui se monnaye jusqu'à 2 000 dollars.

Dans une scène ahurissante, un arbitre ivoirien affirme sans ciller qu'il favorisera le Ghana, aux dépens de l'Algérie. « Vous jouez contre qui ? Des Arabes ? Est-ce que je suis Arabe moi ? Alors, c'est plié », lâche-t-il en acceptant les 700 dollars tendus avant le match entre les deux équipes. Le Ghana gagnera cette rencontre 1-0 sur penalty.

La veille, le gouvernement du Ghana avait annoncé qu'il avait « décidé de prendre des mesures immédiates » pour dissoudre la fédération ghanéenne de football, après avoir eu connaissance du film avant sa sortie.

La Fifa, fédération sportive internationale du football, l'a également suspendu vendredi dans la matinée pour une durée de 90 jours. Ce documentaire est le résultat d'une enquête de deux ans menée par un journaliste infiltré et son équipe. Anas Aremeyaw Anas est connu au Ghana pour avoir révélé de nombreuses affaires de corruption ou d'abus de pouvoir dans le pays notamment dans le secteur de la justice. Toujours vêtu d'un chapeau, dont le bord lui recouvre le visage de perles, « Anas », tel qu'il est appelé au Ghana, n'a jamais dévoilé sa véritable identité, et personne ne connait son véritable visage. Il a affirmé avoir reçu des menaces de mort en rapport avec son enquête sur le football ghanéen. Le film a laissé le pays stupéfait. L'annonce de sa sortie en salle avait été faite depuis plusieurs semaines, panneaux géants dans les rues d'Accra à l'appui pour annoncer sa sortie.

Au Centre international de conférence d'Accra, en présence de nombreux diplomates et responsables politiques, les spectateurs étaient bouche bée. « C'est écœurant et nous devrions tous en avoir honte », a commenté à l'AFP Henry Asante Twum après avoir visionné le documentaire. « "Cela doit être une sonnette d'alarme », a-t-il ajouté. « Le système est gangréné par la corruption. »

Une enquête internationale

S'il est considéré au Ghana comme un super-héros de la lutte contre la corruption, les méthodes du journaliste et de son équipe posent toutefois des questions éthiques : il ne filme pas une situation de corruption en caméra cachée, il la met en scène. Ses proies cèdent à la tentation créée par le journaliste. Ses pratiques ont probablement influencé des décisions judiciaires, ou dans le cas de Number 12, des résultats sportifs. « Ce n'est pas juste de proposer des sommes lucratives et ensuite de retourner sa veste et d'accuser cette personne d'être corrompue », martèle Charles Bentum, avocat des juges mis en cause précédemment. « Au regard de la loi, celui qui tend l'argent est tout aussi condamnable que celui qui l'accepte. »

Mais Anas n'en démord pas. Le règlement de la Fifa est clair : il est absolument interdit d'accepter des cadeaux des parties impliquées dans une compétition. « Favoriser une équipe est absolument inacceptable », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Et je ne parle même pas de tendre la main pour y recevoir de l'argent. »

Source : Le Point