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Élections législatives anticipées: l’Arménie polarisée choisit son avenir

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Samedi, 19 juin 2021

Élections législatives anticipées: l’Arménie polarisée choisit son avenir

Les Arméniens élisent leur Parlement ce dimanche 20 juin. Ces législatives anticipées ont été convoquées par le Premier ministre par intérim Nikol Pachinian, affaibli par sa défaite militaire face à l’Azerbaïdjan à l’automne. Porté au pouvoir par une révolution pacifique en 2018 grâce à sa promesse de chasser les élites corrompues, sa popularité a été mise à mal par cette guerre perdue et des promesses non tenues.

Législatives en Arménie: l'opposant Robert Kotcharian réunit une dernière  fois ses partisans

Avec 25 partis ou blocs électoraux, trois anciens présidents, Levon Ter-Petrossian, Robert Kotcharian et Serge Sarkissian, candidats ou investis dans la campagne, les électeurs arméniens semblent avoir l’embarras du choix. En réalité, dans un pays en crise, divisé, marqué par la défaite dans la guerre du Haut-Karabakh à l’automne dernier, beaucoup s’apprêtent à voter, sans enthousiasme, pour ce qu’ils considèrent comme étant le moindre mal.

À l’issue de la campagne, deux listes se démarquent fortement dans les sondages. Le « Contrat civil » du Premier ministre par intérim, Nikol Pachinian, donné favori, a vu sa côte baisser dans les derniers jours, en particulier depuis l’escalade des tensions frontalières avec l’Azerbaïdjan. À l’inverse,  « l'Alliance Arménie », menée par l’ancien président Robert Kotcharian semblait gagner des points.

Incarnant l’ancien système corrompu, Robert Kotcharian reste auréolé de la victoire dans la guerre de 1991-1994, en tant que Premier ministre, puis président de l’enclave à l’époque. Pour une partie des électeurs, il fait figure de « sauveur », face au Premier ministre sortant, Nikol Pachinian, symbolisant une Arménie humiliée après la défaite face à l’Azerbaïdjan. Beaucoup ne lui pardonnent pas d’avoir signé le cessez-le-feu du 9 novembre 2020 consacrant d’importantes pertes territoriales, ni le lourd bilan humain.

Après la révolution de velours, la déception d'une partie des électeurs

Trois ans après la révolution de velours, une partie des électeurs qui avaient voté pour le parti de Nikol Pachinian, lui assurant une majorité absolue de plus de 70%, s’en sont détournés. C’est le cas de Lussiné Pétrossian: « C’est un beau parleur, il a fait beaucoup de promesses, mais tout cela n’était que du vent. Et aujourd’hui, on se retrouve à la merci de l’Azerbaïdjan et de la Turquie », déplore la médecin de 54 ans, qui s’apprête à voter pour « l’Alliance Arménie » de Robert Kotcharian.

Artiste peintre, Karen Doloukhanyan avait activement soutenu la révolution de velours en 2018. Déçu par la tournure des événements, il n’ira pas jusqu’à voter pour l’ancien président, symbole, à ses yeux d’un « pouvoir de criminels et de bandits qui ont vendu le pays ». Mais il en veut aussi au chef du gouvernement sortant, qui n’est pas parvenu à réformer le système judiciaire.

L'ancien président Robert Kotcharian poursuivi pour corruption 

Mis en examen et emprisonné par trois fois depuis l’arrivée au pouvoir de Nikol Pachinian, Robert Kotcharian, poursuivi pour corruption et violation de l’ordre constitutionnel, a été acquitté, début avril.

Il n’en fallait pas plus pour ses partisans pour crier à la « falsification », à l’instar de Victor Soghomonyan, le chef du bureau du deuxième président arménien : « Ils n’ont pas pu apporter de preuves de la culpabilité de Robert Kotcharian ». Le gouvernement « n’a pas su mener les réformes des organes chargés de l'application des lois et du système judiciaire », constate Sona Ayvazyan, directrice exécutive de « Transparency International Anticorruption center » à Erevan.

« Ils étaient confiants, ils pensaient qu’ils étaient là pour une décennie et qu’ils disposaient de temps pour mener les réformes, mais ils se sont trompés », explique Sona Ayvazyan. 

Disposant de relais puissants dans le monde des affaires comme au sein des administrations, Robert Kotcharian, en retrait de la scène politique ces dernières années, espère prendre sa revanche sur son rival. Ami du président russe, Vladimir Poutine, il se présente en homme fort et expérimenté, seul à même de garantir la sécurité du pays.

L'issue du scrutin reste incertaine 

Cette élection est « un test pour la démocratie », estime Daniel Ioannisyan, directeur exécutif de l’ONG « Union des citoyens informés », qui a constaté une surenchère de mensonges, de manipulations et de fake news durant la campagne.

Invectives, injures et attaques personnelles se sont multipliées. Nikol Pachinian n’a pas été en reste, brandissant un marteau pendant ses rassemblements électoraux, censé symboliser un « mandat d’acier » populaire dont il dit avoir besoin pour continuer à gouverner l’Arménie avec une main plus ferme et qualifiant les maires des villes et de villages qui le défient de « clous rouillés»  qui seront retirés par son marteau après les élections.

Dans ce contexte tendu, les observateurs redoutent des violences post-électorales. Les jeux semblent très ouverts, vu le nombre important d’indécis (entre 40 et 50% selon les enquêtes). « C’est la première fois qu’il y a une confrontation aussi tendue et qu’il n’y a pas de favori très clair. On ne peut pas prédire l’issue de ce scrutin », souligne Hrant Mikaelian, de l’Institut de Caucase.

Si aucun parti ou coalition n’obtient la majorité à l’issue du scrutin de dimanche, un second tour aura lieu le 18 juillet entre les deux formations ayant obtenu le meilleur score. L’équipe de Nikol Pachinian a déjà pris soin de réserver la place de la République pour lundi matin, au moment où les résultats devraient être connus. 

Aprnews avec Rfi