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Emirats Arabes Unis : Trois équipes cyclistes isolées depuis cinq jours

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Mardi, 3 mars 2020

Emirats Arabes Unis : Trois équipes cyclistes isolées depuis cinq jours

Le directeur de l’équipe Cofidis dénonce « une prise d’otages », alors que les cas suspects de coronavirus sur la course cycliste UAE Tour n’ont jamais été confirmés.

Un hôtel abandonné au milieu du désert, et 80 personnes retenues à un étage dans la crainte d’une épidémie : le scénario qui se trame dans les couloirs du « W » d’Abu Dhabi rappelle davantage un blockbuster hollywoodien qu’une course de vélo.

Pourtant, c’est bien l’histoire d’une compétition cycliste sur le point de virer au cauchemar pour les équipes françaises Cofidis et Groupama-FDJ et la formation russe Gazprom, confinées depuis cinq jours dans cet établissement luxueux de l’émirat après des suspicions de coronavirus, sans qu’aucun cas n’ait été confirmé.

« C’est ubuesque, se lamente Thierry Vittu, directeur de l’équipe Cofidis. Le fait d’être retenu contre notre gré, à un endroit où on ne souhaite pas être, pour une durée indéterminée, cela s’apparente beaucoup à une prise d’otages. C’en est même la définition exacte. Nous sommes otages et pestiférés, au sens où les gens nous évitent, et psychologiquement, c’est très difficile à vivre. »

Tests négatifs

Retour en arrière. Depuis le début de la semaine passée, les meilleures équipes du monde tournent sur les routes désertes des Emirats arabes unis dans le cadre de l’UAE Tour. Jeudi 27 février au soir, des ambulances se garent devant le W Hôtel où résident des équipes, des journalistes et des membres de l’organisation. Deux membres italiens de l’encadrement d’une équipe sont soupçonnés d’être porteurs du coronavirus.

L’hôtel est bouclé mais les résidents se déplacent librement à l’intérieur et passent des contrôles. La course est interrompue. Aucun cas de coronavirus n’est cependant confirmé. L’ensemble des contrôles reviennent négatifs, y compris ceux des deux Italiens.

Dans la journée du dimanche 1er mars, après plus de deux jours de confinement, toutes les équipes peuvent quitter Abu Dhabi. Mais pas celles hébergées au quatrième étage : depuis samedi soir, la rumeur court que deux ou trois résidents de l’étage souffrent de fièvre. Nouveaux tests et nouveaux cas négatifs. Les derniers résultats étaient attendus mardi 3 mars. Pour une libération ?

L’UCI espère que « coureurs et personnel pourront quitter le pays aujourd’hui »

Les équipes n’ont aucune information officielle ni date possible de sortie de la part des autorités émiraties. « L’Union cycliste internationale (UCI) et les organisateurs [le groupe italien RCS, N.D.L.R.] en savent à peine plus que nouspoursuit Thierry Vittu. Les autorités françaises, consulat et ambassade, sont au fait de la situation. On m’a dit qu’ils faisaient le maximum. (…) De temps en temps, on reçoit une bonne nouvelle, on s’accroche à ça et deux heures après on nous explique qu’on ne pourra pas partir. On passe des stades d’euphorie à dépression. C’est source d’angoisse et de stress. »

Sollicitée, la direction de l’UCI explique qu’elle a « contacté directement les autoriutés gouvernementales » et se dit « très active pour accélérer le retour des membres de équipes concernées ». L’instance dit « espérer que les coureurs et le personnel pourront quitter le pays aujourd’hui »

En attendant, si les membres des trois équipes ont en théorie l’obligation de rester dans leurs chambres, ils se baladent librement sur la moquette grise de ce quatrième étage, où personne d’autre ne s’attarde. Les chambres ne sont pas nettoyées : le personnel de l’hôtel dépose devant les ascenseurs des stocks de draps, serviettes et savons. Chacun vient se servir.

Parfois, on toque à la porte : c’est le plateau-repas qu’un fantôme en blouse blanche et lunettes de soleil vient déposer. Ce mardi midi, viande et brocolis, pomme, yaourt et bout de pain. Parfois, une pizza ou du fast-food.

Au-delà de l’inactivité forcée - les équipes n’ont pas été autorisées à monter des rouleaux pour faire du vélo en chambre -, les nutritionnistes des équipes s’arrachent les cheveux devant ces écarts répétés à la diététique, élément capital de la performance en cyclisme.

« Cela va peser sur la suite de notre programme »

« On vient courir leur course pourrie sur des parcours inintéressants et voilà dans quoi on se retrouve, se désole le coureur français Stéphane Rossetto (Cofidis) dans Le Parisien. On se désentraîne, on se mine mentalement et cela va peser sur la suite de notre programme pour la saison. »

Pour les coureurs encore à l’isolement, le bénéfice éventuel de la préparation sous le soleil du Golfe s’est évanoui dans la climatisation du W Hotel. Restent quelques vidéos pour l’histoire et tuer l’ennui, telle celle du coureur australien Nathan Haas (Cofidis), qui tente de garder la forme physique en soulevant sa valise ou sprintant dans les couloirs déserts.

L’an prochain, l’UAE Tour se passera probablement de certaines équipes. « Si je posais la question aux coureurs, je pense que cela se passerait mal, dit Thierry Vittu. L’avis général c’est plutôt : “Plus jamais je ne mets les pieds dans ce pays.” »

Source : Le monde