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Entre États-Unis et Chine, un parfum de Guerre froide

Aprnews -Trump- «Blitzkrieg économique»- Actualité-Usa - Chine
Dimanche, 19 juillet 2020

Entre États-Unis et Chine, un parfum de Guerre froide

Washington | Cela ressemble désormais à une nouvelle Guerre froide. Les tensions entre la Chine et les États-Unis s’aggravent de jour en jour, mais la confrontation généralisée entre les deux grandes puissances couvait depuis longtemps et est appelée à durer, bien au-delà de la présidentielle américaine.

«Il est difficile de prédire jusqu’où les relations vont se détériorer», constate Shi Yinhong, professeur de relations internationales à l’Université Renmin de Chine, qui pense que les deux rivaux ont bien «commencé à entrer dans une nouvelle Guerre froide».

Ces dernières semaines, un engrenage de sanctions, représailles et contre-représailles a alimenté l’actualité à un rythme effréné.

Et les dossiers concernés illustrent l’étendue du bras de fer: de l’avenir de Hong Kong au rôle de l’équipementier Huawei dans l’internet mobile 5G, en passant par le Tibet, la mer de Chine méridionale ou encore les musulmans ouïghours.

La Chine devrait donc occuper une bonne place dans la campagne pour la présidentielle du 3 novembre entre le sortant Donald Trump, qui présente son adversaire démocrate Joe Biden comme faible face à Pékin, et ce dernier qui rivalise de fermeté.

C’était en fait déjà le cas il y a quatre ans: le milliardaire républicain a été élu, entre autres, sur la promesse de corriger l’immense déficit commercial avec le géant asiatique.

Visions «incompatibles»

Mais s’il a usé d’un ton martial durant l’essentiel de son premier mandat, c’était dans le cadre d’une guerre strictement commerciale finalement ponctuée par un premier accord.

Pour le reste, l’ex-homme d’affaires ne tarissait pas d’éloges pour son homologue Xi Jinping.

Selon son ex-conseiller John Bolton, Donald Trump voulait surtout obtenir de Pékin un coup de pouce électoral sous la forme d’une hausse des achats de produits agricoles pour satisfaire sa base rurale.

La pandémie provoquée par un coronavirus détecté pour la première fois dans la ville chinoise de Wuhan fin 2019 a finalement servi de révélateur d’une crise beaucoup plus profonde.

Après avoir chaleureusement «remercié» Xi Jinping, fin janvier, pour «ses efforts» pour «contenir» le virus, le 45e président des États-Unis a radicalement changé de discours, accusant désormais la Chine d’être responsable de la crise sanitaire et économique mondiale.

Il a en fait fini par embrasser la stratégie de confrontation directe tous azimuts portée par son secrétaire d’État, Mike Pompeo.

Selon Stephen Walt, professeur d’affaires internationales à l’Université Harvard, les deux premières puissances économiques mondiales sont engagées dans une «compétition sécuritaire de long terme», «exacerbée par des visions stratégiques incompatibles».

«Cela ressemble par certains aspects à la Guerre froide», dit-il à l’AFP, tout en estimant que la rivalité actuelle n’était «pas encore aussi dangereuse» que celle qui a opposé les États-Unis et l’Union soviétique au XXe siècle.

Si la rivalité existait avant l’ère Trump, «la cause profonde de la détérioration est à chercher dans les ambitions internationales grandissantes de la Chine», et notamment sa volonté de domination en Asie, ajoute-t-il.

Soixante-dix ans après sa naissance, la Chine communiste affirme plus que jamais, et sans complexes, son statut de grande puissance antagoniste des États-Unis. Tandis qu’à Washington, la classe politique a fait le deuil de l’espoir ancien de voir la mondialisation «normaliser» le pouvoir de Pékin, en apportant démocratie et liberté en même temps que la prospérité économique.

«Blitzkrieg économique»

Mike Pompeo lui-même, qui récusait encore en 2018 toute référence à la Guerre froide, ne rejette plus cette comparaison. 

Il souligne certes que les économies américaine et chinoise sont beaucoup plus «profondément imbriquées» que ne l’étaient celles de l’Union soviétique et des États-Unis, mais pour mieux défendre la nécessité, pour les pays occidentaux, de retrouver leur souveraineté industrielle et technologique afin de ne plus dépendre de Pékin.

Filant métaphore militaire, le ministre américain de la Justice Bill Barr a d’ailleurs mis en garde les géants de Hollywood et de la Silicon Valley, trop complaisants à son goût, contre une «blitzkrieg économique» menée par la Chine pour «dépasser les États-Unis en tant que première superpuissance mondiale».

Pour recréer l’esprit bloc contre bloc, l’administration Trump aimerait enrôler dans ses rangs l’Union européenne (UE), jugée trop timorée. Et en appelle pour cela à la défense de la «liberté» contre la «tyrannie».

Cette vision de la Chine comme «une menace idéologique» est erronée, plaide Oriana Skylar Mastro, chercheuse au cercle de réflexion American Enterprise Institute.

Elle préfère donc ne pas parler d’une «nouvelle Guerre froide», car cela conduit, selon elle, à adopter «des réponses stratégiques inefficaces».

Pour autant, «il y a une vraie possibilité de "guerre chaude" entre les deux camps, à des niveaux qui n’ont jamais été atteints avec l’Union soviétique», prévient-elle. «Les États-Unis réagissent au déclin de leur propre puissance en augmentant la pression quoi que fasse Pékin», qui en retour, sans comprendre «les ressorts de la politique américaine», refuse par exemple de retirer ses armes en mer de Chine méridionale.

Or, «le refus de la Chine de rassurer les États-Unis pourrait nous conduire à la guerre», assure-t-elle à l’AFP.