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France : L'entrée de Simone Veil au Panthéon

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Dimanche, 1 juillet 2018

France : L'entrée de Simone Veil au Panthéon

APRNEWS- Décédée il y a un an à l’âge de 89 ans, le 30 juin 2017, Simone Veil fait ce dimanche son entrée au Panthéon où elle va désormais reposer aux côtés de son mari Antoine Veil, intronisé en même temps qu'elle. Survivante de la Shoah, Simone Veil a marqué son époque pour avoir mené à bien la loi qui porte son nom pour la légalisation de l’avortement avant de devenir la présidente du premier Parlement européen en 1979 puis de faire son entrée à l’Académie française en 2010. Elle avait témoigné de cette existence hors du commun dans son autobiographie sobrement intitulée « Une Vie ».

Élue à l’Académie française en 2010, elle était déjà « immortelle ». Son cercueil transféré aujourd’hui au Panthéon, un an et un jour après sa disparition, voilà désormais Simone Veil « éternelle ». C’est un destin à tous points de vue hors du commun pour une femme au parcours exemplaire qui fut d’abord et avant tout la survivante d’un drame à la fois collectif et personnel qui l’aura marquée pour une vie entière. Survivante de la Shoah, le génocide des juifs durant la Seconde Guerre mondiale, Simone Jacob, son nom de jeune fille, avait été déportée à l’âge de 16 ans au camp d’Auschwitz avec ses parents et son frère qui n’en sont pas revenus, et ses deux sœurs.

Réchappée de justesse de l’Holocauste, elle avait rencontré Antoine, son futur mari, en février 1946 à Sciences Po alors qu’elle n’avait que dix-huit ans et lui dix-neuf. Le coup de foudre avait été mutuel entre les deux jeunes gens qui s'étaient mariés huit mois plus tard. Couple qualifié de fusionnel par tous leurs proches, Simone et Antoine, marié durant 67 ans, vont continuer à reposer ensemble mais sous la coupole du Panthéon. C’est un petit clin d’œil de l’Histoire en direction de celle qui avait milité auprès du président François Mitterrand pour que les femmes, à l’égal des hommes, soient célébrées dans ce monument à la gloire des plus grands Français, situé en plein cœur de Paris, dans le Ve arrondissement.

Une femme déterminée

« Ses yeux pers dans un visage éclatant réfléchissaient le vécu d'une tragédie indélébile », avait écrit à son propos Antoine Veil lequel, avait pour sa part échappé à la déportation, contrairement à sa sœur. Leur vie conjugale s’était d’abord construite d'abord autour de sa carrière à lui, jeune énarque vite engagé comme conseiller d'ambassade. Simone Veil l'avait ainsi accompagné à la fin des années 1940 à Wiesbaden puis à Stuttgart où il avait été nommé. À des proches qui s'en étaient indignés, elle avait expliqué qu'il fallait « distinguer les nazis des Allemands dans leur ensemble », une attitude lucide mais témoignant aussi d’une grandeur d’âme particulière. Durant les premières années de la vie du couple, c’est donc le mari qui tient le haut de l'affiche. Peu enclin à pousser sa femme à travailler, Antoine Veil voit d’ailleurs d'un mauvais œil le souhait de Simone de devenir avocate.

Se souvenant que son père avait empêché sa mère de poursuivre ses études après son mariage, Simone Veil décide quand même de devenir magistrate, preuve d’une détermination qui fera toujours sa force. Auparavant, elle a déjà donné naissance à trois fils (Jean en 1947, Claude-Nicolas en 1948, décédé en 2002, et Pierre-François en 1954). À la Chancellerie, sa capacité de travail ne passe pas inaperçue et elle devient, en 1970, la première femme désignée secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature. C’est là que Jacques Chirac la repère. Nommé Premier ministre en 1974, il la propulse ministre de la Santé. C’est une première pour une femme, une voie de pionnière qu’elle poursuivra en devenant, en 1979, la présidente du premier Parlement européen puis, en 1993, la première femme ministre d'État en France et, dans la dernière partie de sa vie, seulement la sixième femme à être admise à l'Académie française, en 2010.

C’est son combat pour faire adopter en 1975 la loi sur l'interruption volontaire de grossesse - contre une partie de la droite, son propre camp - qui l'avait fait connaître du grand public. Elle était devenue un peu plus tard la personnalité politique la plus populaire du pays. Passé au second plan dans le couple, Antoine Veil eut l’intelligence et l’humilité d’accompagner la carrière de son épouse sans en concevoir ni jalousie ni aigreur. Remisant ses ambitions de jouer un rôle en politique, il aura privilégié les affaires, enchaînant les hauts postes : directeur général de la compagnie aérienne UTA, président du comité stratégique du groupe Bolloré, PDG de Manurhin, de Matra transport, d'Orlyval, administrateur d'Havas.

« Je pense avoir su l'écouter et avoir su la lire entre les lignes. Mais les déportés parlent surtout entre eux », a dit celui qui fut aussi conseiller régional centriste d'Ile-de-France, et conseiller municipal de Paris. En 2010, après une visite au camp d'Auschwitz-Birkenau, où elle avait été déportée, Simone Veil avait dit de son inséparable « Tony », qui tenait à voir ce camp avant leur mort : « Il vit beaucoup plus pour moi que je ne vis pour lui » .Grand Officier de la Légion d'honneur et Commandeur de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, Antoine Veil est décédé en avril 2013.

L’hommage de la nation

Vendredi et samedi, les cercueils de Simone et Antoine Veil avaient été exposés dans la crypte du Mémorial de la Shoah à Paris – mémorial dont Simone Veil était l’un des membres fondateur avant d’en être, de 2001 à 2007, la présidente. Pour la journée d’intronisation d’aujourd’hui, l'Elysée et le Centre des monuments nationaux ont mis en scène une cérémonie solennelle forte en symboles. Depuis un an, partout en France, un grand travail a été fourni sur la mémoire de Simone Veil, notamment dans les classes mais aussi à l'occasion d'inaugurations de rues ou de places à son nom, notamment à Paris où la station de métro Europe et la place de l’Europe, dans le 17e arrondissement, ont été rebaptisées du nom de la grande dame.

Ce matin, le cortège funèbre va traverser la Seine et le Quartier latin, puis les cercueils remonteront la rue Soufflot jusqu'au Panthéon sur une moquette bleue, « couleur de la paix, de l'ONU et bien sûr de l'Europe », a précisé l'Elysée. La cérémonie du Panthéon en elle-même va rassembler un millier d'invités, dont les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande ainsi que les membres du gouvernement et de nombreux élus. Le président en exercice Emmanuel Macron, accompagné de son épouse Brigitte, prononcera un discours sur « cette figure contemporaine qui a mené ses combats avec un temps d'avance » et n'a cessé d'agir « dans un esprit de réconciliation », selon le communiqué publié par la présidence de la République.

Après une Marseillaise chantée par Barbara Hendricks, on observera une minute de silence particulière lors de laquelle sera justement diffusé le son du « silence » du camp d’Auschwitz Birkenau, où a été internée Simone Veil, moment enregistré sur place en Pologne, le 17 juin à l'aube, par le réalisateur David Teboul. L'imposant portail du Panthéon s'ouvrira ensuite pour laisser entrer Simone et Antoine Veil, dont les cercueils seront exposés jusqu'à lundi. Ils seront alors descendus, en présence de la famille, dans la crypte où ils reposeront à proximité de Jean Moulin, André Malraux et Jean Monnet, le « père de l'Europe ». Simone Veil sera la cinquième femme à être inhumée au Panthéon, lequel sera exceptionnellement ouvert gratuitement au public du 1er au 8 juillet.

SIMONE VEIL EN 13 DATES

  • 13 juillet 1927: naissance à Nice (Alpes-Maritimes) de Simone Jacob, benjamine d'une famille de quatre enfants.
  • mars 1944: déportée à Auschwitz avec sa soeur Madeleine (Milou) et sa mère. Cette dernière y mourra. Les trois soeurs Jacob retrouveront la liberté en 1945.
  • 1946: mariage avec Antoine Veil, futur inspecteur des finances.
  • 1970: première femme à devenir secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
  • 1974-1978: ministre de la Santé (gouvernements Chirac et Barre).
  • 17 janvier 1975: promulgation de la «loi Veil» autorisant l'avortement en France, après des débats houleux
  • 1979-1982: présidente du Parlement européen.
  • 1993-1995: ministre d'Etat, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville (gouvernement Balladur)
  • 1998-2007: membre du Conseil constitutionnel.
  • 2000-2007: présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Elle en restera présidente d'honneur
  • 2008: élue à l'Académie française.
  • avril 2013: mort de son mari, Antoine.
  • 30 juin 2017: décès

Avec AFP